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Comment la surveillance des JO devient une discipline olympique

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Un nouvel athlète est entré dans l’arène olympique, pour révolutionner la gestion et la vie quotidienne des Jeux : l’intelligence artificielle (IA). Le secteur représentera $29,7 milliards d’ici 2032, avec une croissance annuelle moyenne de 30,1% de 2023 à 2032, selon une étude de Allied Market Research. Elle offre de nouvelles perspectives pour les athlètes professionnels ou amateurs, les organisations sportives, les médias et les fans, transformant ainsi les données sportives en un vecteur de développement stratégique. Elle concerne aussi la sécurité et la protection de la vie privée puisque la loi olympique française du 19 mai 2023 autorise le recours aux algorithmes pour le contrôle des citoyens et des athlètes par la vidéo-surveillance. Michel WONG, Consultant au sein du cabinet Magellan Consulting, nous propose ici un tour des usages de l’IA pendant ces JO.

Performance et santé des athlètes

Un des usages les plus répandus est l’analyse prédictive de la performance des athlètes. En monitorant les mouvements, les données physiologiques et les caractéristiques techniques des exécutions, les algorithmes d’apprentissage automatique ou Machine Learning peuvent fournir des indications vitales sur les forces et faiblesses des athlètes en temps réel, ainsi proposer des ajustements personnalisés. L’équipe de cyclisme Jumbo Visma utilise par exemple l’IA pour prédire les besoins énergétiques des coureurs selon les données comme la puissance maximale limitée, le type de trajet et la météo.
L’IA contribue aussi à la santé des athlètes. L’algorithme peut évaluer le risque de blessure, en mesurant la sollicitation des muscles et le niveau de fatigue, ou personnaliser les exercices de récupération. Springbok Analytics, spécialisé dans la biologie musculaire avec leur modèle d’analyse 3D des muscles basé sur l’IA, collabore avec la NBA et GE HealthCare sur une étude des articulations du genou.

Coaching et stratégie

La grande quantité de données engendrée par le sport complexifie le traitement des informations. L’analyse par l’IA des séances d’entrainements et des matchs, via la capture de données utilisant la Computer Vision, fournit en temps réel des tendances invisibles à l’œil nu même pour un entraineur le plus expérimenté, ce qui permet au personnel encadrant d’élaborer de meilleurs schémas tactiques et de prendre des décisions stratégiques en cours de jeu. C’est ce que propose Genius Sports à la Premier League et la NBA4. Autre usage, la Formula-E a créé une interface conversationnelle utilisant le Natural Language Processing en combinant les données télémétriques des voitures et l’IA générative de la plateforme Vertex AI de Google pour que les pilotes et ingénieurs accèdent facilement aux données comportementales de leurs voitures.

Expérience des fans

Les organisations sportives et les diffuseurs puisent dans les solutions pilotées par l’IA pour améliorer l’engagement des passionnés et ainsi monétiser leurs contenus.
WSC Sports, partenaire de plusieurs ligues sportives et diffuseurs tels que la NBA, la Serie A, TF1 ou Canal+, utilise leur algorithme d’IA s’appuyant sur la plateforme de cloud computing Microsoft Azure pour proposer une expérience de visionnage immersive en analysant en temps réel les événements sportifs et en créant automatiquement des moments forts agrémentés de statistiques. Un partenariat équivalent est à noter entre la NFL (National Football League) et AWS via le programme Next Gen Stats. Autre exemple de personnalisation, US Open et Wimbledon utilisent la solution IBM Slamtracker s’appuyant sur la plateforme IBM Watsonx pour générer automatiquement des commentaires personnalisés, comme un focus sur un joueur ou uniquement des analyses techniques, prenant en compte l’historique de visionnage et les préférences de l’utilisateur.

Des solutions existent aussi pour améliorer l’expérience des fans allant aux stades. Manchester City FC utilise WaitTime pour la gestion des foules, de façon à diminuer les temps d’attente et éviter des goulots d’étranglement, avec des caméras intelligentes Cisco Meraki et un algorithme fonctionnant sur les processeurs Intel Xeon Scalable avec accélération intégrée de l’IA.

L’IA a la capacité de remodeler la manière de pratiquer et de consommer le sport. Pour certains, en prédisant et en optimisant les performances, l’IA risque de menacer l’authenticité et l’imprévisibilité qui font le charme du sport. Mais l’élément central reste l’humain. L’IA ne pourra pas suppléer la prise de décision de l’entraineur ou le jugement de l’arbitre, et il reviendra toujours à l’athlète de performer et de nous faire vibrer.

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L’IA s’invite aux JO de Paris 2024

Le Comité International Olympique (CIO) saisit pleinement l’opportunité de transformation offerte par l’intelligence artificielle en lançant l’Agenda Olympique pour l’IA. Parmi les secteurs d’intérêt, on peut citer l’identification des talents, la personnalisation des programmes d’entrainement, le renforcement de l’équité avec l’aide à l’arbitrage, et l’amélioration de l’expérience des fans. Et cela commence avec les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.

Des innovations inédites
En tant que partenaire mondial de Paris 2024, Intel mettra en œuvre ses dernières innovations pour proposer une expérience immersive et interactive aux supporters sur place, ou du live streaming en 8K de bout en bout à faible latence aux téléspectateurs. L’occasion est trop belle pour démontrer le potentiel de leurs technologies comme les accélérateurs d’IA Intel Gaudi, ou l’association du toolkit Intel OpenVINO et de la plateforme Intel Geti pour la Computer Vision.

Bien-être des athlètes
Le CIO proposera une protection des athlètes et des encadrants contre les commentaires malveillants en ligne. Le système alimenté par l’IA surveillera en temps réel des milliers de comptes sur tous les principaux réseaux sociaux et dans plus de 35 langues. Le système sera accompagné d’une cellule présente dans le Village Olympique pour le suivi des cas signalés de violence en ligne et d’un service d’assistance téléphonique dédié. Il sera capable de retirer « en temps réel dans plus de trente-cinq langues et dialectes » les messages hostiles des comptes sociaux des quelque 15 000 athlètes olympiques et paralympiques, ainsi que ceux des entraîneurs et des officiels, soit plus de 2 000 personnes. 

Sécurité de l’événement
La très controversée vidéosurveillance par algorithme avec des caméras augmentées sera mise en place pour améliorer la sécurité des Jeux, malgré les critiques des associations de défense des libertés individuelles. 8 types d’événements seront détectés grâce à l’IA : non-respect du sens de circulation, franchissement d’une zone interdite, présence d’une arme, départ de feu, mouvement de foule, personne au sol, densité trop importante et objet abandonné. Le ministère de l’Intérieur assure que la solution est une aide à la lecture pour la police, la gendarmerie, les pompiers, la RATP et la SNCF, seuls habilités à l’utiliser, et que la reconnaissance faciale et le recoupement avec des fichiers ne seront pas utilisés.

La législation prévoit d’utiliser ainsi l’intelligence artificielle pour la toute première fois en France pour détecter et suivre le langage corporel suspect ou les mouvements de foule via des caméras de vidéosurveillance et des drones, puis alerter la police. 
Cette mise en application de la loi va autoriser ces caméras intelligentes à être utilisées à titre expérimental jusqu’en juin 2025… Une utilisation qui va donc au-delà des Jeux Olympiques qui s’achèvent en août 2024.

Compagnon touristique
Pour bien accueillir les millions de visiteurs supplémentaires attendus pour les JO, les organismes touristiques se sont aussi transformés. L’Agence National de Tourisme intègre l’IA dans le site France.fr avec un travel planner intelligent et un chatbot nommé MarIAnne en tant que guide virtuel.

L’IA aux JO : cheval de Troie de la surveillance de masse

Les Jeux olympiques de Paris 2024 attirent les regards du monde entier, alors que des milliers d’athlètes et de personnel d’encadrement et des centaines de milliers de visiteurs du monde entier convergent vers la France. Les yeux du monde ne seront pas les seuls à regarder. Les systèmes d’intelligence artificielle le seront également.

Les gouvernements et les entreprises privées utiliseront des outils d’intelligence artificielle avancés et d’autres technologies de surveillance pour exercer une surveillance omniprésente et persistante avant, pendant et après les Jeux. La scène olympique et les foules internationales posent des risques de sécurité accrus, si importants que, ces dernières années, les autorités et les critiques ont décrit les Jeux olympiques comme « les plus grandes opérations de sécurité au monde en dehors de la guerre ».

Le gouvernement français, en collaboration avec le secteur privé de la technologie, a exploité ce besoin légitime de sécurité accrue pour déployer des outils de surveillance et de collecte de données technologiquement avancés. Ses plans de surveillance pour faire face à ces risques, y compris l’utilisation controversée de la vidéosurveillance expérimentale par IA, sont si étendus que le pays a dû modifier ses lois pour rendre la surveillance planifiée légale.

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Globalement, les critiques affirment que la France utilise les Jeux olympiques comme une prise de pouvoir en matière de surveillance et que le gouvernement utilisera cette justification « exceptionnelle » de la surveillance pour normaliser la surveillance de l’État à l’échelle de la société.

Dans le même temps, il existe des préoccupations légitimes quant à la nécessité d’une surveillance adéquate et efficace en matière de sécurité.

En prévision des Jeux olympiques, la France a promulgué en 2023 la loi n° 2023-380, un ensemble de lois visant à fournir un cadre juridique pour les Jeux olympiques de 2024. Elle comprend le controversé article 7, une disposition qui permet aux forces de l’ordre françaises et à leurs sous-traitants technologiques d’expérimenter la vidéosurveillance intelligente avant, pendant et après les Jeux olympiques de 2024, et l’article 10, qui autorise spécifiquement l’utilisation d’un logiciel d’IA pour examiner les vidéos et les flux de données des caméras. Ces lois font de laFrance le premier pays de l’UE à légaliser un système de surveillance par IA d’une telle portée.

Des universitaires, des groupes de la société civile et des défenseurs des libertés civiles ontsouligné que ces articles sont contraires au règlement général sur la protection des données et aux efforts de l’UE pour réglementer l’IA. Ils affirment que l’article 7 viole spécifiquement les dispositions du règlement général sur la protection des données qui protègent les données biométriques.

Les fonctionnaires français et les représentants des entreprises technologiques ont déclaré que le logiciel d’IA pouvait atteindre son objectif, à savoir identifier et signaler ces types d’événements spécifiques sans identifier les personnes ou enfreindre les restrictions du règlement général sur la protection des données concernant le traitement des données biométriques. Les organisations européennes de défense des droits civiques ont toutefois souligné que si l’objectif et la fonction des algorithmes et des caméras pilotées par l’IA sont de détecter des événements suspects spécifiques dans les espaces publics, ces systèmes devront nécessairement « capturer et analyser les caractéristiques physiologiques et les comportements » des personnes se trouvant dans ces espaces. Il s’agit notamment de la position du corps, de la démarche, des mouvements, des gestes et de l’apparence. Les critiques soutiennent qu’il s’agit de données biométriques capturées et traitées, et que la loi française viole donc le règlement général sur la protection des données.

Source : Anne Toomey McKenna, AI mass surveillance at Paris Olympics – a legal scholar on the security boon and privacy nightmare, The Conversation, partenaire éditorial de UP’ Magazine.

Les défis de l’adoption de l’IA dans le monde du sport

L’utilisation de l’IA varie considérablement en fonction des fédérations et équipes sportives. Les moyens financiers, le cadre réglementaire et la maturité des processus influencent fortement sur son adoption, et soulève des questions sur l’égalité des conditions de compétition. Quelques facteurs clés pour maximiser les bénéfices et minimiser les risques de l’IA :

• Identifier des cas d’usages adaptés aux expériences des athlètes, du personnel encadrant et des équipes sportives pour améliorer la performance, faciliter le quotidien et redéfinir les business models.
• Faire évoluer l’organisation en intégrant de nouveaux talents et en proposant des formations pour répondre aux besoins de compétences.
• Déployer une stratégie de cybersécurité pour garantir la confidentialité des données sensibles des athlètes récoltées.
• Adopter une démarche responsable en respectant les cadres réglementaires et en évaluant l’impact environnemental.
• Préserver l’équité sportive en établissant des normes et en promouvant la transparence pour éviter que certains athlètes ou équipes ne bénéficient d’un avantage déloyal.

L’intégration de l’IA dans le domaine sportif n’est qu’à ses balbutiements, le potentiel est immense. Cependant, naviguer dans ce paysage complexe nécessite de la compétence et de l’expertise pour tirer pleinement parti des opportunités tout en relevant les défis éthiques et réglementaires. La prochaine décennie témoignera de la capacité de l’industrie du sport à prendre le virage de l’IA.

Michel WONG, Consultant Senior CIO Advisory, au sein du cabinet de conseil Magellan Consulting

A LIRE : « Libres d’obéir » de Johann Chapoutot – Editions Gallimard, 2020

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