Déjà inscrit ou abonné ?
Je me connecte

rejoignez gratuitement le cercle des lecteurs de UP’

Il vous reste 2 articles gratuits

abonnez-vous pour profiter de UP’ sans limite

Dette explosive, instabilité politique : quel avenir pour l’épargne des Français ?

Avec une dette publique qui culmine à 3 345,8 milliards d’euros – soit 114 % du PIB – la France se retrouve face à un fardeau inédit, alors même que son climat politique demeure instable. Si une ponction brutale de l’épargne paraît improbable, Anne-Laure Frischlander-Jacobson analyse que « la dette française agit déjà comme un poison lent sur les portefeuilles des ménages ». Les épargnants, exposés via leurs assurances-vie ou livrets réglementés, voient la valeur de leurs placements s’éroder au rythme de la hausse des taux. Dans ce contexte de défiance et d’épargne record, vigilance et diversification apparaissent comme les seules armes pour protéger son patrimoine.

Une dette hors de contrôle dans un climat politique fragile

La France se trouve aujourd’hui dans une situation inédite : sa dette publique atteint désormais 3 345,8 milliards d’euros au premier trimestre 2025, soit 114 % du PIB. En seulement trois mois, elle s’est alourdie de 40,2 milliards d’euros. La charge financière est vertigineuse : près de 5 000 euros par seconde, selon François Bayrou.
Cette dynamique se déroule alors que le gouvernement affronte un vote de confiance sous tension, dans un climat de fractures politiques et d’alliances fragiles. Le déficit attendu pour 2025 – entre 5,4 % et 5,8 % du PIB – est le plus élevé de toute l’Union européenne. Dans ce contexte, les marchés exigent une rémunération supplémentaire pour prêter à la France. Les taux d’intérêt des obligations françaises s’élèvent à 3,5 %, quand ceux de l’Allemagne restent autour de 2,7 %. L’écart, le fameux spread, ne
cesse de se creuser.

L’épargne en hausse, reflet d’une défiance

Face à cette incertitude, les ménages choisissent de mettre de côté. Le taux d’épargne atteint 18,9 % du revenu disponible brut au deuxième trimestre 2025, un niveau inédit depuis les années 1980, en dehors de la période Covid. L’inflation, qui s’est repliée à 1,5 %, accentue cette tendance. Ce ralentissement des prix est plutôt une bonne nouvelle pour les consommateurs, mais il prive l’État d’un mécanisme naturel d’érosion de la dette, aggravant ainsi la perception d’un poids insoutenable. Plus l’angoisse autour de la situation budgétaire grandit, plus les Français thésaurisent.

Le spectre des ponctions : un scénario peu probable

Dans l’histoire européenne, certains États n’ont pas hésité à puiser directement dans l’épargne pour faire face à une dette insoutenable. L’Italie, en 1992, avait imposé un prélèvement exceptionnel de 0,6 % sur tous les dépôts bancaires. À Chypre, en 2013, les dépôts supérieurs à 100 000 euros avaient été amputés de près de la moitié et convertis en actions bancaires. En Grèce, des contrôles des capitaux limitaient les retraits à 60 euros par jour.
La question est donc légitime : un tel scénario pourrait-il se produire en France ? La réponse est très peu probable. Le droit français interdit toute réquisition directe de l’épargne privée, sauf en cas de contentieux individuel tel que la fraude fiscale. Même la loi Sapin II, souvent évoquée, ne permet pas à l’État de ponctionner les dépôts. Elle offre simplement la possibilité de suspendre temporairement les retraits sur les assurances-vie en cas de risque systémique, afin d’éviter un mouvement de panique.

Le vrai danger : une exposition indirecte à la dette

Si le risque d’une ponction brutale semble écarté, la menace est ailleurs et plus insidieuse. Les épargnants français sont déjà exposés à la dette publique, parfois sans en avoir pleinement conscience.
Les compagnies d’assurance investissent près de 45 % de leurs actifs en obligations d’État, ce qui signifie que l’argent placé en assurance-vie finance directement le déficit. De la même manière, la Caisse des Dépôts mobilise les livrets réglementés pour financer le logement social et les infrastructures publiques.
Lorsque les taux d’intérêt montent, la valeur des obligations déjà émises baisse. Les épargnants en subissent donc les conséquences, car leurs contrats ou leurs fonds de pension voient leur valeur réelle diminuer. Le problème n’est pas une ponction directe, mais une érosion indirecte de la richesse via les marchés financiers.

Une fuite vers des solutions alternatives

Face à ces risques, certains épargnants les plus aisés cherchent des solutions pour se protéger. L’assurance-vie luxembourgeoise séduit par son « triangle de sécurité » et parce qu’elle n’est pas soumise aux restrictions de la loi Sapin II. Elle garantit également une flexibilité accrue dans la gestion des actifs, au prix toutefois d’une complexité administrative et fiscale supplémentaire.

Pourquoi ne pas profiter d’une lecture illimitée de UP’ ? Abonnez-vous à partir de 1.90 € par semaine.

Vigilance et diversification

La dette française n’est pas, à court terme, une menace directe pour l’épargne des ménages. Mais elle fragilise progressivement la valeur de leurs portefeuilles, car elle accroît le coût de financement du pays et pèse sur les marchés obligataires. Le véritable enjeu réside dans la capacité du gouvernement à restaurer la confiance et à réduire le déficit.

« La dette française n’est pas un danger immédiat pour l’épargne via une ponction brutale, mais elle agit déjà comme un poison lent sur les portefeuilles des ménages. L’épargnant doit comprendre que son argent finance aujourd’hui une grande partie de la dette publique et que sa protection passe par une diversification et une vigilance accrue. »

Anne-Laure Frischlander-Jacobson, Fondatrice d’Evvest, enseignante à Paris Dauphine et ex-dirigeante d’un grand gestionnaire d’actifs

S’abonner
Notifier de

0 Commentaires
Les plus anciens
Les plus récents Le plus de votes
Inline Feedbacks
View all comments
Article précédent

L'incertitude : un poids plus lourd que les taxes pour le commerce mondial

Prochain article

IA-MAGA, la guerre à l’Europe est déclarée

Derniers articles de ECONOMIE

REJOIGNEZ

LE CERCLE DE CEUX QUI VEULENT COMPRENDRE NOTRE EPOQUE DE TRANSITION, REGARDER LE MONDE AVEC LES YEUX OUVERTS. ET AGIR.
logo-UP-menu150

Déjà inscrit ? Je me connecte

Inscrivez-vous et lisez trois articles gratuitement. Recevez aussi notre newsletter pour être informé des dernières infos publiées.

→ Inscrivez-vous gratuitement pour poursuivre votre lecture.

REJOIGNEZ

LE CERCLE DE CEUX QUI VEULENT COMPRENDRE NOTRE EPOQUE DE TRANSITION, REGARDER LE MONDE AVEC LES YEUX OUVERTS ET AGIR

Vous avez bénéficié de 3 articles gratuits pour découvrir UP’.

Profitez d'un accès illimité à nos contenus !

A partir de 1.70 € par semaine seulement.

Profitez d'un accès illimité à nos contenus !

A partir de $1.99 par semaine seulement.