L’Europe de l’Ouest est la région du monde qui, après les pôles, se réchauffe le plus vite. C’est l’ONU et l’Organisation météorologique mondiale qui l’avait annoncé en novembre 2022. L’impact de cette situation s’est précisé dans une étude de chercheurs britanniques publiée dans la prestigieuse revue The Lancet. Ils ont analysé un ensemble de données sur 854 villes européennes pour avoir une idée précise des villes où les extrêmes de températures, comme les périodes caniculaires, peuvent avoir la plus grande incidence sur la santé et la mortalité de ses habitants. Le résultat de leur recherche est sans appel : la ville où le risque de mourir de chaud est le plus fort est … Paris. Un risque qui va s’amplifier dans les années à venir si l’on en croit l’alerte de l’Agence européenne de l’environnement diffusée ce 14 juin.
Les chercheurs anglais ont analysé un ensemble de données sur 854 villes européennes entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2019 : des relevés météo, des chiffres démographiques sur les adultes de plus de 20 ans, des informations sur le type d’infrastructures présentes, mais aussi des facteurs socioéconomiques, topographiques, et environnementaux. Les données proviennent d’Eurostat, du MCC (Multi-city Collaborative Research Network), un outil collaboratif international, du réseau de satellites de la Nasa Moderate-Resolution Imaging Spectroradiometer, et de l’organisme de surveillance du climat en Europe Copernicus.
Les conclusions de leur étude, publiée dans la revue The Lancet Planetary Health en mars 2023, sont édifiantes. Paris remporte le triste prix de la ville où le risque de mourir de chaleur est le plus élevé, tandis que Londres décroche celui de la ville où le risque de mourir de froid est le plus fort. Enfin, l’Europe de l’Ouest est la région avec la plus forte surmortalité liée au froid et à la chaleur.
Alors que d’autres villes européennes, notamment celles plus au sud, comme celles d’Espagne ou d’Italie, connaissent chaque année des températures plus élevées, pourquoi Paris arrive-t-elle en tête du classement des villes où la chaleur est la plus dangereuse ? L’équipe de recherche avance une raison principale : son urbanisation totalement inadaptée à la chaleur.
Paris exposé
La capitale française est particulièrement exposée au phénomène d’îlot de chaleur urbain. Selon l’Institut Paris Région, “on peut observer des écarts importants de température entre Paris et les zones rurales (jusqu’à 10 °C lors de la canicule exceptionnelle de 2003)”. La plateforme collaborative Construction 21 a étudié en détail chaque arrondissement de Paris pour mesurer leur sensibilité, rue par rue, à la chaleur. Les arrondissements où il fait le plus chaud en cas de canicule sont le 2° et le 9°. Les cartes montrent l’importance de la végétation pour faire chuter de façon spectaculaire le niveau de chaleur et de risque en ville.
Cette photo de @Paris prise par l’@Space_Station le 18 juin et aimablement fournie par @ESA_fr met en évidence les zones les + chaudes de la capitale un jour de canicule. De quoi nous inciter à adapter la Ville à l’évolution climatique et à planter toujours + #Paris15 @NASA @CNES pic.twitter.com/k6MtZNlT2T
— Mairie du 15 (@mairie15) August 3, 2022
Dans le détail, Paris s’illustre comme la ville, parmi toutes celles étudiées, où les risques liés à la chaleur sont les plus élevés toutes tranches d’âges confondues, et notamment pour les plus de 85 ans, avec un multiple de 1.6 en moyenne. Elle est suivie par Zagreb, Amsterdam et Vienne. Rappelons que lors de la canicule de 2003, la ville de Paris avait recensé une surmortalité de 141%, contre 40% en moyenne dans les petites et moyennes villes.
Des résultats purement factuels, qui fournissent toutefois « des informations précieuses aux décideurs politiques pour concevoir des politiques nationales, régionales et locales sur le climat et la santé publique, et représentent une première étape importante vers des évaluations précises des impacts sur la santé liés à la température », concluent les chercheurs.
Paris mobilisé
Selon les prévisions, la capitale « pourrait connaître des vagues de chaleur en moyenne 34 jours par an d’ici 2080, contre 14 jours par an dans les années 2010 », et le nombre moyen de nuits tropicales pourrait y passer de 5 à 35 par an. Les climatologues le disent : à l’horizon 2050, la capitale pourrait connaître des températures frôlant les 50 degrés. Après tout, un village du Canada, situé à la même latitude que Paris, a connu une température de 49,5 degrés en 2021. Vingt-quatre heures plus tard, le village était détruit par les incendies provoqués par cette canicule hors norme. Faudra-t-il fuir la mégapole bitumée dans 10 ans ?
Pour maintenir Paris habitable, les élus se mobilisent et proposent différentes mesures de débitumisation et végétalisation. Sur le bâti existant, la ville de Paris préconise le développement « des toits-terrasses collectifs » incluant collecteurs d’eau, végétation et production d’énergie renouvelable. Lorsque cela n’est pas possible, elle demande de peindre les toits « plats et non patrimoniaux » avec « un revêtement clair », et de renforcer l’isolation intérieure des bâtiments historiques, sur leurs derniers étages. Un sujet sensible compte tenu de l’attachement aux toits traditionnels en zinc, mais qui participent à la hausse des températures et au phénomène d’îlot de chaleur. Pour se préparer à « l’éventualité d’un dôme de chaleur », les élus parisiens recommandent enfin l’aménagement de plusieurs « espaces refuges » pour la population : souterrains, parkings, stations de métro désaffectées…
Le plan parisien est vertueux mais laisse des zones d’ombre sur son financement. Une élue parisienne, Elisabeth Stibbe regrette un plan qui « ne dit pas comment l’argent va être trouvé ».
Le bilan s’alourdit
L’enjeu ne concerne pas que Paris. Il est global. Les événements météorologiques extrêmes ont coûté la vie à 195 000 personnes et provoqué des dégâts estimés à 560 milliards d’euros en Europe depuis 1980, selon l’Agence européenne de l’environnement (AEE), qui appelle ce mercredi 14 juin à engager de nouvelles mesures. En février 2022, le bilan s’élevait à 510 milliards d’euros et 142 000 morts, preuve qu’il s’est considérablement alourdi en l’espace d’un an.
Dans le nouvel inventaire, les canicules comptent pour 81% du nombre de morts et pour 15% des dommages financiers. Marqué par des vagues de chaleur à répétition, l’été 2022, non encore comptabilisé, a connu un nombre de décès plus élevé que d’habitude dans toute l’Europe. Il y a eu 53 000 décès de plus en juillet 2022 par rapport aux moyennes mensuelles de 2016-2019, tous n’ayant pas été directement attribués à la chaleur, a précisé l’AEE.
Sur les sols, le changement climatique induit par l’homme a multiplié par cinq ou six la probabilité de sécheresse en 2022, lors de laquelle les incendies de forêt ont touché plus du double de la superficie par rapport aux dernières années, a relevé l’AEE. Leur coût pourrait passer de neuf milliards d’euros par an actuellement à 25 milliards annuel à la fin du siècle si le réchauffement s’établit à 1,5°C. Avec des pertes humaines beaucoup plus faibles (2% du total), les inondations sont à ce jour les catastrophes les plus coûteuses, représentant 56% de la facture.
Avec Futura Sciences, AFP