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urbanisme - architecture

Tendances urbaines : La ville douce, l’autre pan de la ville durable

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La moitié des humains vivent dans des villes, mais sont-elles vivables ? Peut-on espérer rêver d’une ville plus douce ? Une ville qui prendrait mieux en compte la dimension humaine ? Une ville-nature, une ville sensible est-elle possible ?

 
L’édification de la ville moderne depuis la révolution industrielle a jonglé entre les partisans des progressistes (à la manière de Le Corbusier) et des culturalistes (à la manière d’Ebenezer Howard et des cités-jardin), les approches étant alors complémentaires et équilibrantes pour les formes urbaines, pour le bien-vivre en ville (modernité/développement; biodiversité/ressourcement).
Le profil actuel de la ville durable conjugue bien sûr ces deux dimensions mais dans des proportions différentes. Les efforts d’équipement consacrés à la ville intelligente sont sans commune mesure avec les dispositifs d’intégration de la nature en ville, du rapport physique même de l’homme dans son environnement urbain.
Cet article a pour objet de montrer qu’un rééquilibrage est crucial pour rendre les villes, et surtout les grandes villes et les métropoles, vivables à long terme, à l’heure où la moitié de la population s’y concentre. Au risque de mettre à mal une urbanité qui peut laisser place alors aux incivilités et conflits par la perte d’une harmonie urbaine. Il a pour intention de mettre en avant les autres pans de la ville durable qui nécessitent une accélération dans la mise en œuvre de politiques publiques à grande échelle, en responsabilisant l’Etat, les collectivités, la société civile toute entière.
Photo : ©Lumières de la ville – Quand le street art épouse la nature
 
Le profil actuel de la ville durable conjugue bien sûr ces deux dimensions mais dans des proportions différentes. Les efforts d’équipement consacrés à la ville intelligente sont sans commune mesure avec les dispositifs d’intégration de la nature en ville, du rapport physique même de l’homme dans son environnement urbain.

La Soft City ou la ville douce

Le terme employé dès 1974 par Jonathan Raban dans son ouvrage du même nom « Soft City » fait référence dans la littérature urbaine à l’exploration étonnante des relations entre « la ville douce », imaginée et personnelle, et l’espace physique de l’environnement bâti, ce que l’auteur qualifie comme étant « la ville dure ».
Précédemment, le sociologue Georg Simmel (1) a produit une réflexion sur le corps dans la ville qui a introduit l’idée que les urbains se façonnent une « carapace » pour éviter les contacts physiques perturbants dans des milieux où la concentration humaine est forte (réseaux de transports notamment). Hormis ces penseurs, le sujet du rapport physique de l’humain à la ville dans la littérature scientifique urbaine fait l’objet de travaux actuels plutôt disséminés et qui prennent différentes formes.
Est-ce là un nouveau courant de pensée pour la ville qui accompagne les transformations de notre société vers une meilleure prise en compte des aspects humains (comportements, psychologie, bien-être,…) ?

Les tendances douces qui s’expriment : ville-nature, ville sensible

La première d’entre elles est la plus connue et la plus explorée. Elle a trait à la ville-nature, bien entendu, avec les politiques publiques associées qu’on lui connaît déjà comme le dispositif « Nature en ville » du Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire mais aussi des projets locaux de reverdissement, de dépollution, de renaturation, tels que menés à Paris (« Réinventer Paris« , « Toits végétalisés »). La préoccupation initiale était celle du maintien de la biodiversité, de sa préservation en particulier en milieu urbain. L’approche par les « effets du changement climatique » a renforcé l’idée que la nature en ville apportait rafraîchissement aux îlots de chaleur, permettait la rétention d’eau et une moindre irrigation des espaces verts dans un écosystème urbain, économisant par là ressources et protégeant la planète. L’aspect social, bien que signalé, n’a pas fait l’objet de réflexions approfondies notamment sur le bien-être et la santé des habitants apportés par le végétal (en tous cas, pas suffisamment).

LIRE DANS UP’ : Le vivant, grand gagnant du projet Réinventer Paris

Pourtant, l’ouvrage référence de Thierry Paquot et de Chris Younès « Philosophie de l’environnement et milieux urbains » apporte de nouvelles pistes pour une géographie urbaine faite de plus grande imbrication entre la nature et l’homme ; les travaux de Sandrine Manusset sur « les bienfaits du végétal en ville » explorent les facettes environnementale, économique et sociale de la nature en ville ; enfin, plus concrètement, les dynamiques engagées par des réseaux de villes moyennes en France, comme celui de « Plante et cités«  conduit par le maire d’Angers, révèlent une prise de conscience importante de la nécessité, non seulement de préserver la nature en ville, mais de la développer. Et l’idée de désartificialisation annoncée par le Ministère, en clôture de la Conférence environnementale de 2015 sur la lutte contre l’artificialisation des sols, témoigne de ce changement de cap majeur pour les villes, les grandes villes en particulier : comment massifier la nature en ville, dans les grandes métropoles, afin de réparer les territoires et les désaturer pour un mieux vivre ensemble (santé, environnement, aménités, économie, …) ?
 
Vue d’Angers (49), ville classée « la plus verte de France »
 
L’aspect social, bien que signalé, n’a pas fait l’objet de réflexions approfondies notamment sur le bien-être et la santé des habitants apportés par le végétal (en tous cas, pas suffisamment).
 
La seconde est plus imperceptible car plus mouvante et hétérogène. Elle concerne, pour simplifier, la notion de confort urbain qui se traduit par les ambiances visuelles, sonores, olfactives et le rapport au corps dans la ville. C’est un autre aspect trop souvent oublié de la ville, le corporel, la présence de l’homme dans la ville : ce qui renvoie à la ville sociable, sensible, aux humanités et aux pratiques sensorielles (vue, toucher, odorat, …). Pour ne citer qu’une illustration rapide, l’aménagement urbain fait peu de place aux bancs publics (sous prétexte qu’ils sont squattés par les indigents, on a plutôt tendance à les supprimer alors que 30% de la population française en 2050 aura plus de 60 ans et en nécessitera). On voit ainsi un premier décalage entre les besoins des populations et les politiques publiques menées que peut recouvrir cette absence de réflexion sur la présence du corps en ville.
 
A noter toutefois que plusieurs recherches depuis deux décennies s’intéressent à cette ville sensible.
C’est un courant qui s’affirme pour une ville vivante, viable et humaine, avec des tendances au développement de la recherche urbaine autour de grands concepts : éthique, esthétique, empathie, biens communs, responsabilité sociale, sensoriel. On assiste alors progressivement à une coexistence de l’écologie urbaine (fonctionnement optimal et responsable de la ville) à l’écologie humaine (bienveillance à l’égard des hommes).
Les chercheurs impliqués se constituent en réseaux pluridisciplinaires comme les « ambiantalistes » – créateurs d’ambiances apaisées en ville s’appuyant sur le végétal, la luminosité retrouvée dans des espaces bâtis – sous la houlette de Jean-Paul Thibaud en France, avec des collaborations canadiennes ; ou de manière plus éparpillée, comme Théa Manola et les paysages multisensoriels puis Lucie Grésillon et les villes olfactives (2) ; sans oublier les grands philosophes de l’urbain comme Thierry Paquot qui revendique la « mouvance humaniste » de l’urbanisme dans ses nombreux écrits sur la ville sensible ou Nathalie Blanc, spécialiste française de l’esthétique de l’environnement.
 
Journal sonore Élise Geisler et Théa Manola pour le projet de quartier durable » Kronsberg à Hanovre (Allemagne)
 

Alors, comment s’emparer de ces tendances urbaines – particulières certes mais indispensables au bien-vivre en ville – au niveau de la puissance publique pour considérer à nouveau la ville comme un lieu d’échanges plus apaisé en termes de bruits, d’odeurs, de stress énergétique (stress de transports), à l’heure où la « concentration des populations » est annoncée comme galopante notamment dans les métropoles ?
Quelles seront les figures du cadre bâti urbain à anticiper, projeter, pour réconcilier nature-homme- environnement urbain ?
 
Nathalie Cecutti, architecte et urbaniste de l’Etat et cheffe de la Mission prospective au Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire.
Cet article n’engage que son auteur et non l’institution auquel il appartient.
 
(1)    Les grandes villes et la vie de l’esprit, Georg Simmel, Suivi de « Sociologie des sens », Paris, Payot, coll. « Petite Bibliothèque Payot », 2013 (1° édition 1907)
(2)    Lucie Grésillon, « Sentir Paris. Bien-être et matérialité des lieux », Ed Quae, 2010.
 
Pour aller plus loin :
 
– Livre « Ambiances urbaines en partage – Pour une approche sensible et pour une écologie politique des espaces » de Jean-Paul Thibaud, avril 2013
– Livre « En quête d’ambiances : éprouver la ville en passant » de Jean-Paul Thibaud, juillet 2015
– Article « Le ressenti cherche sa voie dans l’aménagement » avec Théa Manola (Le Moniteur, Janvier 2017)
 
 

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