Une nouvelle mission d’exploration « UNESCO – 1 Ocean » vient d’être conduite aux îles éoliennes, en Italie, pour approfondir les connaissances sur les volcans sous-marins et les risques de tsunamis en Méditerranée. Il en résulte des images exceptionnelles, au plus près des entrailles de la Terre et aux origines de la vie, avec l’objectif de permettre au plus grand nombre de découvrir les merveilles de l’Océan, mais aussi les dangers qui le menacent et les solutions qui sont imaginées pour le protéger.
L’archipel des îles éoliennes, en Italie, est un site inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO connu pour son intense activité volcanique. Le 13 mai dernier, le volcan Stromboli a ainsi connu une nouvelle explosion majeure qui a généré un épais nuage de fumée et des éboulements jusqu’à la mer.
Si cette éruption en surface a été très remarquée, la majeure partie de l’activité volcanique mondiale échappe en réalité à nos yeux. En effet, plus d’un million de volcans sont dissimulés sous l’eau. Ils représentent 80 % de l’activité volcanique mondiale.
Dans le cadre de la Décennie pour les sciences océaniques (2021-2030), coordonnée par l’UNESCO, une mission d’exploration « UNESCO – 1 Ocean » conduite par le photographe-explorateur Alexis Rosenfeld s’est rendue début juin non loin du Stromboli, au large de l’île de Panarea, pour nous éclairer sur l’activité des volcans sous-marins.
Une mission essentielle de protection
L’être humain s’est approprié l’Océan. Il l’a fractionné aux moyens de frontières invisibles. L’UNESCO a choisi de nommer ce projet « 1Ocean, le grand témoignage sur l’Océan », au singulier, pour rappeler le caractère abstrait et dénué de sens de ces frontières. L’Océan est l’origine de la Vie, il est le régulateur du climat, indispensable à notre survie. L’Océan est un lien entre les hommes, un bien commun de l’Humanité qu’il nous faut impérativement préserver.
Vladimir RYABININ, Secrétaire exécutif de la Commission Océanique Intergouvernementale de l’UNESCO explique : « Comment protéger l’Océan sans l’étudier ? Comment le comprendre sans explorer ? Partager la connaissance, transmettre le savoir, sensibiliser sur ce monde merveilleux sans frontière fait partie des actions clés de la Commission océanographique intergouvernementale de l’UNESCO. À travers le travail photographique d’Alexis ROSENFELD, le projet 1 Ocean, se fait le relais auprès des décideurs, des scientifiques et du grand public, des préoccupations environnementales de l’UNESCO. 1 Ocean, le grand témoignage sur l’Océan est le témoignage sur l’Océan pour la décennie à venir. “
En portant les valeurs de l’UNESCO et de la Commission Océanographique Intergouvernementale (COI), « 1 Ocean, le grand témoignage sur l’Océan » veut transmettre à tous et valoriser les travaux et résultats scientifiques entrepris. Ce projet veut susciter l’émerveillement en montrant les refuges de la biodiversité, endroits exceptionnels dont beaucoup sont classés patrimoine mondial.
La Décennie qui vient vise à déclencher une véritable révolution dans la manière dont les sciences océaniques sont menées et utilisées en vue d’améliorer le bien-être humain et l’état de toute vie sur terre d’ici 2030. Aussi, le projet 1Ocean s’est fixé pour but d’explorer l’océan « pour témoigner de sa beauté, des dangers qui le menacent, et rencontrer les scientifiques qui œuvrent pour mieux le comprendre et le préserver. »
Plongée au cœur de l’un des plus importants systèmes volcaniques d’Europe
Les images tournées par Alexis Rosenfeld et le cinéaste italien Roberto Rinaldi nous plongent au cœur du cratère sous-marin de Panarea et sur les bords de la caldeira. A seulement quelques mètres de profondeur, des éruptions de gaz permanentes, venant directement de la chambre magmatique du volcan, s’échappent des entrailles de la Terre pour former d’impressionnants rideaux de bulles. Certaines zones dégagent plus d’un million de litres de gaz par jour.
Bien plus profond, à plus de soixante-dix mètres sous la surface, un site exceptionnel a récemment été découvert : The Smoking Land. Il s’agit d’une multitude de cheminées hydrothermales qui expulsent des fluides acides à des températures élevées.
« Depuis la surface, on ne se doute de rien. Pourtant, les volcans sous-marins de Panarea sont l’un des paysages les plus marquants qu’il m’ait été donné de voir. Nous sommes à la fois enveloppés par le silence infini de l’océan et au milieu d’un spectacle dantesque de cheminées volcaniques qui crachent des gaz et des fluides brûlants, un peu comme si l’on se trouvait aux portes des enfers. On comprend alors que la Terre est vivante », souligne Alexis Rosenfeld.
Une menace constante pour les populations côtières
Ces phénomènes sont surveillés quotidiennement par l’équipe du professeur Francesco Italiano, responsable de la section de Palerme de l’Institut National de Géophysique et de Volcanologie (INGV), car ils peuvent représenter un risque pour les populations.
Ces dernières années, les scientifiques ont justement noté une « instabilité » qui les interpelle dans le comportement des volcans. Pour eux, la survenue d’un « événement majeur » est possible. « Nous estimons que, selon un cycle naturel, il y a une grande explosion dans cette zone tous les 70 ans. Or la dernière a eu lieu à la fin des années 1930 », rappelle le scientifique.
En cas d’explosion, « l’un des risques est la formation d’un tsunami », détaille Francesco Italiano. « Il s’agit d’un phénomène qui se déplace à très grande vitesse, au minimum à 300 km/h. Il pourrait donc frapper les îles en quelques minutes, ce qui implique de réagir très rapidement », explique-t-il.
Un domaine d’action de l’UNESCO
L’UNESCO a une longue expérience dans ce domaine, grâce à sa Commission Océanographique Intergouvernementale (COI). Depuis les années 60, elle coordonne le Centre d’alerte aux tsunamis du Pacifique (PTWS). En 2005, elle l’a complété de trois autres systèmes : le CTWS dans les Caraïbes, le IOTWS pour l’Océan Indien et le NEAMTWS pour le Nord-Est Atlantique et la Méditerranée.
L’Organisation onusienne a par ailleurs développé un programme de formation des populations côtières. Mis en œuvre avec succès dans plusieurs régions du monde, comme en Asie du Sud-Est, en Océanie ou dans les Caraïbes, il est en phase de déploiement sur le pourtour méditerranéen. L’UNESCO annoncera son nouvel objectif mondial en la matière à l’occasion de la Conférence des Nations Unies sur les Océans, qui se tiendra du 27 juin au 1er juillet à Lisbonne.
Pour visionner les films sur cette nouvelle mission d’exploration : https://www.unesco.org/en/newsroom/multimedia#underwater-volcano-exploration
Photo d’en-tête : Des éruptions de gaz permanentes venant directement de la chambre magmatique du volcan s’échappent des entrailles de la Terre pour former d’impressionnants rideaux de bulles. Photo © Alexis Rosenfeld / UNESCO