Une nouvelle étude met en garde contre les événements sans précédent, c’est-à-dire les catastrophes climatiques si extrêmes que les communautés n’ont jamais rien connu de tel auparavant. Ces événements, dont les climatologues pensent qu’ils vont advenir de plus en plus souvent et de plus en plus fortement, ont la caractéristique d’entraver toutes tentatives de préparation. Conséquence : les stratégies de gestion des risques fondées sur les normes climatiques passées ne sont plus efficaces pour un avenir plus extrême.
Ces nouvelles recherches, publiées ce 3 août dans la revue Nature, portent sur des cas de sécheresses et d’inondations extrêmes dans le monde entier. Les scientifiques se sont concentrés sur les endroits qui ont connu deux catastrophes au même endroit, séparées par un certain nombre d’années, afin de déterminer si les communautés ont pu mieux se préparer au deuxième événement après le premier.
Les chercheurs ont constaté que la mise en œuvre de stratégies de gestion des risques améliorait les résultats la deuxième fois. Mais il y a une exception majeure : lorsque le deuxième événement est beaucoup plus grave que le premier, exposant la communauté à des menaces qu’elle n’avait pas connues auparavant ; dans ce cas, les tentatives de préparation échouent.
Par exemple, la ville du Cap, en Afrique du Sud, a subi une grave sécheresse en 2003 et 2004. Au cours des années suivantes, la ville a installé un nouveau barrage sur la rivière Berg, située à proximité, afin de stocker davantage de précipitations hivernales et a mis en œuvre d’autres stratégies pour faire face aux futures pénuries d’eau, telles que des restrictions de la consommation d’eau et des campagnes d’information du public. Mais lorsqu’une nouvelle sécheresse s’est installée plus de dix ans après la première, la ville a connu une véritable crise de l’eau. L’événement a été si grave, tellement plus extrême que les sécheresses précédentes, que les préparatifs antérieurs ont été insuffisants.
Les recherches indiquent que ce phénomène se produit également lors d’inondations extrêmes. De fortes précipitations et des crues soudaines ont submergé les réseaux d’égouts de la ville suédoise de Malmö en 2014, malgré les tentatives de préparation après une inondation antérieure, mais moins grave, quelques années auparavant.
Un tel problème révèle deux faces concomitantes. D’une part, les infrastructures plus anciennes ne sont pas conçues pour des phénomènes extrêmes sans précédent – ce qui signifie qu’elles sont susceptibles de tomber en panne ou d’être débordées, malgré toutes les autres tentatives de préparation aux inondations et aux sécheresses. Dans le même temps, les collectivités conçoivent souvent leurs stratégies de gestion des risques à la suite de catastrophes qui se sont déjà produites, au lieu de tenter de planifier les nouvelles catastrophes à venir. D’autant que ces dernières sont annoncées par les climatologues comme étant pires que toutes celles qui les ont précédées —on le voit déjà avec les suites de records météorologiques qui tombent chaque jour.
Les chercheurs préviennent également que certaines stratégies de gestion des risques peuvent se retourner contre elles de manière inattendue. Si les communautés construisent des digues ou d’autres infrastructures conçues pour tenir à distance les eaux de crue, cela pourrait encourager davantage de personnes à s’installer dans les plaines inondables. C’est un problème particulier si les digues cèdent par la suite lors d’un événement sans précédent.
Dans l’ensemble, les chercheurs n’ont trouvé que deux exemples dans lesquels les stratégies de gestion des risques ont réduit l’impact d’une deuxième catastrophe, même si celle-ci était beaucoup plus extrême que la première. Il s’agit des inondations en Allemagne et en Autriche en 2013 et des inondations à Barcelone en 2018. Ces réussites s’expliquaient par des investissements élevés à la fois dans des améliorations structurelles, comme de nouvelles stations d’épuration, et dans d’autres éléments de conception, comme des codes de construction plus stricts. Les pouvoirs publics ont également impliqué des améliorations significatives des systèmes d’alerte précoce, des plans d’intervention d’urgence et des collaborations avec d’autres gouvernements locaux ou nationaux.
Dans un commentaire sur la nouvelle étude, également publié dans Nature, les chercheuses Beth Tellman et Hallie Eakin ont fait remarquer que les efforts d’adaptation doivent également s’attaquer aux inégalités systémiques de la société pour être réellement efficaces. De nombreuses études ont en effet révélé que les personnes de couleur et les personnes à faible revenu sont plus vulnérables aux impacts des événements climatiques extrêmes que les autres populations. « Face à ces défis, ce n’est pas la gestion des risques qui est nécessaire, mais plutôt la transformation », suggèrent Tellman et Eakin. « Il est urgent de corriger les inégalités sociopolitiques sous-jacentes qui augmentent la vulnérabilité et l’exposition. Les responsables de la gestion des risques doivent également faire plus que tirer les leçons du passé, mais devraient plutôt anticiper et s’adapter à la perspective d’un avenir de plus en plus dangereux. »
Source : E&E News, Scientific American
Image d’en-tête : La désertique Vallée de la mort, en Californie, a observé vendredi 5 août d’intenses et rares précipitations. Un millier de personnes sont immobilisées à cause d’importantes crues, a annoncé le parc national de la Vallée de la Mort. Photo AFP