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Incendie Amazonie

Quand la forêt brûle

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Panique dans les Landes en flammes où les hectares brûlés se comptent aujourd’hui par milliers, tout comme les personnes déplacées. C’est ici et maintenant en France, mais aussi  en Espagne, Portugal, Grèce, Turquie, Algérie.  Les forêts mondiales connaissent, en ces temps d' »apocalypse de chaleur » comme le dit Météo France, une période noire. Après l’Amazonie, l’Afrique équatoriale, la Sibérie, la Californie… on parle chez nous, dans nos régions de vacances, de grands feux, de mégafeux. Les incendies de forêts qui jalonnaient périodiquement les étés méditerranéens semblent petits, dérisoires à côté de ces incendies massifs, qui arrivent à répétition et sont en mesure non seulement de détruire, de tuer, de ravager sur des dizaines de milliers d’hectares, mais aussi de compromettre les grands équilibres de notre vie sur Terre.

« Poumon vert », « puits de carbone », « gisement de biodiversité »… Les expressions ne manquent pas pour qualifier ces grandes forêts ravagées, sous nos yeux par les flammes. Le même état de sidération que celui que des millions de personnes ressentaient en découvrant l’incendie de la « forêt » de Notre-Dame de Paris. La forêt brûle et pas seulement sous la lumière des projecteurs médiatiques en Amazonie. Elle brûle partout : en Afrique, en Russie, en Europe, en Californie. Des incendies propulsés par la sécheresse et les températures exceptionnelles enregistrées comme une litanie de records cette année.

Des feux qui disent quelque chose de notre humanité

Ces mégafeux ne sont pas des catastrophes naturelles comme les autres. Ils nous disent quelque chose de notre humanité. Ils provoquent un choc brutal entre un phénomène sauvage et la civilisation. C’est ce que pense la philosophe Joëlle Zask dans son livre « Quand la forêt brûle. Penser la nouvelle catastrophe écologique » (Ed. Premier Parallèle). Elle y aborde le grand feu de forêt comme un révélateur, un indicateur, un avertisseur.

Incendie Amazonie
Photo aérienne publiée par Greenpeace montrant la fumée s’échappant d’incendies de forêt dans le biome amazonien de la municipalité d’Altamira, dans l’État du Para, au Brésil, le 23 août 2019. AFP PHOTO / GREENPEACE / VICTOR MORIYAMA

Face à la vision du feu et de la forêt calcinée de nombreuses croyances volent en éclat. Penser que grâce à nos si belles technologies, à notre art de piloter des avions de combat des flammes, à notre intelligence stratégique pour déjouer les caprices des vents nous pourrions contrôler un tel phénomène s’avère, devant le spectacle des mégafeux, un triste leurre. De même, penser que le feu de forêt est normal, bénéfique pour la biodiversité et finalement qu’il est une pratique agricole ancestrale et bien commode est une ineptie de naturaliste romantique. De tels incendies ne se jugulent pas. Ils sont plus forts que nos technologies. Ils ne sont pas un outil de plus offert aux cultivateurs pour « dompter » la nature.

Les grands feux agissent comme un révélateur et volatilisent nos croyances les plus établies. Ils nous installent aussi dans un sentiment de fin du monde. En ce sens, le mégafeu est pour Joëlle Zask, un indicateur : « il signale que nous nous trouvons dans une impasse. Il agit comme une sonnette d’alarme et rend absurde la structure dichotomique qui sous-tend notre relation à la nature, au sujet de laquelle nous nourrissons finalement deux grands idéaux : celui d’une nature si dominée qu’elle doive docilement obéir à nos besoins et à nos prévisions, ou celui d’une nature vierge destinée à être respectée et contemplée à distance ». La philosophe renvoie ainsi dos à dos les interventionnistes à tout crin, à la mode Bolsonaro, et les écolos évangélistes d’une nature sacrée. Les uns comme les autres ont tout faux quand il s’agit de trouver les moyens de maîtriser, contrer ou éviter les mégafeux.

Événement total

Ces derniers sont un « événement total ». Ils sont à la fois naturels et sociaux. 85 à 98 % d’entre eux, selon les sources, sont d’origine humaine, provoqués par des individus négligents, imprudents ou criminels. Parmi ces derniers, il n’y a pas que des pyromanes dérangés ; il y a aussi ceux qui y trouvent un intérêt et agissent par cupidité. En cela, les grands feux jouent le rôle d’un puissant avertisseur. Les destructions durables de vastes portions de forêts, réduisant en cendres des trésors de biodiversité, engagent la responsabilité humaine. Leur degré de gravité atteint celui des tsunamis, des éruptions volcaniques ou des tremblements de terre. Mais alors qu’il ne viendra à personne l’idée de maîtriser ces catastrophes et encore moins de les déclencher, le projet de dominer le feu perdure et porte en lui les conditions mêmes de sa propagation future.

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Dans les mégafeux, Joëlle Zask voit un « accélérateur d’opinion » et l’occasion de nous interroger non pas sur la sauvegarde de la Terre, qui nous survivra, mais des conditions d’existence humaine. Elle nous demande de penser à la façon de laisser perdurer nos pratiques habituelles de la nature et comment elles peuvent être responsables d’un phénomène qui se retourne contre nous. Les feux seraient alors l’occasion de définir enfin une nouvelle grammaire de nos interactions avec notre milieu naturel. Il est temps d’en prendre conscience et relire ce petit livre brillant qui agit comme un électrochoc salutaire.

LIRE : Joëlle Zask, Quand la forêt brûle. Penser la nouvelle catastrophe écologique » (Ed. Premier Parallèle), 196 pages. Prix Pétrarque France Culture de l’essai 2020. Parution de la nouvelle édition avec une postface inédite de l’auteur le 25 août 2022.

Première publication de cet article dans UP’ Magazine : 12/08/21

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