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Influence du numérique sur notre civilisation

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Les mutations de notre époque vont-elles vers un nouveau monde ? Un monde géré par la géopolitique (prédominance de l’Occident), la mondialisation, la génétique, le numérique (web nouveau continent), et le fait écologique (épuisement des ressources). En période de transition, nous vivons « un pied dans chaque monde ». UP’ a choisi de vous présenter un extrait de l’intervention « quelle civilisation pour le 6ème continent » du 11 février 2013 au CNAM du pays de Loire à Nantes, dans le cycle de conférences « Le goût de l’avenir », sous le parrainage de Jean-Claude Guillebaud, en partenariat avec VivAgora. Verbatim réalisé par Geneviève Bouché, Docteur en prospective.

En bref…

routardLe numérique bouscule nos attentes, nos modes de pensée, nos échelles de valeur et nos modèles économiques, ainsi que nos manières de gouverner. Il instaure l’économie de l’attractivité, car les générations montantes, nées dans la mondialisation numérique, ne craignent pas de quitter leur pays d’origine pour rejoindre le pays qui leur promet un parcours de vie épanouissant.
Développer et attirer à soi des talents et des savoirs devient un facteur de compétitivité majeur pour les nations, car seuls les matières premières et les produits d’exception seront exportables à terme.

Ceci donne une ligne stratégique pour l’Europe, afin qu’elle jouisse de son abondance en la matière. La France est cependant handicapée car ses gouvernants qui peinent à accepter de renoncer aux pratiques qui ont fait merveille au 20ème siècle : celles qui ont permis de développer des entreprises suffisamment fortes pour aller à la conquête des marchés internationaux.

Le numérique omniprésent, requière un tissu d’entreprises d’une nature toute différentes, ce qui tombe plutôt bien, car les générations montantes veulent travailler autrement. Plus exactement, elles veulent diversifier leurs formes de contribution à la vie de la communauté.

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Les nations attractives seront celles qui sauront adopter une économie hybride, c’est-à-dire capable de faire cohabiter la richesse productive et la richesse contributive.
La course à cette évolution est déjà ouverte, non pas seulement en Occident, mais sur l’ensemble de la planète. Les signes d’une révolution horizontale se fait jour, celle portée par la classe moyenne mondialisée qui n’accepte plus la sous-consommation des plus pauvres et la surconsommation des plus riches.
C’est cette classe moyenne mondialisée qui prépare la civilisation nouvelle induite par le numérique.

Ici, le 6ème continent désigne le nuage numérique qui nous entoure chaque jour plus intensément : 

* celui que nous manipulons nous même, de notre plein gré,
* celui qui est manipulé par d’autres, pour notre confort et notre sécurité.
* Et aussi, celui qui est mis en œuvre avec des intentions malveillantes.

De toute évidence, nous n’avons pas totalement la maîtrise de notre présence sur ce continent. Nous commençons tout juste à le découvrir. Comme tous les espaces nouveaux, il semble à la fois prometteur et effrayant.
De nombreux artistes, cinéastes, peintres, illustrateurs, humoristes continuent à nous montrer son côté effrayant. Leurs cris d’alarme nous invitent à la prudence culturelle, sociale et économique.
Cependant, en dépit de ces mises en garde, nous poursuivons inexorablement dans sa conquête, le plaçant désormais comme un critère d’intégration sociale et économique.

Est-ce notre destin ?

evolutionhomme-ordi2Pour ma part, je pense qu’il s’agit d’une étape de notre évolution, car son développement suscite en nous la maîtrise de l’abstraction, ce qui nous procure une sensation de progrès, pouvant parfois tourner à l’addiction.
Dès lors, la question n’est pas de savoir si nous pouvons nous passer du numérique, mais comment le faire évoluer de manière à ce qu’il se comporte le mieux possible sur le plan écologique et socioéconomique.
Des processeurs sobres sont déjà en préparation. Les techniques de recyclage se mettent en place. Les nuisances physiques commencent à être reconnues et prises en compte … etc. Mais ce n’est pas pour autant que notre vigilance puisse être relâchée.

Au commencement, du développement du numérique, il y a des jeunes gens enthousiastes qui veulent tout simplement changer le monde en supprimant les tâches répétitives. Ils veulent aussi faire en sorte que les scientifiques puissent aller plus vite et plus loin dans leurs travaux en confiant aux ordinateurs leurs innombrables traitements de données.
Les parents d’Apple voulaient que les hommes communiquent agréablement entre eux et s’amusent autrement !

D’autres y voient un instrument de puissance et donc une arme

Par exemple, l’informatique a joué un rôle majeur tant dans l’intensification que dans le dénouement de la dernière guerre mondiale. En effet, les sinistres manœuvres d’hommes et de matériel, à très grande échelle, n’auraient pas été possibles sans l’informatique.
C’est à cette époque que les guerres économiques et technologiques se sont structurées et intensifiées. L’interdépendance des nations en matière de numérique est un sujet rarement évoqué en public, mais il faut l’avoir en tête lorsque l’on parle des rouages de la mondialisation.

Free qui bloquait les publicités de Google sur les ordinateurs de ses abonnés, a réalisé, en quelque sorte, un acte de diplomatie numérique. Or, comme nous allons le voir, la maîtrise du numérique s’impose comme un élément central de la compétitivité des nations.

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Son absence dans le rapport Galois a donné lieu à des débats instructifs entre :
• ceux qui veulent faire repartir l’économie en l’état,
• ceux qui veulent passer à une nouvelle forme d’économie en s’appuyant sur les innovations disruptives qui nous font entrer dans le 21ème siècle et qui, toutes, ont une composante numérique.

L’informatique s’est mariée avec les télécoms

C’est à ce moment-là que nous avons franchi un cap dans notre capacité à apprivoiser l’abstraction.

L’Homme moderne vide ses placards : adieu radio, walkman, cartes routières, gps, montres, chronomètres, minuteurs, lampes de poche, caméra, appareil  photos, agenda, bloc-notes, console de jeu, mini TV, dictaphone, calculette … posséder n’est plus une priorité. Il veut disposer non plus de l’objet, mais simplement de la fonction.

Et puis, bonjour toutes les applications qui envahissent notre Smartphone et qui nous permettent de mieux gérer notre temps, notre consommation, nos relations, nos formalités … elles nous donnent l’impression d’être grand, fort et important.

Tout émerveillé par les vertus de la technologie liée à la mobilité, l’Homme se met à trouver normal de confier toutes ses données au « réseau », ce qu’il a refusé depuis 30 ans. Il en arrive même à avoir plus confiance dans l’archivage électronique que dans son propre classement de ses documents originaux ! Par conséquent, la satisfaction de son besoin de « rangement  facile » passe avant son droit à l’anonymat dans ses affaires privées, ce qui tôt ou tard posera un problème en cas de conflit.

Quoi qu’il en soit, c’est un homme nouveau qui jaillit de notre Smartphone, imposant un nouveau modèle socioéconomique : celui qui tourne le dos à la logique du « toujours plus » pour aller vers le « toujours mieux », autrement dit, nous changeons d’échelle des valeurs.

Vers une civilisation portée par une révolution horizontale

anonymous2Pour différentes raisons, dont le développement du numérique, la civilisation occidentale est arrivée au bout de ses limites. Quel nouveau modèle allons-nous adopter ? Est-ce les occidentaux qui vont l’inventer ou d’autres citoyens du monde ?

En réalité, c’est la classe moyenne de toute la planète qui est en train de la fabriquer en refusant la sous-consommation des plus pauvres et en se moquant de la surconsommation des plus riches, qui finalement, peinent à trouver le bonheur.

Dans cette affaire de mutation, ce ne sont plus des états qui se mettent en compétition, mais une classe moyenne mondialisée qui plébiscite un nouveau modèle de société. C’est en quelque sorte une « révolution horizontale », autrement dit, un effet inattendu de la mondialisation conjugué à la civilisation numérique. Un phénomène nouveau initié par les Indignés ou encore les Anonymous.

Déjà, nous pouvons observer que les ONG, les syndicalistes, les pratiquants, les athlètes … se reconnaissent au moins autant à travers leurs centres d’intérêts communs qu’à travers leurs nations respectives.

L’abstraction est la cousine de la complexité

L’informatisation, telle que nous l’avons pratiquée à ses débuts, a consisté à modéliser les tâches répétitives. Or, le vivant ne se modélise pas parce qu’il est en constante évolution.
Ainsi, nos ordinateurs passent leur temps à mal traiter certains cas, ce qui crée des problèmes. La résolution de ces problèmes fait émerger de nouveaux problèmes … et ainsi de suite. La complexité crée des tensions et ces tensions finissent par amener des réactions, dont la finalité est de mettre fin aux tensions.

Cela peut prendre des formes violentes. Ce n’est pas hasard que nous parlons de « révolution numérique » …

Les objets apprenants changent nos mentalités

objetcommunicantNéanmoins, les hommes poursuivent inexorablement l’informatisation de notre société et jour après jour, ils font des progrès : aujourd’hui, nous commençons à disposer d’ordinateurs apprenants.
Ceci a un impact sur nos mentalités : fini l’ingénieur qui ne remet pas en cause le bienfondé de son équation. L’humilité et l’empathie sont, en quelque sorte, reconnues d’utilité publique.
Cette nouveauté écorne la croyance de la « loi du plus fort » qui a régné durant le 20ème siècle. Désormais, l’idée s’impose selon laquelle, pour réussir et durer, il faut être adaptable et non plus seulement le plus fort.

Cependant, ce changement n’exclut pas l’excellence, bien au contraire.

Nos modèles économiques sont chamboulés

Avec les objets apprenants et, de surcroît, communiquants, nous entrons dans une nouvelle phase d’intensification de la numérisation. Les robots calculent nos impôts, trient nos déchets, surveillent nos malades, gèrent nos énergies … ils commencent même à conduire nos voitures. Ce faisant, ils bousculent nos modèles économiques : c’est ce que nous observons avec le développement du low-cost, car il n’y a pas de low-cost sans numérique.

Le numérique permet de résoudre des problèmes devenus insolubles, souvent en inversant la logique traditionnelle : en médecine, la valeur ajoutée est n’est plus dans le curatif, mais dans le préventif. Le décryptage de l’ADN, effectué grâce au numérique, commence à permettre de connaître les fragilités de chacun et donc de s’en prémunir, réduisant ainsi considérablement l’intervention de la médecine traditionnelle.

Le numérique rend possible le partage des biens. Ceci bouscule l’industrie qui doit réaliser des objets plus robustes, mais en moins grande quantité. Le succès d’AUTOLIB à Paris en est une illustration car le numérique permet :

* de réserver un véhicule ainsi que la place de parking sur le lieu d’arrivée,
* de signaler l’état du véhicule au moment de prendre le volant.

Les usagers indélicats sont immédiatement repérés.

Les objets intelligeants se substituent à des machines jusque-là compliquées et réservées à des professionnels. Avec la miniaturisation, le décuplement de leur puissance et la maîtrise du design, les robots se démocratisent. Toutes ces innovations apportent des gains de productivité et de la fiabilité. Ils nous permettent d’avoir une vie quotidienne de qualité supérieure, au moindre coût.

Alors, que faire du temps laissé disponible ?

Très naturellement, nous cherchons à présent à améliorer notre vie extra-matérielle. Or, si les robots nous en laissent le loisir, notre modèle économique actuel s’y oppose car il n’a pas été conçu pour répondre à cette attente nouvelle.

Cependant, puisque la numérisation est irréversible, nous ne pourrons pas rester sourds et muets face cette attente nouvelle de nos concitoyens.

L’informatisation de la société élève le niveau d’éducation

hommeordinateurL’expérience montre que l’automatisation détruit des emplois et en crée de nouveaux, plus intéressants car ils valorisent les capacités de décision et de la créativité. Ces emplois sont mieux rémunérés, donc plus recherchés, ce qui créée une dynamique sociale vers le haut.

En France, le taux de croissance du PIB pour l’année 2013 devrait être de 0,3 % semble-t-il. Les entreprises qui interviennent dans le numérique vont poursuivre leur développement avec un taux de croissance moyen de 15 %. Ce taux est important, car le numérique étant au cœur de notre compétitivité, il exprime notre volonté de poursuivre notre modernisation.

Cependant, ce taux n’est pas neutre pour le marché de l’emploi. Car, si l’informatique crée des emplois de meilleure qualité, elle en crée moins qu’elle n’en détruit puisqu’elle améliore la productivité. Dans le même temps, notre consommation n’est pas stimulée dans les mêmes proportions : nous avons tendance, non pas à la réduire, mais à la rationaliser.

Nous vivons mieux et dans le même temps, nous sommes plus exigeants en matière de vie extra-matérielle : nous voulons pouvoir nous accomplir, puisque notre niveau d’éducation nous le laisse espérer.

Vers l’économie de l’attractivité

C’est pourquoi nous devons poser un autre regard sur notre manière d’apprécier la croissance car le facteur économique n’est plus le seul critère. La qualité du « vivre ensemble » et surtout les facilités à pouvoir s’épanouir devient une cause d’immigration, puisque les générations montantes, élevées dans la mondialisation ne craignent plus d’aller s’installer dans les pays où il fait bon vivre.

Les BRICS, anciennement appelés « pays émergeants », vont profiter d’un taux de croissance sympathique (7% environ) tant qu’ils seront dans une économie de la demande. Il en sera ainsi aussi longtemps que l’ensemble des citoyens ne disposeront pas de l’essentiel. Soit encore un demi-siècle en moyenne.

De notre côté, nous sommes en train de dépasser le modèle de l’économie de l’offre, c’est-à-dire celle qui repose sur le « consommer plus ». Nous nous dirigeons vers l’économie de l’attractivité : celle qui veut « consommer toujours mieux », c’est-à-dire des produits intelligents, efficaces et qui font sens. Produire pour un tel marché nécessite de développer, d’attirer à soi et de retenir des talents. Ceux-ci deviennent désormais un facteur de compétitivité sur le long terme.
La compétitivité passe donc par l’attractivité qui, elle-même, impose de réinventer les règles du partage des richesses. C’est pour cela que nous allons devoir nous mettre d’accord sur ce qu’est la création de richesse au 21ème siècle.

Cohabitation des activités productives et contributives

Notre vie socioéconomique s’organise à présent autour de cinq pôles : la famille, le marchand, le régalien, l’associatif et le pré-marchand (celui dans lequel nous imaginons l’avenir). D’une manière simplifiée, ces cinq pôles se regroupent en deux espaces :

• la vie quotidienne (le marchand et le régalien)
• le terreau, celui dans lequel nous nous ressourçons (la famille, l’associatif et le pré-marchand).

Avec le développement du numérique, les secteurs marchand et régalien ont besoin de moins de ressources humaines, mais plus affûtées, plus créatives et donc plus « accomplies ». Or, le resourcement des individus se fait dans le terreau.

Pour disposer d’une population de bon niveau, il est donc nécessaire de créer un cadre permettant à chacun de donner le meilleur de lui-même en alternant des phases productives et des phases contributives. C’est pourquoi il est nécessaire de reconnaître la création de richesse produite dans les phases contributives, ce que notre modèle actuel est incapable de faire.

Voici le défi le plus urgent que nous avons à résoudre. Le statut de salarié a vécu. Les générations montantes le savent bien. Et d’ailleurs, elles ne sont pas convaincues de sa pertinence car elles souhaitent s’accomplir tout au long d’un parcours qui respecte les temps de la vie (je nais, j’apprends, je fais, j’innove, je transmets, je me rends utile).

Ces générations vont imposer un nouveau modèle de société qui requière une manière plus subtile de considérer la création de richesses :

• d’une part, celle qui assure le quotidien,
• d’autre part, celle qui renouvelle le terreau afin d’assurer la capacité d’adaptation de la communauté, via les secteurs associatif, éducatif, culturel, spirituel et créatif.

Des travaux commencent à être développés pour apporter des réponses à ce changement, notamment aux USA sous l’impulsion du président Obama. Certains donnent lieu à des expérimentations comme par exemple le revenu de base, le financement collaboratif ou encore les monnaies complémentaires, à Nantes en particulier.

Le numérique change notre rapport à la propriété

startupaventurierLa création d’entreprises innovantes illustre cette évolution. Or, les entreprises innovantes contiennent toutes une part de numérique.

Jusqu’à présent, une entreprise était créée par un entrepreneur qui partait d’une idée plus ou moins nouvelle. Si son projet marchait, il devenait riche et personne ne trouvait à redire car il avait apporté du progrès et dynamisé l’économie, notamment en créant des emplois nouveaux.
A présent, nous découvrons que la création d’entreprises innovantes n’est plus l’affaire d’un homme seul, fût-il exceptionnel. Les conditions nécessaires à son succès imposent de mettre à contribution de nombreuses personnes, différents partenaires et même différentes institutions, autrement dit tout ou partie de la communauté.

De ce fait, nous assistons à une évolution de la notion de propriété puisque la création de richesses devient de plus en plus collective, dès sa genèse. Le capital des entreprises est désormais détenu par différentes catégories d’actionnaires : des personnes physiques, des personnes morales, des institutions et même des collectivités, ce qui devient nouveau.

La duplication des biens immatériels favorise le partage

Le numérique, par un tout autre biais, bouscule également la notion de propriété, par les mécanismes de duplication : si je te donne une copie de mon fichier, tu disposes de son contenu en plus de moi et non plus à la place de moi. Si tu en changes une partie du contenu, ou que tu en intègres une partie dans une nouvelle œuvre, tu crées une richesse nouvelle.

Nous n’allons pas refaire ici le débat de l’ADOPI, mais à cette occasion, nous avons pu voir que le modèle économique qui a servi le marché des produits culturels doit être repensé. Notre rapport à nos créatifs ne peut demeurer en l’état, car la culture devient trop importante dans nos parcours de vie. Elle redevient un bien commun.

Le 6ème continent est l’espace où les robots travaillent et apprennent à mieux nous servir. C’est également un lieu où nous échangeons de la culture, nous la suscitons, nous l’enrichissons et nous la propageons. Nous devons apprendre à respecter et faire respecter nos richesses mondialisées.

L’interaction avec nos semblables, un outil à double face

Nous utilisons cette fonction de l’Internet sans compter, comme poussés par la jubilation de faire quelque chose que nos aînés ne pouvaient pas faire.

internet2Dans un premier  temps, l’Internet a été « data centric », c’est-à-dire capable de diffuser au plus grand nombre toutes sortes d’informations. C’est ainsi qu’est apparue la création de richesses par l’externalité, c’est-à-dire celle produite par un système mis à disposition du public : Google est devenu le maître en la matière ; il crée sa richesse avec les renseignements qu’il obtient en observant la succession de requêtes que nous lui soumettons. La compilation de ces renseignements permet une précieuse capacité d’anticipation dont les acteurs économiques et les gouvernements ont besoin.

Puis les internautes ont eu la possibilité d’informer les autres, par exemple à travers des blogs. Aujourd’hui, cette réalité semble une évidence. Mais le développement de la blogosphère a été l’aboutissement d’une longue réflexion à propos de la confiance que les pouvoirs publics pouvaient accorder au peuple en leur donnant accès à une fonction, jusque-là réservée aux journalistes.

Non seulement le peuple n’a pas abusé de cette fonctionnalité, mais peu à peu une idée forte s’est imposée, grâce au succès de Wikipédia : sur un sujet donné, il y a toujours dans la foule quelques experts qui veillent à ce que les choses soient dites avec précision.
Par extension, l’idée s’impose que la foule contient une capacité de réflexion qu’il est possible d’activer pour faire émerger des idées nouvelles. Les communautés sont à présent perçues comme une source de richesses.

Avec les réseaux sociaux, l’Internet est devenu « user centric ». Ceux qui en ont la maîtrise ont désormais connaissance, non plus seulement des centres d’intérêts de chacun, mais également du maillage des relations entre les internautes.

Nous voici donc en présence d’un outil à double face : d’une part il délivre des informations puissamment stratégique pour les services de renseignement et d’autre part,  il permet les mises en relation de personnes prêtes à se mobiliser sur des projets communs.

L’intronisation de la transparence

blogosphereLa blogosphère, conjuguée à la puissance des réseaux sociaux, autrement dit le Web 2.0, impose une forme de gouvernance, totalement à l’opposé de celle que nous pratiquons depuis plus de 3 000 ans. Cette nouvelle gouvernance est basée non plus sur l’opacité, mais sur la transparence.

Le monde est devenu trop complexe pour qu’il soit géré par quelques happy few à l’abri des aléas. De fait, les décisions collégiales s’avèrent plus stables que celles prises dans l’émotion, dans un cadre dogmatique ou plus simplement au profit de quelques-uns.
Celui qui ne respecte pas les nouvelles règles de transparence se disqualifie parce qu’il se prive de la puissance de la réflexion collective mais aussi du consensus qui facilite les mises en œuvre.

Ce changement impacte le management des entreprises. Celui-ci s’oriente progressivement vers une gouvernance incluant les parties-prenantes. Cela impacte tout autant la manière de faire de la politique, avec l’introduction des principes de la démocratie participative. C’est d’ailleurs à travers leurs capacités respectives à s’adapter à ces exigences nouvelles que va s’opérer le renouvellement de nos leaders.

Cette évolution a une contrepartie : elle met fin à la déresponsabilisation des individus, typique des organisations centralisatrices. Tout au contraire, elle exige l’implication des travailleurs et des citoyens. Dès lors, il devient nécessaire de redévelopper l’éducation civique de manière à permette à chacun de comprendre la nature et l’importance de sa contribution à la communauté, durant les différentes étapes de sa vie.

Ainsi, le pouvoir, tel que nous le connaissons depuis 3 000 ans, change de forme. On le décrit comme une pyramide inversée.

Ceci est déjà perceptible dans les armées modernes : pour un homme sur le terrain, près de 40 travaillent à distance, sur les stratégies, la logistique, la diplomatie ou encore la technologie : cette organisation redistribue la pratique du pouvoir et de l’héroïsme.

La seconde renaissance

gutembergNous la devons au développement du Web 1.0 puis 2.0. La 1ère renaissance prend ses origines en Europe dans le sillage des travaux de Johannes Gutenberg (15ème siècle), qui donne naissance à l’industrie du livre et permet la diffusion du savoir.

Certes, les livres ne sont pas arrivés du jour au lendemain dans toutes les maisons, mais celui qui voulait vraiment s’instruire pouvait, finalement, avoir accès à certains savoirs. Le savoir a donc commencé à se démystifier et les hommes de bonne volonté ont commencé à envisager de penser par eux-mêmes. C’était il y a 5 siècles !

Nous vivons en quelque sorte cette époque semblable, à une échelle accélérée (encore 1,5 siècle environ … soyons donc patients). Cette fois-ci, non seulement l’accès à l’information et au savoir est élargi, mais la mise en interaction des personnes est décuplée. Or, dans un mode devenu complexe, « seul, on ne peut rien faire ». Chacun est porteur de ressources personnelles qui se révèle dans son identité numérique.

Rappelons-nous, à la fin des années 90, il était possible d’entendre des jeunes dire : « plus tard je ferai « célébrité » ! », consacrant ainsi le principe de réification si cher aux communicants de cette époque. Aujourd’hui, cette façon de faire devient impossible car pour avoir un début de crédibilité, il faut marquer sa présence sur le net, et pour faire cela, il faut s’engager ou agir en faveur de la communauté. Un beau sourire pour mettre en valeur des produits de consommation ou même une cause, n’est plus suffisant.

La seconde renaissance, la nôtre, offre à chacun la possibilité de co-construire le monde dans lequel nous voulons vivre, car elle permet, à qui en a envie, de s’exposer aux frictions créatives qui font émerger des idées nouvelles. Elle permet aussi d’aller à la rencontre de ceux qui veulent partager des projets et elle favorise le passage à l’action.

Une mutation portée par la résilience

resilienceLa mutation s’opère progressivement à l’insu de ceux qui captent le pouvoir apparent, car le nouveau paradigme qui émerge est porté par des hommes et des femmes en état de résilience. Ils développent des formes de création de valeur qui sont étrangères à l’économie spéculative.

Ces nouveaux entrepreneurs, nous en avons besoin pour reconstruire notre tissu d’entreprises, selon une configuration nouvelle, adaptée aux réalités d’une mondialisation plus mature, c’est-à-dire basée sur des intérêts réciproques bien compris où seuls les matières premières et les produits d’exception circulent.

Dès lors, l’innovation devient une source de richesse à part entière au même titre que la matière première exportable. Favoriser l’épanouissement de startups innovantes devient une activité stratégique. Or, toute innovation contient désormais du numérique. C’est pour cela que la maîtrise du numérique et de sa culture constitue le cœur de notre RENAISSANCE.

Accepter qu’un autre modèle soit souhaitable

Nos institutions doivent se mobiliser dans ce sens-là. Or, ceci n’a rien d’évident puisque cela va à l’encontre de ce que nous avons fait, avec succès, au 20ème siècle, période durant laquelle nous avons favorisé l’émergence de puissantes entreprises, capables d’aller à la conquête des marchés internationaux.

Cette stratégie ne correspond plus à l’époque que nous abordons. Mieux vaut des entreprises qui « chassent en meute », c’est-à-dire un tissu d’entreprises souples et réactives et en interaction les unes avec les autres.

Signalons qu’un tel tissu d’entreprises est quasiment indestructible puisque auto-régénérant, à condition d’avoir sans cesse des startups innovantes en préparation. Ceci est essentiel pour affronter les guerres économiques.

Certes, il est difficile de changer un modèle réputé gagnants. D’autant que nos héros et ceux qui bénéficient du système actuel s’y opposent. Cependant, sans ce changement, nous optons pour notre effondrement.

Justement, deux générations doivent s’impliquer pour conduire la transition :

• les jeunes, natifs du numériques, qui poussent à la mise en place du monde dans lequel ils veulent vivre,
• les seniors, seuls capables d’assurer le lien entre le monde d’hier et celui de demain.

Le futur se construit sur le passé. Sans la continuité des us et coutumes, rien n’est possible.

Réfléchir ensemble à quelques options de société :

renaissanceNous avons donc un travail collectif devant nous, l’ensemble des citoyens. Ce travail doit se concentrer sur quelques points clé :

1. Comment accompagner l’instauration de la nouvelle civilisation qui surgit devant nous, étant entendu que l’impulsion ne peut venir que des citoyens eux-mêmes,
2. Comment reconnaître la richesse contributive, à partir de moment où les espaces marchand et régaliens, devenus surperformants, ont besoin de citoyens accomplis, évoluant dans un cadre de vie qui favorise les initiatives,
3. Comment sauvegarder de nos intérêts individuels et collectifs sur le 6ème continent, totalement mondialisé.

L’expertise collective que nous représentons tous a certainement des choses à dire … ne nous en privons pas.

Geneviève Bouché – CNAM Pays de Loire | Quelle civilisation pour le 6ème continent – 11/2/13 

 

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