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Design des territoires : quand les designers entrent en campagne

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A l’occasion de sa rencontre à Nontron avec la 3e promotion du postmaster Design des Mondes Ruraux, antenne de l’École des arts décoratifs en Dordogne, la ministre de la Culture a annoncé ce 22 janvier 2024 le souhait de voir se dupliquer le modèle de ce programme pionnier selon les typologies de territoires suivantes : les milieux montagnards, les milieux littoraux, les milieux insulaires et les milieux forestiers. Objectif : y améliorer l’offre culturelle et réinventer l’environnement de vie en impliquant à la fois les résidents locaux et les étudiants en design.

22 millions de Français, soit un tiers de la population, vivent dans des zones rurales qui représentent 88% des communes françaises. Même si de nombreuses initiatives culturelles sont présentes dans ces régions, un rapport d’information de décembre 2019, réalisé par Antoine Karam et Sonia de La Provôté pour la Commission de la culture, pointe la question des inégalités territoriales en matière d’accès à la culture. Les territoires doivent palier à l’absence de culture en milieu rural au risque de perdre de leur attractivité. 

Mais, à partir du constat que les territoires ruraux bénéficient d’un regain d’attractivité, en particulier de la part d’une population soucieuse d’écologie et d’un mode de vie plus harmonieux, les zones rurales peuvent être appréhendées comme de véritables laboratoires d’innovation sociale, ou plus simplement de l’art de vivre, articulé à la grande question des temps présents, à savoir celle de l’habitabilité. C’est sur la base de ces considérations que l’École des Arts Décoratifs a mis en place à Nontron, dans le Périgord vert, le programme Design des Mondes Ruraux, avec l’ambition de contribuer à la vitalité des territoires ruraux par le design. Rappelons que l’Ensad est le premier établissement d’enseignement supérieur à s’être doté d’un plan de transition écologique en 2019.

Le budget global que l’Ecole nationale supérieure des arts décoratifs (Ensad) mobilise par promotion du programme Design des mondes ruraux est de 150 000 € qui se répartissent entre une bourse de 8 000 € par an et par jeune professionnel, et l’encadrement pédagogique qui équivaut à 60 000 €, en plus des frais divers. La mairie de Nontron met également une maison, un véhicule et le lieu de création à disposition.

Photo © Victor Cornec

De la banlieue à la ruralité : une École en prise sur la diversité de nos milieux de vie

Parce qu’ils sont historiquement les arts de la maison, les arts de vivre et d’habiter, et que ces questions nous sont aujourd’hui adressées à l’échelle de notre maison terrestre, les arts décoratifs sont les arts de notre temps, de ses enjeux et de ses défis. Ils ont aussi pour ces mêmes raisons, vocation à être en prise sur les territoires et leurs transitions, dans une dynamique d’ouverture et de décentrement.

C’est dans cet esprit que l’Ensad a lancé en 2021 deux programmes expérimentaux, l’un en banlieue, La Renverse, l’autre en milieu rural, Design des Mondes Ruraux. Dans les deux cas, le projet est conçu en relation étroite avec l’ensemble des composantes de l’écosystème, humaines, culturelles, économique et politique, dans une visée transformatrice et concrète, soucieuse de révéler le potentiel du territoire.

La banlieue : La Renverse
La Renverse est une école expérimentale imaginée en Seine Saint-Denis avec les Ateliers Médicis, afin d’accompagner des vocations artistiques qu’aucune école ne sait plus accompagner. Accordant une place centrale aux singularités et aux attentes de chacun, elle se construit au plus près de la quinzaine d’élèves qu’elle accueille chaque année, à rebours des modèles académiques.

Formation artistique d’une année, La Renverse s’adresse à des jeunes âgés de 18 à 25 ans, issus de Seine-Saint-Denis ou des départements limitrophes, passionnés par la création, en particulier par la photo, la vidéo, la mode, le dessin ou le design, mais dont l’accès aux métiers artistiques est rendu difficile pour des raisons sociales ou économiques. L’admission ne demande aucun prérequis, seul l’intérêt affirmé pour une pratique artistique est pris en compte.

La ruralité : Design des Mondes Ruraux
Les zones rurales sont aujourd’hui des territoires soumis à une forte contradiction. D’un côté, elles catalysent un certain nombre de tensions – sociales, politiques, économiques – qui sont liées au sentiment partagé d’un retrait ou d’un affaiblissement des services publics et plus largement de la vie économique et sociale, accompagné d’un déficit de prise en compte de modes de vie spécifiques par la puissance publique : l’Agenda rural ne date que de quelques années quand la politique de la Ville a au moins 50 ans.

D’un autre côté, les territoires ruraux bénéficient d’un regain d’attractivité, en particulier de la part d’une population soucieuse d’écologie et d’un mode de vie plus harmonieux. Cette tendance s’est fortement accentuée sous l’effet de la crise sanitaire. Dans la mesure où la société est en train de s’y recomposer, que les services y sont à réinventer et que de nouveaux usages du monde s’y cherchent et s’y projettent, les zones rurales peuvent être appréhendées comme de véritables laboratoires d’innovation sociale, ou plus simplement de l’art de vivre, articulé à la grande question des temps présents, à savoir celle de l’habitabilité. C’est sur la base de ces considérations que l’Ensad a mis en place à Nontron, en Dordogne, le programme Design des Mondes Ruraux, avec l’ambition de contribuer à la vitalité des territoires ruraux par le design, selon un principe de réponse à des problématiques locales et de co-construction entre étudiants et habitants.

Pour Emmanuel Tibloux, directeur de l’Ensad, « […] Ce sont des territoires où se réinventent constamment les usages et les services. Ceci est dû à la fois à ce qu’on a appelé les phénomènes de déprise (vieillissement de la population, retrait des services publics, des entreprises…), et à une nouvelle attractivité de ces territoires sous l’effet dernièrement du COVID. Si bien que ces territoires sont investis de beaucoup d’attentes, de beaucoup d’expérimentations qui me semblent absolument passionnantes. Non seulement parce qu’il y a des choses à y inventer, mais aussi parce que ces territoires concentrent les enjeux qui sont ceux de toutes les sociétés occidentales en termes de nouveaux services et de nouveaux usages : vieillissement, mobilité, santé, fracture numérique… » (Source : toutelaculture.com, 2021)

Photo © Victor Cornec

Design des Mondes Ruraux, un modèle au bilan transformateur

De niveau Post-Master, le programme Design des mondes ruraux réunit 6 à 8 jeunes diplômés ou professionnels de haut niveau, recrutés sur la base d’un appel à candidature international annuel. Le niveau post-Master garantit un niveau de compétence et d’engagement élevé. Dans son esprit et son fonctionnement, le programme conjugue l’école de terrain et le bureau d’étude. L’école de terrain permet aux participants (designers, architectes, paysagistes, etc.) d’être immergés dans le territoire, en disposant d’un espace commun de logement et de travail, d’un encadrement dédié et de se former en faisant.
Comme l’explique la Gazette des communes, « Les six jeunes diplômés lancés dans cette aventure pour la seconde promotion, 2022-2023, devaient s’emparer des problématiques qui impactent ce bourg, écouter les habitants, confronter leurs idées avec celles des différentes parties prenantes (élus, entreprises, établissements publics, agri­culteurs…) et élaborer, puis réaliser un projet. « Il est important que ces résidents puissent rester neuf mois et s’approprier les lieux. L’idée est de résider pour réhabiliter », explique Emmanuel Tibloux.

Le programme fonctionne aussi à la façon d’un bureau d’étude dans le sens où la formation s’organise autour de trois commandes par an, passées par des acteurs public ou privé, qui correspondent à des problématiques situées d’intérêt général au service du territoire. Dans le Périgord nontronnais, les étudiants ont par exemple travaillé sur les questions suivantes : comment vieillir en milieu rural, avec l’EHPAD ; comment réduire l’autosolisme en milieu rural, avec la SNCF ; comment sensibiliser aux bons usages de l’eau, avec le Contrat de relance et de transition écologique ;  comment échapper au déterminisme du genre, avec la Cité scolaire.
À chaque fois, des réponses audacieuses et pertinentes sont apportées, à l’image de l’extension du service de transport scolaire au transport de salariés et de denrées alimentaires. En plus des commanditaires, le programme bénéficie d’une coopération exemplaire entre le ministère de la Culture, la région Nouvelle Aquitaine, le département de la Dordogne, la Caisse des dépôts, la fondation Hermès, la ville de Nontron et la communauté de commune du Périgord nontronnais.

Programme Design des territoires, une ambition nationale en ruralité, portée par l’École des Arts Décoratifs

Sur la base de ce succès, la ministre a confirmé l’engagement de l’État pour pérenniser le programme Design des Mondes Ruraux à Nontron et a souhaité essaimer cette démarche en l’amplifiant d’une ambition nationale « Design des Territoires ». Ce programme propose une approche par les milieux, en distinguant quatre autres territoires, représentant des cadres de vie variés, tous concernés par des problématiques spécifiques que le design peut aider à résoudre : les milieux littoraux, les milieux insulaires, les milieux montagnards, et les milieux forestiers.

La fidélité à trois grands principes vise à produire un impact durable sur le territoire :

  • Une approche écologique et sociale globale, c’est-à-dire consciente des relations de solidarité qui nous lient à l’ensemble de la société et du vivant, soucieuse et attentive à l’habitabilité de nos milieux de vie ;
  • Une articulation étroite et une démarche de co-construction avec les différents acteurs du territoire : collectivités, associations, entreprises, artistes et artisans, lycées, écoles supérieures d’art et design et établissements d’enseignement supérieur ;
  • Une réciprocité de l’impact entre le territoire et les jeunes designers et un effet duplicateur : les designers œuvrent pour le territoire tout en s’en nourrissant et en acquérant des compétences qui pourront ensuite les conduire à s’installer durablement ou être mises au service d’autres territoires.

L’appel à manifestation : fonder des alliances territoriales

Le ministère de la Culture s’engage à financer la moitié du coût de chaque programme local sur trois ans. Aussi, les territoires souhaitant bénéficier de cet effet d’amorçage important sont appelés à se porter candidats dans la configuration suivante :

Les collectivités locales
Reposant sur l’immersion et la petite échelle, le programme nécessite l’identification de collectivités locales, à l’échelle des communautés de communes, soucieuses d’accueillir des cohortes de jeunes praticiens. Aussi, les collectivités locales candidates s’engagent à mettre à disposition un lieu de vie et de travail collectif, des solutions de mobilité (véhicule partagé, vélos) et un accès facilité à des ressources et compétences locales (inclusion dans les instances, mises en relation avec les acteurs locaux, accès aux données sur le territoire, outils de production partagés, plateau des services techniques). Cette valorisation est la garantie qu’une collaboration profonde s’engage avec l’ensemble du territoire.

Les collectivités territoriales
Départements et régions, sont également concernées par le dispositif : les solutions prototypées sur le territoire répondent à des enjeux qui les traversent. Aussi, ils se constituent partenaires de premier ordre et siègent dans l’ensemble des instances de gouvernance du projet. Les structures qui leur sont rattachées (enseignement secondaire et écoles supérieures d’art et design, préservation de l’environnement, santé) seront également concernées puisque des collaborations pérennes s’engageront avec elles. Selon la même logique contributive, les collectivités territoriales participent progressivement au plan de financement du projet. Afin de veiller à un maillage équitable du territoire, seul un projet par région est éligible.

Entreprises et mécènes
Enfin, les entreprises et mécènes locaux et nationaux, acteurs de l’intérêt général dans les territoires sont également vivement appelés à rejoindre le financement du dispositif tout autant que sa gouvernance.

Calendrier de déploiement du programme « Design des Territoires »

Le programme nontronnais se poursuivra avec le recrutement d’une nouvelle promotion en septembre 2024. Un programme « Design des massifs » sera lancé dans le Livradois Forez, dans le Puy de Dôme, en 2024, avec pour ambition notamment d’accompagner les territoires vers l’après-neige et de travailler sur les conflits d’usage entre agropastoralisme et tourisme vert. Les trois autres programmes feront l’objet d’un appel à manifestation d’intérêt pour un lancement prévu entre 2025 et 2026 :

  • Design des Mondes Littoraux en 2025
  • Design des Mondes Forestiers en 2025
  • Design des Mondes Insulaires en 2026 

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