Le Conseil économique social et environnemental (CESE) a adopté ce mercredi 14 septembre 2016 un avis sur « La contribution des emplois de la biodiversité à la transition écologique », présenté au nom de la section de l’environnement par Allain Bougrain Dubourg. Cet avis prend appui sur les gisements connus d’emplois de la biodiversité, explore les potentialités plus méconnues, et notamment la part d’innovation que l’intégration de la biodiversité induit et développe ; enfin, les différents moyens d’accompagner leur émergence nationale ou locale.
La transition écologique est un projet commun qui a vocation à rassembler tous les secteurs de l’économie et de la société. Préserver et reconquérir la biodiversité est l’un des grands défis de cette transition : le développement des « emplois de la biodiversité » sera donc un indicateur de concrétisation de la volonté collective de le relever. Le CESE a rendu ses préconisations sur la contribution des emplois de la biodiversité à la transition écologique.
La question de l’emploi reste une priorité pour la société tandis que de nouveaux métiers liés à la nature et à la nécessité d’une transition écologique émergent. Aussi apparaît-il nécessaire d’évaluer ou préciser les potentialités d’emplois associées à la biodiversité et d’accompagner leurs innovations. Le CESE a choisi d’investir dans toutes les voies de reconquête de la biodiversité, dont celles passant par des emplois dédiés ou renouvelés par la nature pour que les politiques soient mises en œuvre et alors que la biodiversité connaît un déclin jugé aussi préoccupant que le dérèglement climatique.
Par son avis, le CESE recense les potentialités connues ou restant à documenter d’emplois de la biodiversité dans le cadre de la transition écologique, ainsi que les différents moyens d’accompagner leur émergence nationale ou locale.
La France doit accentuer ses efforts pour développer l’emploi dans les secteurs liés à la biodiversité :
– Assurer les engagements de la France : « La valorisation des emplois de la biodiversité s’impose pour que la France assure ses engagements pris dans les réglementations nationales et internationales, mais aussi pour qu’elle s’engage dans l’innovation inspirée par la nature », souligne le texte.
– Faire connaître des métiers : Métiers liés à la connaissance de la biodiversité, à sa protection, à la gestion des espaces naturels, il faut d’abord mieux identifier ces emplois, puis faire qu’ils « gagnent en reconnaissance et en visibilité ». Les régions en particulier sont appelées à amplifier leur action, notamment dans l’agriculture au sein des projets territoriaux.
– Recruter des chercheurs… et des femmes : La recherche publique (postes de chercheurs et postes techniques) doit accomplir « un effort de recrutement significatif ». L’offre de formation professionnelle doit être cartographiée, ajoute le CESE, qui appelle aussi à une féminisation du secteur : seuls 13% des emplois verts sont occupés par des femmes, souligne le Conseil. Enfin l’éducation doit commencer dès l’enfance et engager toutes les structures éducatives, « pour que chacun intègre la biodiversité dans sa vie personnelle et professionnelle ».
Élargir le cercle des quelques dizaines de milliers d’emplois existants dédiés à la biodiversité, en impliquant tous les secteurs de l’activité économique concernés par son maintien et sa restauration, voilà l’objectif à atteindre. Pour accroître ce potentiel, il est nécessaire de réaffirmer et renforcer les emplois et les métiers dont la biodiversité constitue le cœur d’activité. Il importe aussi de mieux décrire et cartographier ceux qui contribuent déjà pour une part à la biodiversité, d’en augmenter le nombre par des efforts de formation, de recherche, et une mobilisation plus forte de la société. En plus des créations d’emplois que suscitera la reconquête de la biodiversité, plusieurs centaines de milliers pourraient évoluer ou s’enrichir de compétences nouvelles dans de nombreux secteurs d’activité, comme l’agriculture.
Depuis 2010, différents travaux ont permis d’identifier les métiers et les emplois spécifiquement dédiés à la nature et à la biodiversité. Ceux de l’Atelier technique des espaces naturels (ATEN) et de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) évaluent un premier cercle de 28 000 emplois spécifiquement consacrés à la biodiversité, auxquels s’ajoute un second cercle de 48 000 emplois qui contribuent à sa préservation, soit 76 000 emplois. L’état des lieux est cependant loin d’être achevé. De nombreux emplois en rapport avec la biodiversité sont pris en compte et agrégés dans les inventaires de l’économie et filières vertes ou verdissantes, sans que leur visibilité et leur identification soient assurées au sein du deuxième cercle. De même, la répartition des emplois concernés à partir d’une typologie des employeurs (État, collectivités, entreprises privées, associations) n’est pas connue avec précision.
ne quarantaine de métiers liés à la biodiversité et aux services écologiques on été identifiés, classés en six familles professionnelles.
La première famille regroupe tout ce qui concerne l’administration et le soutien à ces fonctions. Ces métiers, qui vont du comptable au juriste, du responsable des ressources humaines au documentaliste, représentent environ 4% des emplois. « Ils sont considérés comme faisant partie du coeur de métiers car situés dans des structures qui ont pour objet la préservation de la biodiversité et le bon fonctionnement des écosystèmes », explique le Cese. La deuxième famille inclut tout ce qui concerne l’information et l’éducation, soit 43% des emplois considérés dont 39% d’enseignants de sciences de la vie et de la terre (SVT) en collège et lycée. Les 4% restants sont les accompagnateurs nature, les animateurs du patrimoine et les responsables d’animation.
La troisième famille professionnelle est relative à l’aménagement et la restauration des milieux. « Ces métiers, qui sont au coeur de la mise en oeuvre des actions de préservation et de restauration, constituent un contingent d’emplois relativement important : 11%. Il est à noter que les agents des collectivités affectés à l’entretien des espaces verts sont inclus parmi les agents d’entretien du patrimoine naturel et paysager », détaille le Cese.
La quatrième famille concerne la recherche et la connaissance qui représentent 7% du volume total des emplois. « Les 6.000 chercheurs environ constituent l’essentiel de ce contingent que le directeur de l’Aten estime beaucoup trop peu mobilisés par les gestionnaires », souligne l’avis.
La cinquième famille, qui regroupe les métiers de l’eau et de la planification, représente quant à elle 21% des emplois de la biodiversité. On y trouve les animateurs des schémas et aménagements de gestion des eaux, des gardes nature, qui peuvent également exercer des missions de police, ou des techniciens de préservation des milieux aquatiques, chargés à la fois de faire respecter la réglementation et de collecter un certain nombre de données de terrain.
Enfin, la sixième famille comprend les ouvriers d’exploitation agricole et les techniciens agricoles ou forestiers, soit 14% des emplois. Auditionné par le Cese, Xavier Gayte, directeur de l’Aten, a évoqué « la prise en compte dans ces métiers des conseillers agricoles des chambres d’agriculture qui participent au développement de l’agroécologie. Le réseau qui se met progressivement en place représenterait plusieurs centaines d’emplois ».
Au total, l’Aten et l’Afpa recensent à ce jour 76.000 emplois, dont 28.000 coeurs de métier à l’instar des gestionnaires de réserves naturelles, a précisé Allain Bougrain-Dubourg devant la presse.
Certaines régions ont fait réaliser des études ou travaux de recherche proposant des approches prospectives et des points d’ancrage méthodologiques. Ces questionnements stimulants du sujet restent pourtant limités à quelques territoires. Pourtant les potentialités d’intégration de la biodiversité dans les emplois et métiers comme dans les pratiques des secteurs d’activité sont bien réelles. Elles représentent de forts enjeux de transformation des emplois existants, d’évolution des métiers comme d’adaptation des formations initiales et continues.
Si les organisations du groupe Environnement et Nature soutiennent l’ensemble des préconisations de cet avis, elles rappellent que les régions sont en première ligne et peuvent changer la donne. Récemment renforcées dans leurs compétences économiques et désignées comme chef de file pour l’environnement, les nouvelles régions devraient se mobiliser pour développer à leur échelle les emplois favorables à la biodiversité.
Or certains nouveaux exécutifs régionaux tournent le dos à ces objectifs en réduisant l’ambition et les moyens accordés aux Parcs naturel régionaux, aux collectivités et aux associations, en matière de politiques environnementales, ce qui ne sera pas sans conséquences sur l’emploi !
A rebours de ces régressions, et afin de mettre en œuvre les engagements pris dans la loi sur la biodiversité, les régions peuvent faire émerger les innovations inspirées des connaissances de la nature pour ouvrir de nouvelles pistes d’emplois. Il est à cet égard de l’intérêt de tous d’inclure les emplois de la biodiversité dans les stratégies de développement et d’innovation définies par le Schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation.
Les organisations du groupe Environnement et Nature encouragent les Régions à introduire via leurs chartes régionales d’engagement en faveur de la biodiversité, des critères d’éco conditionnalité des aides régionales fondées sur des engagements pour l’emploi ou la formation en biodiversité. De même, une aide devrait être accordée aux acteur.rice.s qui prennent des engagements concrets reconnus par le processus d’évaluation, en faveur de l’emploi de la biodiversité après leur adhésion à la Stratégie nationale pour la biodiversité ou aux stratégies régionales.
« Si la question climatique est entrée dans les consciences, il y a urgence à ce qu’il en soit de même avec la biodiversité ! Nous attendons beaucoup des Régions. Sous leur impulsion, les emplois de la biodiversité peuvent être un barrage efficace à l’érosion de la biodiversité. » conclut Allain Bougrain Dubourg, rapporteur de l’avis.
Source : CESE
Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme, France Nature Environnement, Humanité et Biodiversité, Les Amis de la terre France, Ligue pour la protection des oiseaux, Réseau action climat France, Surfrider Foundation Europe
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