L’achat de biens immobiliers se fait encore trop souvent sans une réelle prise en compte des risques climatiques auxquels ces biens sont exposés. Un constat préoccupant fait par le fondateur d’Hanopi, qui interroge la responsabilité du secteur immobilier face aux enjeux climatiques, dans un contexte où les catastrophes naturelles se multiplient. Tout comme il est essentiel de connaître la qualité des sols avant d’y planter un arbre ou un potager, il devient impératif d’évaluer soigneusement les caractéristiques des terrains avant de construire une maison ou un immeuble. Car au-delà d’un simple acte d’achat, il s’agit de garantir que ces espaces pourront non seulement perdurer face aux bouleversements climatiques, mais aussi offrir des conditions de vie optimales pour leurs occupants.
Éric Houdet, fondateur d’Homapi (1), une entreprise spécialisée dans la transition numérique et énergétique du secteur immobilier, alerte sur une problématique cruciale : l’achat de biens immobiliers se fait encore trop souvent sans une réelle prise en compte des risques climatiques auxquels ces biens sont exposés. Il souligne les conséquences de cette négligence collective et propose des solutions concrètes pour transformer le secteur immobilier, comme la réduction de l’empreinte environnementale : s’attaquer aux 25 % d’émissions de CO₂ dont le secteur est responsable en favorisant des pratiques plus durables ; la transparence sur les risques climatiques : mieux informer les acheteurs et les professionnels pour anticiper et réduire les impacts climatiques sur les biens immobiliers et, enfin, donner la priorité à la décarbonation : adopter des modèles durables, résilients et respectueux de l’environnement.
En France, la construction en zones à risque, notamment en zones inondables ou vulnérables face aux effets du changement climatique, représente un enjeu majeur. Actuellement, environ 180 km² d’habitations résidentielles sans étage sont localisées dans des zones à risque d’inondation par débordement de cours d’eau, ce qui correspond à 1,7 fois la superficie de Paris. Plus de 754 000 établissements professionnels se trouvent également exposés dans ces zones, particulièrement dans les régions Hauts-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Île-de-France.
Par ailleurs, les conséquences du changement climatique, telles que l’augmentation des précipitations intenses et la montée du niveau des mers, accroissent les risques. À l’horizon 2050, une amplification des inondations urbaines et des submersions marines est prévue, touchant particulièrement les grandes villes et les zones littorales.
Ces constructions anarchiques exposent non seulement les biens, mais aussi les populations, à des catastrophes majeures, comme l’ont montré les inondations dans le sud de la France ou les dégâts liés à des glissements de terrain dans des zones mal adaptées. La nécessité de revoir les réglementations et de mettre en œuvre des politiques d’aménagement plus strictes est devenue cruciale pour éviter d’aggraver ces risques et préserver les territoires face aux bouleversements climatiques.
« Nous avons fermé les yeux trop longtemps. Nous avons bâti des vies entières, investi nos économies, et parié sur l’avenir sans même poser les bonnes questions. Comment peut-on acheter le toit sous lequel nous vivrons, élèverons nos enfants, vieillirons, sans même connaître ses fondations ni ses risques ?
Et pourtant, les signes d’alerte sont partout. La canicule de 2003 en France, qui a coûté des milliers de vies, nous avait prévenus. L’effondrement tragique du pont de Gênes en Italie en 2018 a révélé les failles de nos infrastructures face au temps et aux changements climatiques. Et aujourd’hui, les inondations récentes à Valence, en Espagne, nous rappellent brutalement l’urgence de la situation. Ces événements ne sont pas des anomalies. Ce sont les conséquences directes de notre négligence collective, amplifiées par des décennies d’inaction climatique.
Et le secteur immobilier, loin d’être un simple spectateur, est au cœur du problème. Il est responsable de 25 % des émissions de gaz à effet de serre et consomme 40 % de l’énergie mondiale. Chaque maison, chaque immeuble construit ou rénové, est un choix qui pèse lourd sur la planète et sur l’avenir. Pourtant, les acheteurs, souvent mal informés, continuent de signer des actes de propriété sans savoir si leur bien est exposé à des risques climatiques : inondations, sécheresses, éboulements…
Prenons l’exemple des inondations à Valence. Les pluies torrentielles, amplifiées par le réchauffement climatique, ont transformé des quartiers entiers en champs de boue, détruisant des habitations et laissant des familles démunies. Combien de ces propriétaires savaient que leur maison était située dans une zone à risque ? Combien avaient été prévenus que les sols de leur région, fragilisés par des années de sécheresse, ne pourraient plus absorber les excès de pluie ?
Cette ignorance est coupable. Elle est entretenue par un système où les annonces immobilières se contentent souvent d’inclure un lien vers des plateformes comme Géorisques, insuffisantes pour appréhender réellement l’exposition d’un bien. Mais refuser de voir les dangers ne les fait pas disparaître.
Le prix de cette inaction est exorbitant. Un prix humain, comme en France lors de la canicule ou à Valence lors des inondations. Un prix financier, car chaque catastrophe dévalue les biens et détruit des années d’économies. Et un prix écologique, car l’immobilier, au lieu de s’adapter, reste largement ancré dans des modèles énergivores et polluants.
Pourtant, nous pouvons agir. La décarbonation de ce secteur doit devenir une priorité. Il ne s’agit pas seulement de construire des bâtiments plus écologiques, mais de transformer notre manière de penser l’immobilier : en considérant ses impacts sur la planète et en intégrant la transparence comme un impératif. Chaque maison, chaque immeuble, doit être conçu pour durer et s’adapter à un climat en pleine mutation.
Mais le problème ne se limite pas à l’immobilier. L’exploitation massive des ressources naturelles, pétrole, gaz, terres rares, continue de détruire nos écosystèmes. Quelques-uns prélèvent 80 % des ressources sur 3 % du territoire, tandis que nous en payons tous les conséquences. La solution passe par une taxation des prélèvements destructeurs, pour inciter à des choix plus responsables.
L’immobilier n’est pas qu’un toit, c’est un patrimoine, une transmission. Mais transmettre un logement sans tenir compte des risques climatiques, c’est léguer des problèmes au lieu d’un refuge. Les catastrophes comme la canicule en France, l’effondrement du pont de Gênes ou les inondations à Valence ne sont pas des avertissements lointains : elles sont déjà notre réalité. Il est temps d’ouvrir les yeux et d’agir, pour nous, pour nos enfants, et pour la Terre. »
Eric Houdet, fondateur de Homapi
(1) Premier Carnet d’Information du Logement (CIL) en France axé sur la technologie, notamment l’intelligence artificielle. Grâce à sa marketplace et à ses fonctionnalités avancées, Homapi simplifie la mise en relation entre les particuliers et les professionnels du domaine sur la base de profils réciproquement qualifiés.
Photo d’en-tête : Débordement de la rivière La Vésubie à Roquebillière (06), tempête Alex 2020 – Photo © Envoyé spécial-France 2