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Gaspillage alimentaire : Il est temps de fixer des objectifs de réduction d’au moins 50 %

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Lors de la Journée mondiale de l’alimentation 2023, ce 16 octobre, l’application de lutte contre le gaspillage alimentaire Too Good To Go a demandé au Parlement européen et aux États membres de l’UE de s’engager plus rapidement à réduire considérablement le gaspillage alimentaire. L’Objectif de Développement Durable 12.3 des Nations Unies vise une réduction de 50 % des déchets alimentaires dans le monde, bien loin de la proposition de la Commission européenne. 40 % des aliments produits dans le monde sont gaspillés ; la réduction des déchets alimentaires est considérée comme la solution numéro un pour résoudre la crise climatique (Project Drawdown, 2020 (1)).

À l’occasion de la Journée mondiale de l’alimentation qui s’est tenue ce 16 octobre, Too Good To Go appelle le Parlement européen à soutenir des objectifs juridiquement contraignants de réduction des déchets alimentaires d’au moins 50 %. Pour rappel, le gaspillage alimentaire représente 10 % de toutes les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine dans le monde, et est une des causes du changement climatique.

La proposition actuelle de la Commission européenne en matière de réduction des déchets alimentaires ne suggère qu’une réduction de 10 à 30 % pour les différents secteurs alimentaires, ce qui est bien inférieur à l’engagement pris par l’Union Européenne en 2015 dans le cadre de l’Objectif de Développement Durable 12.3.

Selon le service Copernicus de l’UE sur le changement climatique, 2023 est en passe de devenir l’année la plus chaude depuis au moins 1940, l’impact dévastateur du réchauffement climatique se faisant sentir dans le monde entier. Dans le même temps, les prix des denrées alimentaires ont grimpé en flèche, réduisant l’accès de nombreux ménages aux produits alimentaires de base. En France, on estime qu’un panier moyen de courses en grandes surfaces a augmenté de 17% au premier semestre 2023.

Une solution essentielle : réduire le gaspillage alimentaire

Il existe une solution commune, simple et accessible pour agir face à l’urgence climatique et la hausse des prix alimentaires : réduire le gaspillage alimentaire. À l’échelle mondiale, 40 % de la nourriture produite est gaspillée. C’est une aberration environnementale car le gaspillage alimentaire représente 10 % de toutes les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine dans le monde (WWF, 2021).
C’est aussi une aberration sociale alors que dans le monde 828 millions de personnes souffrent de la faim chaque jour (OMS, 2021). Et c’est enfin une aberration économique car on estime que le gaspillage alimentaire coûte à l’économie mondiale plus de 1000 milliards de dollars chaque année (FAO, 2021).

Pour Lucie Basch, co-fondatrice de Too Good To Go, “Face au contexte inflationniste et des ressources limitées, nous devons (re)donner une valeur réelle à la nourriture. Cela passe notamment par l’accélération de nos efforts collectifs pour arrêter le gaspillage. Nous ne pouvons plus nous permettre de gaspiller la nourriture. Elle est tout simplement trop précieuse, pour la société, pour la planète et pour l’économie.”

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Méleyne Rabot, Directrice Générale France ajoute “ En tant que pionnière dans la lutte contre le gaspillage alimentaire, la France a un rôle décisif à jouer pour que des objectifs ambitieux à échelle européenne soient fixés pour un impact massif et durable.”

« À grande échelle, de petites actions peuvent faire une grande différence. Pour atteindre cette échelle nécessaire, nous avons besoin d’une réglementation forte. Ce problème est trop urgent, trop grave et trop important pour ne pas légiférer avec rapidité et ambition. A l’occasion de la Journée Mondiale de l’Alimentation, nous pensons qu’il faut que le Parlement européen et les États membres de l’Union Européenne soutiennent des objectifs de réduction du gaspillage alimentaire d’au moins 50 % d’ici à 2030 » concluent Lucie Basch et Méleyne Rabot.

Un constat partagé par l’ONU et la FAO pour la nécessité d’avoir des mesures plus ambitieuses et réplicables à grande échelle. Pour le Comité consultatif de l’ONU : “Finies les demi-mesures”. José Manuel Moller, vice-président du comité consultatif de l’ONU sur le zéro déchet et PDG d’Algramo, estime que “Tous les éléments indiquent qu’il n’y a plus de place pour les demi-mesures. Il est nécessaire que les autorités et les entreprises agissent maintenant pour atténuer ensemble les effets catastrophiques du changement climatique sur les populations du monde entier. Nous avons besoin d’une réglementation plus stricte qui favorise une action décisive et collaborative pour obtenir un impact significatif et durable« .

Zitouni Ould-Dada, directeur adjoint du Bureau du changement climatique, de la biodiversité et de l’environnement de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), ajoute : « Nous ne progressons pas suffisamment vers l’ODD 12.3 – réduire de moitié le gaspillage alimentaire par habitant au niveau des détaillants et des consommateurs d’ici 2030. Nous avons besoin de plus d’engagement, de politiques et de solutions plus innovantes et d’une adoption généralisée de comportements durables tout au long de la chaîne d’approvisionnement. Nous ne sommes pas là où nous devrions être ni là où nous devons être. Nous avons besoin d’aller plus vite et plus massivement.”

« Observez-sentez-goûtez »

L’équipe de Too Good To Go reconnaît que les entreprises ont elles aussi la possibilité et la responsabilité de susciter un véritable changement. L’entreprise certifiée B Corp accompagne plus de 145 000 commerçants et 81 millions d’utilisateurs à réduire le gaspillage alimentaire à leur échelle.
L’entreprise, depuis toujours, souhaite aller plus loin que son application en inspirant et en donnant les clés au plus grand nombre de pouvoir réduire ensemble le gaspillage alimentaire. L’entreprise est engagée sur le sujet des dates de consommation, source aujourd’hui de 10% du gaspillage alimentaire.

En 2019, Too Good To Go a lancé une initiative internationale avec une coalition de plus de 500 marques, dont Unilever, Danone, Carrefour, Nestlé, le groupe Bel et d’autres. Elle consiste à imprimer le pictogramme “observez-sentez-goûtez” sur environ 6 milliards d’emballages de produits « à consommer de préférence avant » afin d’encourager les consommateurs à faire confiance à leurs sens avant de gaspiller de la nourriture encore consommable. Chaque mois, de nouveaux partenaires rejoignent cette initiative qui porte ses fruits et permet une sensibilisation accrue des citoyens en Europe.

Il faut accélérer la transformation du système agricole avec des objectifs tangibles pour une transformation durable. Aussi, pour Zitouni Ould-Dada de la FAO : « Nos systèmes agroalimentaires doivent devenir plus efficaces, plus durables, plus inclusifs et plus résistants aux chocs. Pour réaliser cette transformation du système agroalimentaire, les gouvernements doivent mettre en place des politiques et des réglementations plus ambitieuses afin d’éviter les pertes et les gaspillages alimentaires dans tous les domaines. En tant que consommateurs, nous devons également prendre la responsabilité de ne pas gaspiller de nourriture. »

En modifiant l’alimentation et en combattant le gaspillage alimentaire, la demande mondiale d’aliments peut chuter considérablement. Manger des aliments dans les paliers inférieurs de la chaîne alimentaire et garantir que tout ce qui est cultivé est consommé sont deux actions qui, combinées, réduisent les intrants agricoles, le défrichement et toutes les émissions associées.
Près d’un tiers des aliments dans le monde ne sont jamais consommés, soit autant de terres et de ressources utilisées ainsi que de gaz à effet de serre émis pour leur production qui auraient pu être épargnés. Des interventions peuvent réduire les pertes et le gaspillage si les aliments passent de la ferme à l’assiette, et donc limiter la demande globale.

D’autres raisons pour lutter contre le gaspillage alimentaire 

Selon Nicolas Bricas (CIRAD), dans un article publié en 2018 pour la Chaire UNESCO Alimentations du monde, un des arguments pour la lutte contre le gaspillage, est la réduction de la pression sur les ressources rares, la réduction des pollutions des systèmes de production. Réduire le gaspillage conduira à produire moins et donc à réduire notre impact environnemental. C’est là le principal argument qui tienne. Mais si le problème est de réduire l’impact environnemental, le gaspillage alimentaire est-il le premier domaine auquel s’attaquer ? N’est-il pas plus efficace de réduire le gaspillage des gaz réfrigérants qui fuitent, de réduire les déplacements individuels en voiture, la consommation de produits animaux nourris aux cultures intensives, l’obsolescence programmée, etc. ?

Il y a des moyens de réduire les émissions de gaz à effet de serre bien plus efficaces que de réduire le gaspillage alimentaire (cf. le rapport du Drawndown project). Cela n’empêche pas de chercher à le réduire, mais cela interroge sur la grande priorité qu’on en a fait. Il est intéressant de voir par exemple que dans la lutte contre le gaspillage alimentaire, on parle peu de la lutte contre les emballages pourtant très polluants.

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Un autre argument pour justifier la lutte contre le gaspillage alimentaire est qu’elle permet de générer de nouvelles activités économiques et de nouveaux emplois en valorisant des déchets. L’Europe (au contraire de la FAO) considère que valoriser les déchets alimentaires est un moyen de lutte contre le gaspillage. Donner des déchets de cantine aux animaux permettrait ainsi de réduire le gaspillage. Le problème est qu’il existe des moyens bien moins coûteux pour l’environnement de nourrir les animaux que de donner des restes de plats cuisinés à partir de produits transformés, surgelés, réchauffés, etc.
En terme écologique, valoriser les déchets est une absurdité si cela empêche de les réduire. Valoriser les déchets est un très bon moyen de laisser continuer à se développer le marché du gaspillage (car le gaspillage des ménages est un débouché pour les entreprises). On peut ainsi continuer de trop produire, donc de gaspiller et se donner bonne conscience en valorisant ces déchets. En plus, cela permet de créer de nouvelles activités pour injecter encore plus d’énergie dans les filières de valorisation les déchets et donc à augmenter encore les consommations de ressources fossiles et les pollutions !

Toutes les sociétés gaspillent, même les plus pauvres (qui gaspillent cependant moins que les riches). Le gaspillage est le coût de la liberté. On achète aujourd’hui des « possibilités de consommer », de la liberté de pouvoir choisir et non de planifier au plus juste. On achète de la nourriture qu’on pourra cuisiner, sans être absolument sûr qu’on la cuisinera vraiment. Les hommes ont toujours cherché, dès qu’ils l’ont pu, à s’affranchir des contraintes matérielles, à s’affranchir de la rareté. Les festins en sont un bon exemple : ils n’ont de sens qu’avec leur abondance. Il n’y a pas de festins frugaux. Pour construire des liens sociaux, lors des mariages, des décès, des accords de paix, il faut se détacher des contingences matérielles : on ouvrira du champagne, on le versera en abondance, on préparera des plats dispendieux, etc. Le luxe n’est-il pas une forme de gaspillage ?

La lutte contre le gaspillage alimentaire est une excellente démagogie, au sens positif du terme. Personne ne peut être contre car tout le monde considère que c’est un scandale. C’est donc payant politiquement d’en faire un cheval de bataille. Mais le risque est de focaliser les préoccupations des citoyens sur un sujet marginal du point de vue environnemental et du point de vue de la sécurité alimentaire, leur donner le sentiment qu’on répond à leurs préoccupations, pour ne rien fondamentalement changer au système qui nous mène à l’épuisement des ressources et au changement climatique et autres pollutions. Le risque est aussi de culpabiliser les individus, les consommateurs, en leur demandant de réduire le gaspillage, comme s’ils étaient responsables d’un système de surproduction qu’ils n’ont pas créé mais qui s’est imposé à eux. Il y a un certain cynisme à demander aux individus de contrôler leurs envies quand tout le système d’offre vise à les faire céder à leurs envies, par les promotions, par la publicité, par la facilité d’accéder aux produits.

Mieux contrôler ses achats et ses stocks permet de repenser la valeur sociale et environnementale de notre alimentation, et les coûts cachés qu’elle représente. En ce sens, le mot d’ordre de lutte contre le gaspillage est utile. Mais il vaudrait mieux parler de surproduction que de gaspillage pour tendre vers un rééquilibrage des responsabilités et ne pas laisser croire que seuls les consommateurs peuvent être les moteurs du changement, même s’ils peuvent et doivent bien sûr y contribuer.

Pour aller plus loin

(1) Fondée en 2014, Project Drawdown est une organisation à but non lucratif dont l’objectif est d’aider le monde à parvenir au point Drawdown, le moment dans l’avenir auquel les niveaux de gaz à effet de serre dans l’atmosphère cesseront d’augmenter et entameront un déclin régulier. Depuis la publication en 2017 de Drawdown, bestseller du New York Times, l’organisation s’est positionnée comme une ressource clé d’informations et de connaissances en matière de solutions climatiques.

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