La santé des Français s’est-elle fragilisée ? Récemment, la caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) a fait état d’une augmentation des dépenses liées aux arrêts maladie. Les Français seraient plus souvent en arrêts maladie qu’avant et pour plus longtemps. Mais quelle en est la cause ? Si la CNAM rappelle l’importance de lutter contre les abus, la dernière étude en date d’Indeed sur la santé mentale des Français a tenté de comprendre cette tendance. Spoiler alert : il se pourrait que l’explosion de ces arrêts reflète un mal-être profond des salariés français, liée à une santé mentale dégradée ; notamment avec la crise sanitaire, qui a laissé de nombreuses traces.
L’augmentation notable des arrêts maladie en France pose des questions cruciales sur la santé globale des salariés français. Récemment, la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) a mis en lumière une hausse des dépenses liées à ces arrêts, indiquant une fréquence et une durée accrues de ces derniers. Mais qu’est-ce qui motive cette tendance ? Une étude d’Indeed, réalisée avec OpinionWay, explore les racines de cette question en se concentrant particulièrement sur la santé mentale des travailleurs français, exacerbée par les répercussions durables de la crise sanitaire.
Cette analyse révèle un mal-être profond chez les salariés, particulièrement marqué par un besoin de conditions de travail améliorées et d’un environnement propice au bien-être pour diminuer les interruptions professionnelles. Il apparaît que 40% des salariés ont reçu une prescription d’arrêt maladie au cours de l’année écoulée, avec des motivations variées incluant des raisons médicales physiques et psychologiques, ainsi qu’un besoin essentiel de repos.
Les résultats de cette étude sont alarmants, notamment pour les moins de 35 ans et les managers, qui manifestent une dégradation notable de leur santé mentale, liée à la pression et à l’insatisfaction au travail. De plus, cette situation est aggravée par le contexte post-COVID-19, qui a non seulement affecté physiquement les individus mais a également laissé des séquelles mentales significatives.
Le texte plonge dans la complexité des arrêts maladies en tant que symptômes d’un malaise plus large au sein de la société française, questionnant les politiques des entreprises en matière de santé et bien-être au travail. Il met en lumière la nécessité urgente pour les entreprises de reconnaître et d’aborder les cas de burn-out et d’épuisement professionnel sans stigmatisation, et de promouvoir une culture de soutien et de transparence autour de la santé mentale.
Des salariés éreintés par leur travail
Proposer des meilleures conditions de travail et favoriser un climat de bien-être devraient être la priorité n°1 des entreprises pour contrer les arrêts maladies. Or l’étude révèle que 2 salariés sur 5 déclarent avoir reçu une prescription d’arrêt au cours des 12 derniers mois.
Les moins de 35 ans (54%) mais aussi les managers (52%) sont ceux ayant eu le plus recours à ces arrêts durant cette période.
Les arrêts pris sont liés à des raisons médicales physiques (20%), psychologiques (10%) mais sont également motivés par un besoin de repos, pouvant aussi bien concerner le corps que l’esprit (10%). Ce besoin de repos semble témoigner d’un épuisement professionnel des Français, impactant leur quotidien. En effet, 39% des sondés déclarent se sentir souvent ou systématiquement trop épuisés pour se lancer dans une autre activité après le travail.
Le travail ne prendrait-il pas trop de place dans nos vies ? Ce qui est certain, c’est que le travail joue énormément sur la santé mentale des Français, en particulier celle des jeunes et des managers :
- Plus d’un salarié sur trois (37%) estime que rester dans leur entreprise actuelle met en péril leur santé mentale.
- 47% des moins de 35 ans partagent ce sentiment fort, de même que 50% des managers.
- 48% des sondés craignent actuellement pour leur santé mentale.
Les craintes sont fortes, et pour cause : 50% des salariés français constatent que leur santé mentale s’est dégradée au cours des dernières années, en particulier pour les managers, davantage soumis à la pression du résultat (59%). Cet affaiblissement de la santé mentale depuis quelques années n’est pas sans lien avec la crise sanitaire passée, mais aussi les conditions de travail des salariés.
L’explosion des arrêts maladies, symptôme d’un mal-être profond et d’une forte démotivation de la part des salariés
Depuis 2020, le rythme de progression des dépenses d’arrêts maladie a quasiment triplé par rapport à la période d’avant Covid [1]. Les vagues ininterrompues du virus laissent un grand nombre de personnes affaibli physiquement et mentalement, notamment avec des Covid longs. L’étude Indeed souligne ce point :
- 70% des salariés considèrent que la crise a affaibli la santé mentale de la population et 64% que la santé physique a également décliné, contribuant à une augmentation des arrêts maladie.
En dehors de la crise sanitaire, les salariés français expliquent les arrêts maladies par d’autres raisons, notamment la démotivation, identifiée comme étant l’une des causes principales pour 91% des répondants :
Ces facteurs traduisent, d’une part, une détérioration du climat social et sanitaire, et d’autre part, une perte de sens au travail et une certaine lassitude des salariés, qui voient leurs conditions de travail se dégrader.
Les entreprises ont tout intérêt à prendre conscience de l’importance de proposer de meilleures conditions de travail et de favoriser un climat de bien-être. Cela réduirait certainement les arrêts maladies, mais permettrait aussi de déceler des cas de souffrances non détectées en entreprise, comme le burn-out.
Le burn-out : une dangereuse réalité mise sous silence, occultée par la culpabilisation
Les enjeux de santé mentale vont occuper une place de plus en plus importante en entreprise, car l’épuisement des salariés est bien réel :
- 71% des salariés témoignent de cas de burn-out au sein de leur entreprise, dans leur propre équipe ou au sein d’autres départements.
- Un tiers des salariés est ou a été personnellement touché par le burn-out. Cela concerne, là encore, davantage les salariés de moins de 35 ans (43%) et les managers (45%).
Néanmoins, le burn-out semble être encore tabou, entretenu par une culture du silence et de la performance à tout prix :
- Seuls 10% des salariés souffrant de burn-out ont pris un arrêt maladie pour des raisons liées à leur santé mentale au cours des 12 derniers mois.
Ce chiffre révèle la difficulté à reconnaître et à exprimer les problèmes psychologiques dans le milieu professionnel. En effet, la peur du jugement et de la stigmatisation sont les freins majeurs à la libération de la parole chez les salariés.
S’ils doivent s’arrêter pour burn-out :
- 56% déclarent qu’ils ressentiraient un manque de confiance en eux, de ne pas être au niveau attendu,
- 41% déclarent même qu’ils éprouveraient un sentiment de honte
- 49% affirment que cela leur fait peur, 52% craignent également d’être « placardisés ».
La culpabilité est aussi très présente chez les salariés souffrant de burn-out :
- 57% des sondés reconnaissent qu’ils se sentiraient coupables de se faire arrêter pour burn-out. Les salariés actuellement en situation de burn-out sont 78% à éprouver de la culpabilité.
Cette émotion est surtout ressentie vis-à-vis de leurs collègues (51%), mais concerne aussi leur direction (38%).
Le tabou vis-à-vis du burn-out est alimenté par un climat de méfiance : un salarié sur deux observe que ses dirigeants doutent de la réalité de certains burn-out, les attribuant à d’autres motifs, tels que le refus d’augmentations salariales (50%). Autant qu’on se le dise, en entreprise, la confiance (ne) règne (pas) toujours.
Quelles solutions ?
L’augmentation des arrêts maladie en France reflète un malaise profond parmi les salariés, exacerbé par des conditions de travail souvent inadaptées et un climat post-pandémique difficile. Pour contrer efficacement cette tendance et promouvoir un environnement de travail plus sain, il est impératif que les entreprises adoptent une approche proactive. Voici quelques conseils à considérer :
- Amélioration des conditions de travail : Les entreprises doivent évaluer et améliorer les conditions de travail, en offrant des espaces ergonomiques, des horaires flexibles et la possibilité de télétravail, pour réduire le stress physique et mental.
- Soutien à la santé mentale : Mettre en place des programmes de soutien à la santé mentale, tels que des consultations avec des psychologues, des formations sur la gestion du stress, et des lignes d’assistance confidentielles pour les employés.
- Promotion du bien-être : Encourager les activités qui favorisent le bien-être, comme le sport, la méditation, ou les événements de team-building, peut aider à construire un environnement de travail plus positif et inclusif.
- Dialogue ouvert : Créer un dialogue ouvert sur la santé mentale pour déstigmatiser les discussions autour du burn-out et autres problèmes psychologiques. Cela peut aider les employés à se sentir soutenus et compris par leur employeur et leurs collègues.
- Évaluation régulière : Effectuer des évaluations régulières du climat social et de la satisfaction des employés pour identifier et adresser proactivement les sources de mécontentement ou de stress.
En intégrant ces pratiques, les entreprises pourraient non seulement réduire la fréquence des arrêts maladie mais également améliorer la productivité et la satisfaction au travail, tout en s’assurant que leur personnel reste en bonne santé, motivé et engagé.
[1] En euros courants, les arrêts maladie progressent de 8 % par an par rapport à 2019, soit deux fois plus vite qu’avant Covid (4 % par an en 2015-2019), Calculs Institut économique Molinari avec donnés de l’Assurance Maladie
Méthodologie de l’étude
L’étude Indeed « Les salariés et la gestion de la santé mentale en entreprise » en partenariat avec OpinionWay a été réalisée auprès d’un échantillon de 1050 salariés, représentatif de la population française salariée d’entreprises privées de 20 salariés et plus, âgée de 18 ans et plus. L’échantillon a été constitué selon la méthode des quotas, au regard des critères de sexe, d’âge, de catégorie socioprofessionnelle, de secteur d’activité, de taille d’entreprise et de région d’implantation. Les interviews ont été réalisées par questionnaire autoadministré en ligne sur système CAWI du 3 au 9 septembre 2024.
Je serais vraiment intéressée de connaître la répartition des réponses par taille d’entreprise, pour savoir s’il pourrait y avoir une corrélation ou pas. ?