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Un Ministère des Risques : La solution face aux risques sanitaires ?

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« La France est un des pays le plus inégalitaire du monde socialement dans le domaine de la santé. Il n’y a pas de politique sanitaire sécuritaire en France. »

Ce sont William Dab et Danielle Salomon qui le révèlent dans un livre intitulé « Agir face aux risques sanitaires » (PUF ) sorti début mars. Ce n’est pas un livre pamphlétaire contre l’irresponsabilité des uns ou des autres. Ecrit par deux auteurs spécialistes des risques sanitaires, par leurs expériences respectives, voici un dialogue croisant les sciences sociales et les sciences de la vie pour ouvrir des pistes d’amélioration des processus de décision et de négociation.
Cet ouvrage se fonde sur l’analyse de quinze ans, soulignant l’inadaptation de l’Etat ainsi que les limites de l’expertise scientifique des risques sanitaires. Soulignant l’émergence d’expériences innovantes, il propose un pacte de confiance sanitaire fondé sur une approche pluraliste de l’évaluation des risques, un soutien aux initiatives citoyennes, des décisions motivées et une responsabilité tournée vers une logique de résultats. Synthèse à partir d’extraits choisis de l’ouvrage, présenté lors d’une conférence-débat organisée par l’association VivAgora le 14 mars.

Sculpture marbre de David D’Angers

William Dab est médecin épidémiologiste, ancien directeur général de la Santé, professeur titulaire de la chaire Hygiène et sécurité et directeur de l’Ecole des sciences industrielles et des technologies de l’information du CNAM.

Danielle Salomon est sociologue des organisations et de l’action publique, spécialisée sur les risques notamment sanitaires. Elle est chercheuse associée au Centre de sociologie des organisations (CNRS – sciences Po) et directrice de Risques et Intelligence.

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Danielle Salomon déclare qu’Ils ont écrit ce livre car « Faire mieux, c’est imaginable ; innover en  faisant radicalement différemment.  Que peut-on imaginer pour inverser la tendance et restaurer la confiance ? Refabriquer de la légitimité ! »

Etat des lieux

Nous sommes dans un monde créateur de risques : Nouvelles technologies mises sur le marché, urbanisation intensive (paysage des risques nouveau), effacement des frontières temporelles, spatiales, sociales,…

Les risques sanitaires sont un terrain de crises. Moins les réponses apportées aux inquiétudes sont pertinentes et plus la méfiance grandit. Un cercle vicieux structure l’actualité de ce secteur : mobilisations contre les antennes-relais, usines d’incinération des déchets, sols pollués par les des activités industrielles ou agricoles mal contrôlées, gaz de schiste, maladies nosocomiales, intoxications alimentaires, …

Quand les coupables et les responsables sont bien identifiés, on peut attendre d’un Etat de droit qu’il règle les conflits en équité. La difficulté et la particularité des risques sanitaires sont que les situations dans lesquelles le partage des rôles est clair ne sont pas les plus fréquentes.

Si l’organisation napoléonienne de l’Etat a permis à la France de traduire en richesses les progrès des sciences et des techniques, elle s’avère aujourd’hui inadaptée quand la question n’est plus d’opérationnaliser les certitudes, mais de gouverner l’incertitude.

Nous sommes dans un monde où les politiques publiques sont en danger

Inadaptation actuelle des pratiques scientifiques, politiques et administratives face à des situations comportant une part d’incertitude. Ces inadéquations croissantes accentuent les difficultés et alimentent la défiance des citoyens vis-à-vis des institutions chargées de gérer les risques et les territoires : manque de pertinence, de transversalité, pas d’interlocuteur identifié porteur d’une responsabilité opérante face à la protection des risques,… Une organisation totalement inadaptée des politiques publiques car elles sont complètement fragmentées.

Trop souvent, une problématique de risques est définie au travers des solutions classiques utilisées unilatéralement par l’Etat : interdire, surveiller, évacuer, normer, taxer,…Il ne s’agit pas de déficit qualitatif, mais quantitatif. Il faut tout remettre à plat !

Nous sommes dans un monde mal informé / désinformé

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Globalement, l’information est statique car il n’y a pas d’effort fait pour répondre aux questions telles que se les posent les habitants. Les médias s’insèrent dans et engendrent un système. Quatre niveaux interagissent : celui du contenu (connaissances, idées, intentions, représentations,…), celui du processus de production (ce qui implique de réfléchir aux origines, mais aussi aux modalités de production des connaissances), du processus de diffusion (incluant les NTI) et celui des effets produits par le système d’information lui-même.

Pour réfléchir à l’information en matière de risques, il faut donc s’intéresser à la dynamique produite par ces quatre dimensions. Attention donc à la surinformation indistincte (TV, journaux, radios ont leurs sites et leurs blogs), les destinataires deviennent eux-mêmes producteurs d’informations (sans contrôle des sources). Nous observons là les « mécanismes de parasitage, de déformation, de manipulation, de rétention ou du blocage du flux informatif » (Mercier, 2001 p. 175).

Les agences ou les ministères mettent en ligne des avis, des rapports, la réglementation ou des bases de données, mais sait-on qui les consulte et pourquoi ?

Pour une nouvelle gouvernance des risques

« La notion de confiance est le fil conducteur des transformations à apporter dans les approches des risques » déclarent William Dab et Danièlle Salomon.

Les dynamiques de mobilisation trouvent leur origine dans les décalages entre la manière dont les risques sont définis et vécus et les réponses données par l’Etat. Depuis plus de vingt ans, la France est identifiée dans le domaine des risques et de leur gestion comme un modèle centralisé laissant peu de place à la participation du public. Un modèle à bout de souffle !

Plus l’incertitude scientifique est grande, plus l’exposition aux polluants est invisible, plus la notion de risque fait l’objet de controverses, et moins les réponses techniques, réglementaires et normatives permettent d’apaiser les tensions et de prendre en compte les attentes des populations qui ne demandent que du respect et de l’écoute.

Comment et par qui sont évalués et se décident les niveaux des risques consentis, comment s’effectuent les arbitrages entre ces risques et les bénéfices apportés par les activités économiques, comment ces risques sont anticipés, évités, contrôlés et suivis ?

Gagner la confiance n’est pas qu’une question de communication. Il faut avant tout réfléchir aux conditions de la légitimité d’une action publique. La restauration de la confiance suppose une responsabilité assumée, tournée vers l’amélioration et les résultats avec un double objectif : assurer la transparence et l’effectivité de la responsabilité ; motiver et rendre accessibles les décisions.

Fonder un grand ministère de la sécurité sanitaire

Le projet des auteurs de ce livre serait d’organiser la transversalité et la coordination nécessaire pour appréhender les risques dans leur complexité, en créant une autorité indépendante ayant compétence pour expertiser tous les risques sanitaires : un grand ministère de la sécurité sanitaire.

Une autorité regroupant en toute équité tous les moyens nécessaires à ce domaine. Un travail collectif de l’ensemble des parties prenantes, dont organisation et confiance sont les deux clefs de voûte à toute réflexion. Il faut trouver la voie d’une précaution démocratique conciliant l’innovation et la protection. Peu de personnes revendiquent un risque nul, mais beaucoup demandent que les risques soient réfléchis, débattus et pris en charge.

L’expertise scientifique des risques doit être globale et pluraliste. Il ne s’agit pas de créer une super-agence, mais de changer le régime de l’expertise pour mettre en débat la notion de preuve et pour intégrer les connaissances et les préoccupations des citoyens dans la formulation même des questions qui doivent être instruites.

Offrir un environnement qui ne nuise pas à la santé demande des connaissances scientifiques, une volonté politique, une régulation des activités économiques et des territoires, ainsi qu’une intégration de la société civile.

livre-agirfacerisquessanitaires1Ce ne serait pas un regroupement d’agences déjà existantes, ni seulement d’experts reconnus, mais une entité constatant les disfonctionnements et ayant le pouvoir de les stopper immédiatement.

Les entreprises, les élus nationaux, régionaux et locaux, les formations politiques, les organisations syndicales et patronales, la justice, les ONG, les associations, les Think tanks, les médias, les citoyens… tous doivent chercher les outils, les solutions nécessaires intelligentes et durables pour bousculer les archaïsmes et permettre un mieux vivre ensemble, pour tous.

« Agir face aux risques sanitaires » de William Dab et Danielle Salomon / Editions PUF – Mars 2013

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