Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a publié ce mardi 14 mai 2024 un avis intitulé « Quel avenir pour le pacte vert pour l’Europe et ses citoyens ? » qui a été adopté avec une majorité écrasante. Cet avis, publié juste avant les élections européennes, est crucial car il cherche à renforcer le Pacte vert européen, un projet ambitieux visant à rendre l’Europe climatiquement neutre en carbone d’ici 2050. Le rapport appelle à une meilleure prise en compte des préoccupations des citoyens et des divers acteurs, et à l’adoption de mesures concrètes pour soutenir socialement et économiquement la transition écologique tout en améliorant sa popularité et son acceptabilité à travers un débat démocratique ouvert. Car, en effet, la transition écologique est chahutée au sein des instances politiques européennes, alors que les emballements du climat et de ses ravages s’amplifient chaque jour sous nos yeux.
En application de l’Accord de Paris sur le climat de 2015 (augmentation limitée de la température moyenne de la planète de 1,5°C), la Commission européenne a lancé fin 2019 le « Pacte vert pour l’Europe » (PVE). Cette feuille de route transverse et multisectorielle doit faire de l’Union européenne le premier continent climatiquement neutre en carbone d’ici 2050.
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Aujourd’hui, si les ambitions du PVE ne sont pas remises en question, des interrogations persistent quant à sa pleine application dans le respect de ses ambitions notamment dans un contexte commercial tendu sur fond de guerres. Au moment de la mise en œuvre concrète de leurs intentions, souvent affichées comme vertueuses, les dirigeants politiques sont incapables de résister à la pression extraordinaire des groupes industriels et agroalimentaires qui ne veulent qu’une chose : que rien ne change pour continuer leurs affaires en dépit de tout bon sens climatique.
Aussi, le principe même du Pacte vert devient incertain et au consensus de 2019 en faveur de la transition écologique pourraient succéder des clivages politiques plus profonds entre groupes parlementaires européens après les élections européennes. Dans ce contexte, comment garantir de l’avenir du Pacte vert et en permettre la pleine efficacité ?
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Face à ces questionnements, le CESE s’est saisi du sujet pour y apporter des éléments de réflexion et de proposition pour en permettre la meilleure application dans le respect de ses ambitions. Il tire plusieurs enseignements : le Pacte vert européen est aujourd’hui encore trop mal compris, souvent considéré comme un frein au développement économique et un ajout à la surrèglementation reprochée à l’UE.
Dans cet avis, le CESE dresse un état des lieux du PVE, rappelle la nécessité de ses objectifs, identifie les conditions nécessaires pour garantir sa pleine application dans le respect des délais et exigences qui lui incombent, et propose 19 préconisations à mettre en œuvre pour assurer dans les meilleures conditions possibles son avenir.
Ses préconisations s’articulent autour de plusieurs axes de travail, dont garantir une meilleure acceptation du PVE, en assurer son financement et accompagner la transition écologique :
Renforcement de la démocratie participative
L’avis du CESE propose d’impliquer davantage les citoyens dans le processus législatif, ce qui pourrait conduire à une meilleure compréhension et acceptation des politiques environnementales. Les méthodes proposées, telles que les études d’impact, les agoras, et les conventions, sont des moyens efficaces pour intégrer les attentes et exigences des citoyens directement dans la formulation des lois.
Clarification du financement
Le rapport souligne la nécessité de définir clairement les sources de financement pour le Pacte vert. Cela est essentiel pour adresser les inquiétudes des citoyens concernant les coûts de la transition écologique et pour faciliter l’accès aux ressources financières nécessaires. Une stratégie de financement bien définie est cruciale pour la réussite de tout projet d’envergure, surtout quand il s’agit de transformation écologique.
Pour répondre aux considérations des entreprises, le CESE propose de simplifier les obligations de reporting pour les entreprises et de s’assurer que les normes de la directive CRSD soient bien adaptées à la réalité de toutes les entreprises, notamment des PME.
Soutien à l’industrie et à l’emploi
Le CESE recommande de relancer le projet de la création d’un Fonds de souveraineté européen pour soutenir l’industrie dans sa transition vers des pratiques plus écologiques. Ce fonds aiderait à maintenir la compétitivité industrielle tout en favorisant une réindustrialisation décarbonée de l’Europe. En plus, le pacte industriel proposé inclurait un dialogue social fort pour assurer que la transition soit équitable pour tous les travailleurs.
Amélioration des normes commerciales et environnementales
Le rapport propose de renforcer les normes sur les produits importés et de revoir les accords commerciaux pour inclure des clauses environnementales strictes. Cela non seulement protégerait l’environnement, mais garantirait aussi que les produits importés respectent des normes équivalentes à celles de l’UE, créant ainsi un terrain de jeu équitable pour les entreprises européennes. Il insiste sur les moyens de contrôle renforcés à mettre en œuvre sur la qualité des produits importés (respect des normes sanitaires et environnementales). Il recommande de réviser les accords commerciaux en vigueur avec les États tiers de son voisinage pour en faire des accords de nouvelle génération incluant des clauses miroirs, y compris sur le plan agricole et dans le respect de l’accord de Paris et des conventions fondamentales de l’OIT. Il conviendra enfin d’aider les pays tiers à appliquer des normes environnementales de même nature que celles de l’UE.
Promotion internationale du modèle européen
En promouvant le modèle du Pacte vert au-delà de ses frontières, l’UE pourrait positionner ses normes environnementales comme un standard global, influençant positivement les politiques environnementales mondiales. Cela renforcerait également la position de l’UE comme leader mondial dans la lutte contre le changement climatique.
Le CESE préconise un approfondissement des discussions de l’UE sur les clauses miroirs en s’appuyant sur la proposition portée lors de la présidence française de l’Union européenne. Il insiste sur les moyens de contrôle renforcés à mettre en œuvre sur la qualité des produits importés (respect des normes sanitaires et environnementales). Il recommande de réviser les accords commerciaux en vigueur avec les États tiers de son voisinage pour en faire des accords de nouvelle génération incluant des clauses miroirs, y compris sur le plan agricole et dans le respect de l’accord de Paris et des conventions fondamentales de l’OIT. Il conviendra enfin d’aider les pays tiers à appliquer des normes environnementales de même nature que celles de l’UE.
Accompagnement des transitions
Le CESE souligne l’importance de ne pas seulement planifier, mais aussi d’accompagner activement les transitions vers des pratiques plus écologiques. En relançant le projet de Fonds de souveraineté européen, le CESE vise à fournir les moyens financiers et techniques nécessaires pour que les industries, notamment les PME, puissent ajuster leur production conformément aux exigences environnementales sans subir de pertes économiques. Cela inclut également un engagement pour le dialogue social, assurant que toutes les parties prenantes, y compris les travailleurs, soient impliquées dans le processus de transition.
Promouvoir une compréhension et une acceptation généralisées
En organisant des présentations publiques et des conférences sociales dans chaque État membre, le CESE cherche à garantir que le grand public comprend et soutient le Pacte vert. La transparence et la communication sont essentielles pour surmonter les résistances et les scepticismes. En expliquant clairement les bénéfices et les nécessités de la législation environnementale, le CESE espère construire une base solide de soutien populaire.
En conclusion
L’avis du CESE sur le Pacte vert pour l’Europe propose des solutions pragmatiques pour améliorer la mise en œuvre de cette initiative cruciale. En mettant l’accent sur la participation citoyenne, le financement clair, l’accompagnement des transitions industrielles, et la promotion d’une compréhension large des enjeux et des actions nécessaires, cet avis vise à transformer de manière équitable et efficace l’économie européenne vers un modèle durable. Si ces recommandations sont suivies, elles pourraient non seulement garantir le succès du Pacte vert mais également renforcer la cohésion sociale et la position de l’Europe comme leader dans la lutte globale contre le changement climatique. La mise en œuvre de ces mesures est donc cruciale non seulement pour atteindre les objectifs climatiques mais aussi pour maintenir la stabilité sociale et économique en Europe.
Cet avis est rapporté par Lucien Chabason (Groupe Environnement et Nature) et Didier Kling (Groupe Entreprises), au nom de la Commission des Affaires européennes et internationales. Il a été présenté lors de l’Assemblée plénière du 14 mai 2024 à 14h30. L’avis a été adopté avec 117 voix pour, 1 contre et 1 abstention.