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Comment le numérique transforme le génie civil

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Le 17 octobre dernier avait lieu la cérémonie annuelle des BIM d’or 2022, qui récompense chaque année les meilleurs projets réalisés à l’aide de maquettes numériques. Au-delà des projets récompensés, l’événement est emblématique de la révolution numérique qui bouleverse le secteur du génie civil et le quotidien sur les chantiers, pour gagner en qualité, en sécurité et en productivité.

Longtemps considéré comme un métier de « gros œuvre », de « gros engins » et de « gros travaux », le génie civil fait depuis quelques années une part croissante au numérique. Et les nouvelles technologies digitales s’affirment comme un véritable multiplicateur d’efficacité pour le secteur. Qu’il s’agisse de conception, de conduite des opérations, de sécurité sur les chantiers, de dématérialisation des processus administratifs ou de relation clients, les nouveaux outils numériques apportent de nombreux bénéfices, au bureau ou sur le terrain.

L’émergence du BIM (Building Information Modeling), en particulier, impacte fortement le secteur. Plus qu’une simple maquette numérique 3D, ce processus intelligent de collaboration révolutionne la manière de travailler. Fidèle représentation digitale, la maquette modélise toutes les données sur le bâtiment. Le BIM facilite ainsi le partage d’informations fiables entre tous les acteurs d’un projet, tout au long de la durée de vie du bâtiment. Il permet de réaliser des visualisations, d’explorer différentes options, d’effectuer des analyses, des simulations (par exemple sur les performances énergétiques), des contrôles (des normes et du budget),…

La révolution du BIM

Le BIM s’impose comme l’une des meilleures solutions pour améliorer l’efficacité de la construction. La conception est de meilleure qualité grâce à la détection précoce des problèmes. Les coûts et les délais sont mieux maîtrisés, grâce à une meilleure coordination des acteurs et à la réduction des modifications tardives de la conception. La qualité des bâtiments est améliorée grâce aux différentes analyses et simulations réalisées tout au long du projet. La gestion et la maintenance sont optimisées. L’utilisation du BIM tend ainsi à se généraliser. Du bâtiment, il s’étend même aux infrastructures, et même au quartier et à la ville, lorsqu’il est couplé à un Système d’information géographique (SIG) – on parle alors de CIM (City Information Modeling).

Le BIM est aussi utilisé aujourd’hui par les grands gestionnaires d’infrastructures. Eau de Paris a ainsi lancé deux expérimentations pour appliquer le BIM dans la conception et la réalisation de nouvelles installations. « La gestion de projet est simplifiée : meilleure communication entre les acteurs, aide à la décision, centralisation des données, meilleure transversalité », explique Razvan Gorcea, responsable BIM d’Eau de Paris. Fort de ce succès, l’agence a l’ambition de réaliser les jumeaux numériques de l’ensemble de son patrimoine : 2.050 km de réseaux de distribution d’eau, 470 km d’aqueducs, 7 usines de traitement, 11 réservoirs et 61 bâtiments tertiaires.

« En conception, nous allons vers une numérisation toujours plus complète des études. Nous utilisons des outils de management participatif, de type BIM ou CIM », explique Guillaume Sauvé, président d’Eiffage Génie civil. « À la clé, ce sont des gains de temps, donc de coût, et une plus grande satisfaction du client. L’avenir, ce sont des maquettes 3D complètement intégrées, avec la vision de l’évolution de la construction jusqu’à la fin, en intégrant toutes les parties prenantes, côté client et côté prestataire ».

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Eiffage déploie également des solutions numériques sur le terrain, comme Carasol, un outil d’analyse des sols qui permet une évacuation et une exploitation optimisées des déchets. « Tous ces progrès améliorent la productivité, la sécurité, facilitent le travail des équipes, et souvent anticipent les normes de plus en plus exigeantes imposées par les clients, comme dans le cas du Grand Paris Express », souligne Guillaume Sauvé.

Robots, drones et satellites radars

Grâce aux progrès de la numérisation, les robots se déploient également sur les chantiers. Des robots de démolition télécommandés sont déjà présents depuis quelques années et les « robots constructeurs » font leurs premiers galops d’essai. Chargés d’assister les ouvriers dans les tâches les plus pénibles et de renforcer leur sécurité, ils peuvent aussi permettre d’aller plus vite avec moins de main-d’œuvre. Le robot « Hadrian », développé par la société australienne Fastbrick Robotics est doté d’un bras de haute précision de 28 mètres et serait capable d’assembler 1.000 briques par heure pour construire une maison en deux jours ! Plus concrètement, un robot visant à réduire les ports de charges s’apprête à arriver sur les chantiers : la branche Infrastructures d’Eiffage a signé un partenariat avec la start-up niçoise Borobo pour développer un robot collaboratif, baptisé Help-E, qui permettra de transporter des charges jusqu’à 70 kg.

Les drones sont également expérimentés sur les chantiers. Dotés d’équipements de télémétrie et de caméra, ils permettent de réaliser des suivis de chantier, des bilans thermiques, de la cartographie 3D, des relevés topographiques… Avec leur coût relativement bas, leur facilité d’utilisation et le panel de possibilités qu’ils offrent, ils doivent apporter une meilleure productivité, des économies d’échelle et une amélioration de la sécurité.

D’autres technologies numériques sont par exemple utilisées pour surveiller les sols du méga-chantier du Grand Paris Express. Des capteurs sont posés dans le sol et sur les bâtiments situés dans les zones de travaux souterrains. Pour mesurer les mouvements des sols avec une précision millimétrique, la Société du Grand Paris fait même appel à des satellites radars et à l’expertise de la start-up Tre-Altamira. Ces mesures ont notamment permis d’affiner le tracé de la ligne 15 Sud, qui traverse une zone avec des carrières souterraines.

Le numérique au service de la sécurité

Le digital rend également les chantiers plus sûrs. Des start-up proposent des applications dédiées au pilotage du chantier, qui facilitent la transmission des informations et la gestion des risques. Les systèmes d’alerte associant objets connectés et smartphones se multiplient. L’exploitation de la data et la « computer vision » (traitement de l’image par l’intelligence artificielle) sont aussi utilisées. Grâce au partage de données de géolocalisation, il est possible de déterminer une zone à risque ou le positionnement d’un ouvrier blessé. Le confort et la sécurité s’améliorent aussi grâce aux semelles connectées, ou à la réalité virtuelle, qui permet de simuler des situations réelles, sans mettre en danger qui que ce soit. Par exemple, les semelles XSole PTI, de la start-up de Sophia-Antipolis Traxxs, conçus pour les travailleurs isolés, « transmettent une information d’alerte en cas de perte de verticalité (chute), de SOS volontaire ou d’autres situations de danger », explique Sylvain Rispal, son fondateur.

Utilisant le Big Data et l’intelligence artificielle, l’application de prévention d’Eiffage Safety Force, par exemple, permet de mesurer en temps réel, sur la base d’une vingtaine de critères, le niveau de sécurité des chantiers. Afin d’identifier le plus en amont possible les décalages par rapport aux standards de sécurité et d’agir avant que se produise une situation de danger ou d’accident. Utilisée au quotidien par les 8.000 collaborateurs de la branche Infrastructure, cette appli, lancée en 2016, a contribué à diviser par deux le nombre d’accidents du travail avec arrêt.

Demathieu Bard, de son côté, travaille avec la start-up CAD.42, qui propose un écosystème d’objets connectés afin de mieux protéger les compagnons sur les chantiers. À partir des données recueillies, un système de calcul prédictif des dangers peut être mis en place. « La mise en place de cette solution sur chantier avec notre partenaire CAD-42 inscrit la démarche sécurité dans la maquette en temps réel », explique Pierre George, direction Innovation de Demathieu Bard. Une innovation qui a contribué à réduire de 17 % le taux de fréquence d’accidents du travail en 2020.

Une formation à tous les stades

Le numérique prenant de plus en plus d’importance, la formation des collaborateurs aux nouveaux outils devient un enjeu majeur, à tous les niveaux de responsabilité et à toutes les étapes d’un parcours professionnel.

À commencer par la formation en amont du recrutement. C’est ainsi que l’Université Polytechnique Hauts-de-France a créé un master Génie civil « Ingénierie collaborative pour la construction ». Objectif : former des cadres supérieurs possédant les compétences pour mettre en œuvre la démarche BIM.

Ensuite, c’est au sein de l’entreprise que la culture digitale s’approfondit, avec l’appropriation des outils numériques au fil de leur entrée en service selon les différentes branches et spécialités présentes, énergie, route, génie civil… À condition, naturellement, que les collaborateurs concernés, de plus en plus nombreux, aient une connaissance élémentaire des outils numériques. Faisant le constat de fortes disparités en la matière, Eiffage a ainsi lancé fin 2021 le programme « Ambition numérique », composé de cinq modules d’une demi-journée et visant à familiariser l’ensemble des salariés avec l’environnement digital. « Le programme intègre des mises en situation sur des thèmes précis (gestion d’un e-mail, recherche sur Internet, etc.), puis décline des applicatifs spécifiques à Eiffage », explique Alain Noret, DRH de la branche Infrastructures. Outre l’acquisition des briques élémentaires de compétence, l’implication des cadres de l’entreprise pour aider les compagnons à progresser dans ce domaine semble profiter également à la cohésion : « la dimension humaine dans un cadre d’apprentissage étant très différente des relations professionnelles quotidiennes », précise Noret.

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Une valeur ajoutée humaine où on ne l’attendait pas forcément, de quoi rassurer les « techno-pessimistes » qui craignent une déshumanisation des métiers avec les nouvelles technologies…

Michael Levine, Ingénieur Génie civil

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