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Malgré un dernier assaut des lobbies, la question des néonicotinoïdes est tranchée

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La matinée de ce lundi 26 juin avait mal commencé pour les défenseurs des abeilles et de l’environnement. Le nouveau ministre de l’agriculture Stéphane Travert, avait laissé entendre qu’il reviendrait sur l’interdiction des pesticides tueurs d’abeilles, dont l’interdiction était pourtant soutenue par le président de la République et son ministre emblématique de l’écologie, Nicolas Hulot. « Couac gouvernemental » avaient aussitôt titré les gazettes, tout empressées à relever failles, discordances et scandales d’État. Certaines voix comme celles de Delphine Batho ou de Ségolène Royal s’élevèrent aussitôt pour souligner le coup de force in extremis des lobbies pour faire passer leurs intérêts avant ceux de la vie. Finalement, beaucoup d’agitation jusqu’au coup de sifflet final de cette récréation confuse : le premier ministre annonce le maintien de l’interdiction des néonicotinoides. Les abeilles ont eu chaud.
 
Le Premier ministre Edouard Philippe a donné raison lundi au ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot aux dépens de son collègue de l’Agriculture, Stéphane Travert, et confirmé l’interdiction des insecticides « tueurs d’abeilles », tranchant le premier désaccord public au sein du nouveau gouvernement. « Le gouvernement a décidé de ne pas revenir sur les dispositions de la loi de 2016. Cet arbitrage a été pris à l’occasion d’une réunion tenue à Matignon le 21 juin dernier« , a indiqué Matignon dans un communiqué, tout en précisant qu’un « travail est en cours avec les autorités européennes« .
 
La législation française « n’est pas conforme avec le droit européen« , avait déclaré tôt lundi M. Travert sur RMC/BFM TV, interrogé à propos d’un « document de travail » datant du 21 juin obtenu par RMC, et qui déplorait que « la réglementation française (aille) plus loin que ce qui est prévu par la réglementation de l’UE« .
 
Votée dans le cadre de la loi sur la biodiversité de 2016, l’interdiction des néonicotinoïdes, appelés pesticides « tueurs d’abeilles » par leurs détracteurs, a été vivement combattue par le monde agricole, en particulier les producteurs de betteraves, et fait l’objet d’âpres débats au Parlement. La mesure prévoit d’interdire dès le 1er septembre 2018, avec des dérogations possibles jusqu’au 1er juillet 2020, les principales molécules de cette catégorie de produits accusés de contribuer au déclin des abeilles.

LIRE DANS UP : Bataille des néonicotinoïdes : les abeilles devront encore attendre

« Nous avons un certain nombre de produits aujourd’hui qui ont été estimés dangereux et qui sont au fur et à mesure retirés du marché, mais (pour) d’autres produits (…) qui n’ont pas de substitutions, nous devons pouvoir autoriser des dérogations pour en permettre l’utilisation afin que nos producteurs continuent à travailler dans de bonnes conditions« , a déclaré M. Travert sur le plateau de BFM TV.
Il a pris l’exemple de la carotte des sables, cultivée notamment dans la Manche, département où il est élu député et pour laquelle il n’existe pas de produit de substitution au pesticide utilisé.
« C’est ma proposition« , a spécifié le ministre, en affirmant alors que l’arbitrage du Premier ministre, Edouard Philippe, n’était « pas rendu ».
 
Une interprétation immédiatement contestée par Nicolas Hulot, qui, dans un tweet en réponse à ces propos, a assuré que les interdictions de néonicotinoïdes « ne seront pas levées, les arbitrages ont été rendus en ce sens« .
 
« Dès lors que la santé est mise en cause, je ne veux faire aucune concession », a insisté M. Hulot un peu plus tard, devant la presse en marge d’un déplacement à Lyon. Les arbitrages ont déjà été faits, on ne va pas revenir sur la loi« , a-t-il insisté, ajoutant qu' »on ne reviendra pas sur des acquis« .

Macron pour l’interdiction

En février, lors d’un entretien avec le Fonds de défense de la nature WWF, le candidat Macron avait d’ailleurs affirmé lui-même son intention de maintenir l’interdiction des néonicotinoïdes en 2020.
 
Revenir sur la loi actuelle constituerait « un retour en arrière inacceptable pour les citoyens, contre-productif pour les agriculteurs et politiquement rétrograde« , a estimé la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH), ex-Fondation Nicolas Hulot. « Il faut que le ministre de la Transition écologique et solidaire bloque ces mesures à tout prix. Si la France a parfois une avance sur la législation environnementale européenne, c’est une très bonne chose« , a renchéri François Veillerette, directeur de l’association de défense de l’Environnement Générations Futures, dénonçant « des cadeaux incroyables à l’industrie des produits chimiques« , dans un communiqué.
 
« C’est un projet d’ordonnance contre les abeilles, contre la santé« , a critiqué l’ancienne ministre de l’Ecologie Delphine Batho sur RMC. « C’est un coup de force des lobbies comme si Syngenta et Bayer tenaient la plume. C’est inacceptable« .

« Il ne faut pas lâcher »

« Il ne faut permettre aucune régression sur les questions environnementales », a estimé lundi l’ancienne ministre de l’Écologie, Ségolène Royal, qui avait présenté en 2016 la loi interdisant les pesticides néonicotinoïdes. « C’est logique : les lobbies cherchent à remonter au créneau« , a-t-elle dit à l’AFP, interrogée sur la passe d’armes lundi, entre les ministres de l’Agriculture et de la Transition écologique, autour du sort de cette interdiction. « Il ne faut pas lâcher ! Il faut donner le signal qu’aucune régression n’est possible sur quoi que ce soit. Sinon c’est une brèche ouverte » sur d’autres reculs, a-t-elle ajouté.
 
Les détracteurs de l’environnement avancent en général deux arguments, souligne-t-elle : le besoin de simplification et l’Europe. « Mais sous couvert de simplifications, on pourrait aussi supprimer le code de l’environnement ! Il y a un vrai risque de rabaissement des normes« , ajoute-t-elle. Quant à l’idée qu’il faudrait attendre les règlements communautaires pour se mettre au diapason – argument des contestataires des mesures anti-néonicotinoïdes – « il faut bien des pays à l’offensive, les plus courageux et les plus consciencieux !« 
 
« La France avance, face à l’inertie européenne. Si tout le monde s’attend, on a des catastrophes« , ajoute Mme Royal. Quant à l’idée de protéger les industries en levant le pied sur les questions environnementales, « c’est faux« , dit-elle encore.  Renoncer à interdire les néonicotinoïdes serait « non seulement scandaleux pour la santé publique mais casserait aussi les industries qui veulent aller de l’avant » en investissant dans des alternatives à ces pesticides.

Poison violent

Les néonicotinoïdes représentent un tiers des insecticides vendus sur le globe et sont utilisés pour l’agriculture comme par les particuliers. Les néonicotinoïdes, principalement commercialisés par Bayer et Syngenta, sont utilisés pour tous types de cultures pour combattre les insectes ravageurs (tomates, salades, vignes, maïs, tournesols…). Ils agissent sur le système nerveux des insectes. Au contact avec ces substances, les insectes sont paralysés, puis meurent.
 
Si les néonicotinoïdes sont très critiqués, c’est qu’ils présentent plusieurs risques pour la faune. « On n’a jamais inventé d’insecticides qui ne visaient qu’une seule espèce d’insectes, explique au Parisien Jean-Marc Bonmatin, chercheur au CNRS et spécialiste du sujet. Tous les insectes, ravageurs ou non, sont touchés.» Les abeilles, qui contribuent à la pollinisation des plantes, en sont les premières victimes. « Chaque année, on perd 30 % des abeilles existantes. Sans apiculteur pour les « renouveler » continuellement, elles disparaîtraient », ajoute Jean-Marc Bonmatin.
 
Soluble dans l’eau, le néonicotinoïde se répand rapidement et partout en temps de pluie. L’insecticide est entraîné dans les cours d’eau où l’on constate une pollution de l’eau en surface. Il s’infiltre aussi dans la terre, contaminant les espèces qui y vivent. Parmi elles : le ver de terre, qui participe à la fertilisation de la terre.
 
« Le consommateur trouve à petite dose, dans sa consommation, des néonicotinoïdes », explique Jean-Marc Bonmatin. L’insecticide se trouve en effet dans la sève de la plante et se retrouve donc rapidement dans toute la plante. « Quand vous ne le mangez pas, vous le respirez ou vous le touchez », ajoute le chercheur. Perturbateur endocrinien, le néonicotinoïde est cancérigène, affecte les cellules de l’homme et agit notamment sur le système nerveux.
 
Source : AFP
 

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