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Le soutien au développement des véhicules électriques est-il adapté ?

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La transition vers la voiture électrique est l’un des leviers essentiels pour décarboner le secteur des transports à l’horizon 2050. La part de marché des véhicules électriques neufs a déjà atteint 17% en France en 2023 (15% dans l’Union européenne), contre 2% en 2019. Dans la continuité des analyses des effets du plan de relance, France Stratégie, dans une note d’analyse, examine les dispositifs de soutien au développement des véhicules électriques. Actualisant par ailleurs des travaux publiés en 2022, les co-autrices explorent de manière approfondie les enjeux et les perspectives de transition vers une mobilité durable et son coût, tout en analysant les dispositifs de soutien existants par types de ménages.

En France, l’intervention publique pour encourager l’adoption de la motorisation électrique repose principalement sur des subventions — comme la prime à la conversion (PAC) et le bonus écologique — et sur un malus portant sur les émissions de CO2 ou le poids. D’après les estimations réalisées pour le comité d’évaluation du plan de relance, le bonus-malus expliquerait 40 % de la progression de la part de marché des véhicules électriques de 2019 à 2021, et un tiers de la réduction des émissions des véhicules neufs. Le coût pour les finances publiques serait de 600 euros par tonne de CO2 évitée, voire 800 euros en tenant compte des pertes de recettes fiscales induites.

Alors que les ménages représentent moins de la moitié des ventes de véhicules neufs, ils représentent les deux tiers des ventes de véhicules électriques . Mais les ménages modestes ne représentent que 15 % à 20 % des achats éligibles au bonus, malgré un bonus de 7 000 euros depuis 2023, contre 4 000 euros aujourd’hui pour les autres ménages. Le surcoût à l’investissement entre des citadines électrique et thermique est rentabilisé par des gains à l’usage de trois à six ans pour un ménage modeste éligible au bonus et à la PAC (contre dix ans pour un ménage « supérieur »). En dépit des aides, l’accès au neuf reste toutefois entravé par un investissement initial élevé, particulièrement pour les ménages modestes. C’est pourquoi l’essentiel des transactions de véhicules pour des ménages se font sur le marché de l’occasion (85 % en 2023), où l’offre en électrique est faible (1,5 % du parc est électrique en 2023). Le leasing social — qui ne requiert pas d’apport initial — a connu un grand succès auprès des ménages modestes, qui en ont davantage bénéficié en six semaines début 2024 (50 000 dossiers) qu’ils n’ont tiré profit du bonus en une année (30 000 en 2023).

Sous réserve d’une évaluation qui reste à conduire, le leasing social, qui évite aux ménages modestes un lourd investissement, semble une voie à poursuivre tant que le marché de l’occasion électrique n’a pas atteint une taille suffisante. Pour les ménages intermédiaires et supérieurs, il s’agira de trouver l’équilibre entre hausse du malus pour les véhicules thermiques et baisse du bonus pour l’électrique. L’intervention publique gagnerait également à cibler des véhicules de taille raisonnable et produits avec de l’énergie décarbonée. Le score environnemental constitue une avancée importante en la matière.

Réussir la transition du transport

Le secteur des transports (1) est à l’origine de 32 % des émissions nationales de gaz à effet de serre (2), les transports routiers représentant à eux seuls 94 % de ces émissions. Les émissions du secteur ont baissé de 7 % de 2011 à 2023. La réduction annuelle moyenne des émissions du secteur doit être multipliée par trois entre 2023 et 2030 (-3,9 MtCO2eq par an) pour respecter la trajectoire fixée par la deuxième Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) (Graphique 1), par rapport à la période 2019-20233. La prochaine SNBC, qui devrait être adoptée d’ici 2025, fixera une trajectoire encore plus ambitieuse (-37 MtCO2 4 entre 2022 et 2030).

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Graphique 1

Réussir la transition du secteur des transports requiert de réinventer durablement notre rapport à la mobilité et nos manières de nous déplacer.
À l’échelle européenne, les normes Euro imposent des limites d’émissions des polluants et particules fines en suspension pour véhicules motorisés en circulation dans l’Union et incitent la filière automobile à développer la production de véhicules électriques et hybrides rechargeables (3). Le paquet
« Ajustement à l’objectif 55 » abaisse progressivement le plafond d’émissions des véhicules particuliers neufs − fixé à 95 gCO2/km pour 2021-2024 (en norme NEDC (6)) − de 55 % à partir de 2030 et 100 % à partir de 2035. Ce renforcement du cadre réglementaire revient à mettre fin à la vente de
l’ensemble des véhicules à moteur thermique neufs (y compris hybrides) à partir de 2035 en Europe.

Pour inciter à l’achat de véhicules électriques (et hybrides jusqu’à récemment) en France, un ensemble de mesures à destination des usagers a été peu à peu mis en place depuis une quinzaine d’années, combinant subventions, malus sur les émissions de CO2 ou le poids (4), ou encore microcrédit « véhicules propres ». En parallèle, des restrictions de circulation des voitures les plus émissives dans les grandes zones urbaines (dans le périmètre des zones à faibles émissions) ont vu le jour dans un objectif de lutte contre la pollution atmosphérique au niveau local. L’incitation à l’achat de véhicules peu polluants est devenue un pilier central des politiques publiques, jouant un rôle majeur dans la stratégie environnementale du gouvernement et visant à accélérer la transition écologique du parc automobile. Les dispositifs mis en place, notamment la prime à la conversion (PAC) qui encourage la mise au rebut de véhicules anciens et polluants, et le bonus écologique, sont conçus pour encourager les consommateurs à opter pour des véhicules électriques, tout en décourageant l’achat de véhicules plus polluants par un système de malus basé sur les émissions de CO2.

La prime à la conversion permet aux ménages de se défaire de leurs vieux véhicules polluants en échange d’une aide financière pour l’achat d’un véhicule neuf ou d’occasion moins polluant, notamment électrique. Le bonus écologique, quant à lui, offre une subvention directe à l’achat de véhicules électriques neufs. Ces mesures sont complétées par un malus sur les émissions, qui taxe les véhicules neufs émettant plus de 117 gCO2/km, avec des tarifs croissants en fonction des émissions, pouvant aller jusqu’à 60 000 euros.

Entre 2020 et 2022, ces incitations ont été renforcées par un investissement de 1,9 milliard d’euros dans le cadre du plan France Relance, destiné à booster la transition vers une mobilité plus propre. Ce plan a financé le bonus écologique, la prime à la conversion et le déploiement de bornes de recharge publiques.

Avec la fin du plan de relance, les aides ont été réajustées pour cibler prioritairement les ménages les plus modestes. En 2023, les ménages appartenant aux cinq premiers déciles de revenus ont vu le bonus écologique augmenter, passant de 6 000 à 7 000 euros, tandis que pour les autres, il a été réduit à 5 000 euros et prévu de descendre à 4 000 euros en 2024. Parallèlement, la prime à la conversion a été augmentée de 1 000 euros pour les ménages les moins aisés, tandis que les ménages plus riches en ont été exclus.

De plus, l’accent a été mis sur l’achat de véhicules neufs entièrement électriques dont le prix n’excède pas 47 000 euros. Les motorisations thermiques ou hybrides, qu’elles soient rechargeables ou non, ne sont plus éligibles au bonus ou à la prime à la conversion. Sur le marché de l’occasion, seule la prime à la conversion reste disponible. À partir de 2024, un score environnemental a été introduit, excluant les véhicules dont les composants principaux, comme les batteries, sont produits hors d’Europe.

Que peut-on dire de l’efficacité de ces dispositifs ? Ont-ils permis d’accroître la part des véhicules électriques ? Sont-ils suffisants pour accélérer le virage vers la mobilité décarbonée de l’ensemble des ménages ?

L’objectif de ces mesures est de simplifier et de rendre plus accessible la transition vers des véhicules plus écologiques, tout en s’assurant que les fonds publics soient dépensés de manière efficace pour maximiser les bénéfices environnementaux. Malgré les ajustements récents, l’approche française reste l’une des plus ambitieuses en Europe, reflétant un engagement fort envers la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la lutte contre le changement climatique.

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La note d’analyse de France Stratégie présente l’impact des aides sur la rentabilité relative de la voiture électrique, selon les modèles et les types de ménages, puis recense les études existantes qui analysent l’impact des dispositifs en vigueur sur les ventes et les émissions. Si la note se concentre sur les enjeux de transition des mobilités relatifs aux ménages, il n’en demeure pas moins que les comportements d’achat et de mobilité des personnes morales sont structurants dans l’atteinte des objectifs de réduction des émissions du secteur.

Accompagner la transition

L’accompagnement de la transition vers l’électrique doit être priorisé en particulier pour les ménages les plus vulnérables sans alternative à la voiture individuelle, en tenant compte du fait qu’ils se tournent essentiellement vers le marché de l’occasion où l’offre électrique est aujourd’hui limitée. Pour les ménages modestes, le leasing social est une alternative intéressante pour accélérer le passage à l’électrique. Sous réserve d’une évaluation qui reste
à faire, ce dispositif gagnerait à être reconduit tant que le marché de l’occasion électrique n’a pas atteint une taille critique. Les entreprises — qui n’ont réalisé qu’un tiers des ventes de voitures électriques neuves en 2023 — doivent aussi contribuer à cet effort de décarbonation : l’électrification des flottes d’entreprises doit ainsi s’accélérer afin d’abonder le parc des véhicules d’occasion.
Bien que ces dispositifs de soutien nationaux soient utiles, un accompagnement spécifique est nécessaire pour les ménages et les entreprises contraints par la mise en place des zones à faibles émissions (ZFE), sans oublier le développement d’alternatives à la voiture individuelle.

Enfin, la tendance à la montée en gamme des voitures particulières (de toute motorisation) pourrait remettre en cause l’accès d’une grande partie des ménages à l’électrique et limiter les bénéfices environnementaux liés à l’électrification du parc. L’introduction du score environnemental en 2023 constitue une avancée en excluant du système d’aides les véhicules fabriqués en Chine, attractifs en termes de prix, qui vont être soumis à des droits d’importation lorsqu’ils seront introduits sur le marché sans frontières de l’Union européenne. En effet, la Commission européenne a annoncé ce mercredi 12 juin la première décision provisoire dans le cadre de son enquête anti-subventions pour les BEV assemblés en Chine. Les mesures seront introduites début juillet si la Chine ne propose pas de solutions convaincantes pour remédier à ses pratiques commerciales déloyales de longue date.
Cela signifie que les marques chinoises et occidentales qui exploitent des usines dans le pays asiatique seront touchées par l’augmentation, mais pas de la même manière. La principale entreprise concernée est BYD, basée à Shenzhen, qui vise à conquérir 5 % du marché des BEV dans l’Union européenne. Une étude de Transport and Environment (T&E) indique que la part de marché des marques chinoises sur le marché européen des BEV est passée de 0,4 % en 2019 à 7,9 % en 2023 et pourrait dépasser les 20 % d’ici 2027 si la tendance se poursuit.

Cependant, développer la mobilité verte accessible au plus grand nombre suppose d’accroître l’offre de véhicules électriques d’entrée de gamme produite en Europe afin de maîtriser l’empreinte carbone du processus de production. L’implantation de constructeurs internationaux en Europe (par exemple le projet d’usine en Espagne de l’entreprise chinoise Chery, ou BYD en Hongrie) peut contribuer à répondre à cet enjeu.

Lire la note de France Stratégie, (juin 2024) réalisée par Sylvie Montout et Alice Robinet, Départements Économie et Développement durable et numérique

(1) Incluant les transports routier, aérien, ferroviaire, maritime, fluvial de marchandises et autres modes de navigation (bateaux de plaisance et autres petits bateaux).
(2) Citepa (2023), Gaz à effet de serre et polluants atmosphériques. Bilan des émissions en France de 1990 à 2022, rapport national d’inventaire (format Secten), juin.
(3) Le constructeur doit s’acquitter d’une prime pour chaque gramme de CO2/km au-dessus de l’objectif par véhicule immatriculé.
(4) La norme New European Driving Cycle est une norme européenne d’homologation des véhicules neufs, appliquée de 1973 à début 2020, permettant de mesurer la consommation de carburant, l’autonomie et les rejets de CO2 et de polluants de l’ensemble des véhicules en circulation

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