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Comprendre le moteur de la créativité dans une économie créative

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Comprendre le moteur de la créativité dans une économie créative : une interview de John Howkins, par Donna Ghelfi, administratrice chargée de programme, Division des petites et moyennes entreprises (PME), OMPI

« Gérer la créativité suppose de savoir avant tout quand tirer profit du caractère non compétitif des idées puis quand faire valoir des droits de propriété intellectuelle et faire de ses idées des produits compétitifs. Ces deux décisions sont au coeur même du processus de gestion. » The Creative Economy, John Howkins.

La « créativité » imprègne notre vie quotidienne depuis le moment où nous nous réveillons le matin jusqu’au moment où nous nous retirons le soir. Dans la société « moderne » du XXe siècle, cette créativité et cette invention nous suivent tout au long de la journée lorsque nous allons au travail, dans les magasins, chez l’épicier et le soir lorsque nous regardons le dernier film à succès dans notre cinéma favori.

Pour comprendre la créativité et l’importance de la propriété intellectuelle dans nos efforts pour tirer bénéfice de la « propriété privée », nous plongeons dans l’ouvrage sur « The Creative Economy : How People Make Money From Ideas » de l’auteur John Howkins. Publié en 2001, ce livre est devenu un ouvrage de référence pour ceux qui cherchent à fusionner créativité et sens des affaires.

M. Howkins, qui a participé il y a quelques années à Genève à la deuxième Réunion intergouvernementale intersessions  de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) consacrée au plan d’action de l’OMPI pour le développement, a pris le temps de me rencontrer pour m’en dire plus sur l’importance croissante des économies créatives.

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Donna Ghelfi (DG) – M. Howkins, pourriez-vous s’il vous plaît nous dire quels sont les principaux éléments de votre formation et de votre carrière?

John Howkins (JH) – Ma carrière a été composite. J’ai débuté comme journaliste et commencé à écrire sur la télévision et les communications, les médias et la diffusion par satellite et par câble et sur les nouvelles technologies. Puis, je suis devenu consultant, directeur exécutif de l’Institut international des communications3, dont les membres se répartissent entre une centaine de pays. C’est le seul groupe de réflexion mondial sur la technologie et les politiques en matière de télécommunication. J’ai travaillé pour les pouvoirs publics puis suis passé du côté des entreprises où j’ai essentiellement collaboré avec Time Warner pour mettre sur pied de nouvelles entreprises qui renforcent les biens et les actifs dans les secteurs du cinéma et de la télévision. Je mène actuellement deux vies; la première en entreprise. Je suis directeur d’un certain nombre de sociétés dans le secteur du cinéma et de la télévision. Ma seconde m’amène parallèlement à aider des pays, des villes et des sociétés à rechercher et à gérer la créativité. Je m’occupe en particulier de la manière de leur permettre de faire de l’argent avec leur créativité et c’est là qu’intervient la propriété intellectuelle.

DG – Qu’est-ce qui vous a inspiré ou plutôt quel a été le tournant qui vous a amené à vous consacrer à la créativité?

JH – À la fin des années 90, on s’occupait beaucoup de technologie, d’informatique et de technologie de l’information : le boum dot.com, le Web, l’Internet, et j’ai eu l’impression qu’on passait en grande partie à côté d’un truc qui, dans mon activité professionnelle, fait tout marcher à savoir le fait que les personnes ont des idées. J’ai eu le sentiment que d’une certaine manière ces personnes étaient ignorées au profit de la technologie et j’ai voulu revenir aux gens qui ont des idées : comment les encouragez-vous à avoir des idées? Comment collaborent-ils pour avoir des idées? Comment s’en vont-ils parfois et se débrouillent-ils seuls, puis comment protègent-ils ces idées et les développent-ils en en faisant une activité professionnelle? 

De la même manière que des générations successives de gestionnaires ont dû apprendre l’informatique et l’Internet, de même maintenant doit-on apprendre la propriété intellectuelle.

DG – Avez-vous trouvé cela vous-mêmes ou avez-vous vu des gens vivre ces défis?

JH – Il y a eu pas mal de gens qui sont venus me dire : « Nous voulons monter une entreprise », « Nous voulons développer ce logiciel », « Nous avons une idée de film », « Nous avons l’idée d’une publication » ou bien « Nous avons une idée de projet de cybercommerce ». Très souvent, ils ne savaient pas comment s’y prendre. Les cabinets d’avocats n’avaient pas vraiment envie de les aider et les gouvernements ne comprenaient pas vraiment. Alors j’ai pensé qu’il y avait là quelque chose qui méritait notre attention, à commencer par celle des banques et de toutes sortes d’établissements financiers et publics et plus particulièrement les États.

[Les gens] achètent et vendent des mots, de la musique, des images, des gadgets, des logiciels, des gènes, du droit d’auteur, des marques, des brevets, des propositions, des formats, de la célébrité, des visages, une réputation, des couleurs. Ce qui est à vendre sur ce marché fébrile c’est le droit d’utiliser – ou bien, comme disent les juristes, d’exploiter – la propriété intellectuelle.

DG – Cela a donc commencé par l’idée des « idées »? Vous avez ensuite écrit le livre intitulé « The Creative Economy ». Vous passez de la « personne » créative à l’économie créative, quel saut !

JH – Oui, c’est ça, mais en fait si vous regardez les grandes sociétés à succès, elles reposent toutes, en général, sur les idées d’une ou deux personnes qui ont pensé à faire quelques chose de différent ou de mieux que quelqu’un d’autre et c’est à cela que ça revient. Au début, j’ai commencé à m’intéresser aux arts, au domaine culturel, à ce que l’on considère normalement comme les industries créatives; mais en fait, je crois que ça va plus loin. Je pense que la créativité est fondamentale non seulement dans les industries dites créatives mais presque partout – l’urbanisme, le transport urbain, la gestion hôtelière et toutes sortes de choses. Cela revient à reconnaître l’extraordinaire talent qu’ont les individus et à leur permettre de l’épanouir dans le cadre d’une entreprise.

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La créativité n’est pas nouvelle et l’économie non plus, mais ce qui est nouveau c’est la nature et l’étendue du rapport qui existe entre elles et la manière dont elles se combinent pour créer une valeur et une richesse extraordinaires.

DG – Alors, pourquoi ne vous en êtes-vous pas tenu à une expression telle que la société du savoir ou la société de l’information?

JH – Le terme « information » me semble un peu mort et passif. Je suis remonté dans l’histoire du terme « information ». Il a changé fondamentalement depuis 40 ou 50 ans. Il a été repris en grande partie par l’informatique et ne prend pas en compte l’intervention de l’être humain, de l’esprit humain; il ne prend pas en compte l’émotion humaine, toute la passion derrière l’action. Les gens recourent à l’information pour avoir une idée, « information » ne semblait donc pas suffisante.

« Savoir » semblait un peu livresque, un peu académique; quelque chose d’extérieur. Alors que ce que je voulais retrouver était là-dedans (en montrant sa tête), dans le cerveau, dans mon esprit et c’était la manière d’amener mon cerveau à avoir une idée nouvelle ou meilleure. Donc, d’une manière ou d’une autre, les termes « information » et « savoir » ne semblaient pas me mener vraiment là où je voulais aller. Le termecréativité, qui vient du mot « créer » qui servait à décrire Dieu comme étant le créateur, semblait indiquer quelque chose d’incroyablement primitif. J’ai opté pour une approche plutôt spirituelle et je pense que c’est comme ça que les gens voient leur propre créativité. C’est quelque chose de profondément personnel. Les gens vous diront « J’ai eu une idée » « Qu’en pensez-vous? » (du produit ou du service créatif) et tout le monde fera un effort d’attention et s’attendra à être stimulé voire excité. On a la sensation de donner naissance – et c’est très personnel; c’est un peu spirituel et c’est certainement tout à fait privé dès le départ. Les termes « information » et « savoir » ne suscitaient toutes ces sortes de questions, d’émotions, de sentiments, de possessivité. Aussi en choisissant les termes « créativité » et « économie créative », ai-je voulu en revenir à quelque chose de plus personnel.

DG – Comment définissez-vous donc l’économie créative?

JH – Je crois que je la définirais en disant qu’il s’agit d’une économie où les principaux apports et produits sont des idées. Je dirais également qu’il s’agit d’une économique où la plupart des gens passe la plupart de leur temps à avoir des idées. C’est une économie ou une société où les gens se préoccupent de leur capacité à avoir une idée, où ils ne font pas simplement de 9 à 17 heures un travail de routine répétitif ce que la plupart font pendant de nombreuses années que ce soit dans les champs ou à l’usine. Dans l’économie créative, les gens, à un stade ou à un autre – en parlant à leurs amis, en prenant un verre de vin, en se réveillant à 4 heures du matin – pensent qu’ils peuvent avoir une idée qui fonctionne bien, pas seulement une idée qui leur procure une sorte de plaisir ésotérique mais qui soit la motivation de leur carrière, de leur statut, de leur identité

L' »économie créative » consiste en transactions de produits créatifs (résultats). Chaque transaction peut avoir deux valeurs complémentaires : la valeur de la propriété intellectuelle intangible et la valeur (le cas échéant) du vecteur ou de support physique. Dans certains secteurs d’activité tels que les logiciels numériques, la valeur de la propriété intellectuelle est plus forte. Dans d’autres, comme l’art, le coût unitaire de l’objet physique est plus élevé.

DG – Vous semblez vouloir remettre de l’humanisme dans l’idée d’économie.

JH – C’est très humaniste, profondément humaniste.

DG – Comment l’expression « économie créative » a-t-elle été reçue?

JH – Elle a connu une extension extraordinaire dans le monde entier. Je veux dire que j’ai voyagé partout dans le monde et maintenant les gens, tout le monde veut être créatif, chaque pays veut être créatif, chaque ville veut être connue comme étant créative. Ça en arrive à être un peu ridicule. J’adorerais rencontrer une ville qui dise qu’elle ne veut pas être créative du tout ou tout au moins qui utilise ce terme d’une manière plus précise que la plupart des gens ont tendance à le faire à l’heure actuelle. Le terme de créativité s’est un peu galvaudé, un peu déprécié. Je m’efforce constamment de réaffirmer les principes de base qui le sous-tendent. Tout le monde a sa propre interprétation. La mienne repose en très grande partie sur l’idée que la personne se fraie son chemin dans le monde en créant son sentiment d’identité et, grâce à cela, son activité professionnelle. Ce rapport entre l’identité de la personne et l’activité professionnelle n’est pas accepté par tout le monde. Beaucoup ne veulent pas se donner la peine de voir le fondement humaniste de tout cela et recherchent seulement son côté économique et social. Ça ne me pose pas de problème mais moi en revanche j’établis un rapport avec l’humanisme qui est à l’origine, lorsque les gens en Europe ont commencé à se rendre vers le XVIIe siècle qu’en tant que personnes ils pouvaient créer et être originaux de manières qui jusqu’alors étaient réservées à Dieu ou à quelque créateur universel. C’est pour ça que cette économie créative va devenir formidablement puissante. Si un mode de travail repose là-dessus, il deviendra très très puissant.

DG – Qu’est-ce qui distingue la créativité de l’innovation?

JH – Je vois une grande différence. La différence ne ressort peut-être pas de mon livre, ça c’est quelque chose que j’ai étudié plus récemment. La créativité se trouve dans la personne et est subjective, l’innovation repose sur le groupe et est objective. L’innovation passe toujours devant un comité à un stade ou à un autre et ne pourra être autorisée à continuer que si elle est approuvée. Tandis que la créativité est beaucoup plus floue et est subjective. La créativité peut déboucher sur l’innovation, la créativité peut alimenter l’innovation, la créativité peut se traduire par l’innovation. L’innovation n’entraîne jamais la créativité. Penser à une chanson pop : les chansons pop peuvent être très créatives. Quelqu’un qui écrit une chanson qui a des paroles, un rythme et un son que nous aimons tous est créatif. Mais il n’est pas innovateur. Quelqu’un comme Tom Cruise peut être créatif (mais) il n’est pas innovateur. Un producteur de film, un réalisateur, un chef d’orchestre, un concepteur peuvent être créatifs mais pas innovateurs.

DG – Y a-t-il donc une distinction entre créativité artistique et créativité scientifique?

JH – C’est vrai, la créativité scientifique est une chose intéressante. Je parlais il y a deux ans à John Sulston, directeur de la Section britannique de la recherche sur le génome humain. Il a reçu le prix Nobel en 2002 en physiologie et en médecine. John disait que son travail n’était pas créatif. Il était assez opposé à cette expression. Selon lui, « tout ce que nous faisons c’est travailler très dur, comparer les chiffres; nous ne sommes pas créatifs du tout ». Il se rebellait lorsqu’on disait de lui qu’il était un peu flou et romantique. Il a fait cette remarque dans une réunion de la Commission sur la propriété intellectuelle qui rassemblait une vingtaine de personnalités éminentes et la plupart ont répondu « John, tu dis des bêtises ». Et je suis d’accord avec eux. Je pense que les chercheurs peuvent être aussi créatifs que les artistes. Je n’ai aucun doute là-dessus. Pas mal d’artistes ne sont pas créatifs, ils font quelque chose, ils peignent un autre paysage et techniquement c’est très bien, mais ce n’est pas ce que je qualifierais de vraiment créatif. Beaucoup de programmeurs en informatique ne sont pas vraiment créatifs mais ils écrivent des programmes et un ou deux sont vraiment créatifs.

DG – Donc, c’est l’idée qui vient en premier, que vous soyez un artiste ou un chercheur. Ce que vous faites avec cette idée fera la différence entre un produit créatif et/ou une innovation?

JH – L’innovation est un procédé sociétal. Il s’agit beaucoup plus de mettre au point une nouvelle manière, une nouvelle méthode, une nouvelle méthodologie pour faire quelque chose à l’intention du marché et de l’amener jusqu’au consommateur.

DG – Dans votre livre, vous dites…

« Tant les arts que la science s’efforcent d’imaginer (de visualiser) et de décrire (de représenter) la nature et la signification de la réalité. La différence tient à la raison pour laquelle on choisit de faire ça, à la manière dont on présente le produit de son imagination au monde et à la manière dont on protège la valeur économique de ce produit. En termes simples, la créativité est la même, ce sont les produits créatifs qui diffèrent. » (The Creative Economy, page xi)

Maintenez-vous cela?

JH – Tout à fait. Oui.

DG – Dans ce contexte, quel est le rôle de la propriété intellectuelle?

JH – La propriété intellectuelle était naguère un sujet abscons et embêtant, quelque chose qui était réservée aux seuls spécialistes, mais depuis quelques années, elle a commencé à exercer une grande influence sur la manière dont chacun a des idées et s’assure leur propriété et également sur la production économique mondiale.

Les gens ont besoin de gagner de l’argent avec leurs idées. Il faut donc qu’ils bénéficient de droits exclusifs sur leurs idées. C’est ce qui justifie l’existence du droit d’auteur, des brevets, des marques et d’autres régimes juridiques exclusifs. C’est une des manières de procéder et dans certains secteurs d’activité c’est la principale. Dans d’autres secteurs, ce n’est pas la principale mais elle a son importance. Mais comment fait-on cela? Sur ce point je dirais que, de la même manière que les gens qui ont l’idée ont profité du fait qu’ils avaient accès aux idées de tous les autres, de même quand nous accordons un droit exclusif, qu’il s’agisse du droit d’auteur ou de brevets ou encore de marques – même si tout cela diffère beaucoup à beaucoup d’égards – nous devrions le faire de manière à établir un équilibre subtil entre le droit des personnes à satisfaire leurs besoins et une certaine justification du gain de l’argent; si le résultat est remarquable, l’intéressé gagne beaucoup d’argent. Je n’ai pas de difficulté à voir les gens devenir très riches, pas de difficulté du tout à laisser d’autres personnes avoir accès à ce travail ou à cette idée. Je pense que c’est là qu’il y a actuellement un problème et que c’est de cela que nous discutons en ce moment ici à l’OMPI dans le cadre de cette réunion intergouvernementale intersessions et dans d’autres enceintes. On n’a pas encore trouvé la bonne réponse. Il y a des gens qui disent qu’il n’y a pas de problème. Je suis le directeur d’une société cinématographique nos actifs sont entièrement protégés par le droit d’auteur. Nous avons besoin de nous protéger par le droit d’auteur. Ça ne fait pas de doute. Quelqu’un écrit une chanson, écrit un roman, a une idée, élabore un logo, une marque. Il n’y a pas de doute qu’ils doivent être protégés. C’est indubitable. Plus nous allons vers une économie fondée sur les idées, plus nous avons besoin que les gens qui ont ces idées vivent bien. Sinon, nous « bricolerions » tous.

DG – L’idée, c’est d’avoir une vie prospère et un droit à rémunération?

JH – Oh, c’est bien plus qu’un droit à rémunération, parce que le droit à rémunération, c’est quelque chose comme « je vous donne une licence obligatoire et vous allez pouvoir garder quelques miettes ». Vous savez, cela va bien au-delà. Je pense que les gens qui font quelque chose de remarquable doivent gagner de l’argent avec. Parce que dans certaines branches, les réalisations remarquables ou merveilleuses sont généralement très coûteuses et très risquées. Elles nécessitent de gros investissements. En même temps, il faut des règles qui permettent aux gens d’avoir accès aux idées, aux travaux et aux connaissances qui ont été générées par cette économie créative. C’est un équilibre délicat à trouver.

Les entrepreneurs de l’économie créative (souvent appelés « entrepreneurs créatifs ») … utilisent la créativité pour donner libre cours à leur richesse intérieure. Comme de vrais capitalistes, ils pensent que cette richesse créative, si elle est bien gérée, engendrera plus de richesse. … Ces entrepreneurs ont en commun cinq caractéristiques : i) une vision, ii) la détermination, iii) la perspicacité financière, iv) la fierté et v) le sentiment d’urgence.

DG – Cela nous amène aux « industries créatives ». De quoi s’agit-il?

JH – (Rires) C’est la question que j’évite habituellement. Mais je vais vous dire ce dont il s’agit. Il existe une liste d’une quinzaine de secteurs – publicité, architecture, art, artisanats, design, mode, édition, cinéma et vidéo, télévision et radio, logiciels de loisirs interactifs, musique, arts du spectacle, photographie, services logiciels et informatiques – acceptés par la plupart des pays comme ayant un caractère artistique. Dans mon livre4, j’y ai ajouté des industries à caractère scientifique et non artistique, et l’écriture même du livre m’a donné une vision plus large. Alors, si je parle beaucoup des industries créatives, c’est parce que c’est l’expression que les pouvoirs publics comprennent, que l’OMPI et la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (la CNUCED) utilisent, celle de tout le monde. C’est donc l’expression qui convient.

Cependant, la sorte de créativité dont je parle existe pratiquement partout. Si je gère un hôtel ici, dans l’industrie du tourisme, ce qui va conditionner la réussite ou l’échec de mon hôtel, c’est le rapport qualité-prix des chambres, le service aux clients, etc. Mais pour offrir un plus, faire valoir des atouts particuliers, à qui est-ce que je m’adresse? À mon responsable du département boissons? Probablement pas. Je dois m’adresser à quelqu’un que j’appellerai un créatif. Donc, j’ai besoin de ces personnes créatives. Pas à l’extérieur, ici même, dans ma propre entreprise. Que je mette au point un produit pharmaceutique ou que je gère un port de plaisance, j’ai besoin de gens capables d’avoir des idées nouvelles sur la manière de différencier nos produits ou nos services de ceux des autres. Si je gère ce centre nautique, là, sur le lac de Genève, je dois voir avec les plaisanciers comment gérer le meilleur centre nautique au monde. Je ne peux pas le faire en restant tranquillement dans mon bureau avec ma casquette de capitaine. Je dois sortir parler aux propriétaires de bateau, nous devons travailler ensemble. Les personnes qui fréquentent ce port de plaisance sont probablement des gens extrêmement brillants, mais il est probable que le gérant ne leur parle pas, qu’il reste dans sa cabine à s’assurer qu’ils amarrent bien leur bateau et ne se noient pas. C’est bien, il vivra vieux! Mais il ne portera jamais le centre nautique au plus haut niveau. Ce que je veux dire, c’est que la créativité peut s’appliquer à n’importe quoi.

Les « industries du droit d’auteur » englobent toutes les industries dont la fonction première est la création d’oeuvres relevant du droit d’auteur ou des droits connexes … Les « industries du brevet » englobent toutes les industries qui produisent ou commercialisent des brevets … Les « industries de la marque et du dessin ou modèle industriel » constituent un ensemble encore plus large, et il est plus difficile de les distinguer ne serait-ce qu’en raison de leur taille et de leur diversité. Ensemble, ces quatre branches constituent les « industries créatives », l' »économie créative ». Cette définition prête à controverse. Alors que toutes les définitions jusqu’ici correspondent à la pratique internationale, celle-ci ne recueille pas de consensus.

DG – Ne faudrait-il pas alors se limiter à des secteurs particuliers lorsque l’on parle d’industries créatives?

JH – Non. Les industries de transformation classiques et les industries de service classiques sont foncièrement non créatives, mais si vous les considérez sous l’angle de la création, vous constatez quelque chose de très intéressant. Prenons par exemple l’industrie automobile. C’est une branche manufacturière traditionnelle, mais si vous comparez l’industrie automobile américaine à l’industrie automobile japonaise, l’une est extrêmement créative, l’autre non. Voilà. Si l’on se focalise sur des notions traditionnelles de créativité, en fait, on rate l’ensemble du tableau. Ma conception est beaucoup plus large, beaucoup ouverte. Elle englobe tout ce que nous faisons. Je tiens à ce caractère non restrictif. Je suis heureux de dire que le Gouvernement britannique, qui avait commencé par limiter la créativité aux domaines artistiques, a aujourd’hui une attitude beaucoup plus ouverte et englobante.

DG – Mais le Gouvernement du Royaume-Uni n’avait-il pas commencé avec le patrimoine culturel ?

JH – Si, mais cela n’a pas duré très longtemps. C’était le gouvernement conservateur, qui a été au pouvoir jusqu’en 1997. Les travaillistes ont adhéré à l’idée des industries créatives vers le milieu des années 1990. Ils voulaient avoir une approche complètement nouvelle des arts, du financement des arts. Le secrétaire travailliste à la culture d’alors, Chris Smith, avait dans l’idée que s’il évoquait les retombées économiques des arts, il obtiendrait des crédits supplémentaires du Trésor. Si Chris Smith pouvait dire « je veux 500 millions de livres, ou même un milliard de livres pour les arts qui créent des emplois, qui créent de l’activité économique, qui paient des impôts, etc. », le Trésor dirait « Oh, vu comme cela … d’accord » et c’est ce qui s’est produit. C’était clairement une astuce de présentation pour obtenir plus de crédits du gouvernement, et cela a parfaitement fonctionné. D’autres ont suivi et tout le monde disait « Voyez donc, les arts n’ont pas qu’une valeur artistique, ils sont aussi importants sur le plan économique ». Voilà un message simple et nous l’avons maintenant tous bien intégré. Il est temps aujourd’hui d’avancer.

DG – Avons-nous besoin d’un nouveau modèle économique de rentabilité pour cette économie créative?

JH – Absolument, et je pense qu’il est en train de s’en dessiner un. Je décris dans mon livre quelques manières de faire de chefs d’entreprise, et tout cela reste vrai pour l’essentiel. Mais aujourd’hui une entreprise se gère beaucoup plus en collaboration, de façon bien plus ouverte. Tout est beaucoup plus fragmenté. Et pour l’essentiel, il semble que cela donne de bons résultats. Je pense que ce sera une longue évolution. Les choses ne vont pas se faire du jour au lendemain, parce que des changements sont nécessaires dans l’éducation, à l’école, à l’université. Les gens vont devoir changer de mentalité (vis-à-vis du risque, de leur manière de se situer par rapport aux autres, etc.).

À Londres par exemple, il y a une manière de travailler en collaboration extraordinairement fragmentée et multiforme. Si vous avez une idée, vous trouverez toujours une institution, un groupe de gens, des amis qui s’enthousiasmeront pour elle. Et c’est la même chose dans une demi-douzaine de pays au monde, pas plus. Tout cela a commencé avec le travail de collaboration autour du logiciel libre, mais cela va bien au-delà. C’est très important. Prenez ce centre nautique par exemple. Des gens qui ont un pouvoir, un budget, des responsabilités financières et directoriales – s’ils restent seuls dans leur coin, ils n’aboutissent à rien, ou alors très lentement. Donc, ils doivent travailler avec les talents qu’ils ont autour d’eux. On en revient au postulat de départ : tout le monde peut avoir une idée. Si vous rassemblez autour d’une idée suffisamment de gens – que vous les appeliez collègues, utilisateurs, collaborateurs ou clients, scientifiques ou quoi que ce soit d’autre, si vous mobilisez des individus aux compétences variées, vous avancerez beaucoup plus vite. Faire travailler les gens en équipe ou en collaboration est tout un art : il faut mettre chacun à la bonne place en fonction de ses points forts et savoir valoriser les idées apportées, quelles qu’elles soient, pour constituer un groupe de collaborateurs. Il y a un savant dosage à observer.

La monnaie d’échange la plus précieuse, ce n’est pas l’argent, mais les idées et la propriété intellectuelle, qui sont immatérielles et éminemment mobiles. La gestion de la créativité privilégie le mode de travail entrepreneurial, à flux tendu, temporaire, ad hoc.

DG – êtes-vous d’accord alors avec les structures de l' »économie industrielle » et de l' »économie créative » proposées par Creative Clusters Ltd?

JH – Oui, je suis plutôt d’accord. Dans mon esprit, « initiative » et « production » sont beaucoup plus flous, plus intégrés. Dans la structure de l’économie industrielle, d’une manière générale, le scientifique ou l’ingénieur concevait un plan et le donnait à quelqu’un d’autre en disant « voilà ce que je veux que vous fassiez », et l’autre personne s’exécutait. Dans la structure de l’industrie créative, une conversation s’instaure entre égaux. Le concepteur va parler au producteur et le producteur va lui répondre, dans un processus que je qualifierais de circulaire. La « distribution » est très importante. J’aime le mot « utilisateur » parce que de plus en plus, les personnes classées dans les cases « consommation » sont les mêmes que celles qui figurent sous « initiative ». Ainsi, alors que dans la structure de l’économie industrielle il y a développement linéaire d’un produit – de l' »initiative » à la « consommation » –, dans la structure de l’industrie créative il s’agit d’un processus de collaboration, de partage. Dans la structure de l’économie industrielle, le processus se déroulait souvent sur de nombreuses années : il fallait le temps d’avoir l’idée dans la phase « initiative », de s’équiper, de mettre en route une production de masse et de lancer la chaîne de distribution; dans la structure de l’industrie créative, tout peut aller très vite (il y a deux exceptions majeures, les produits pharmaceutiques – dont le coût se chiffre en milliards de dollars É.-U. – et les films hollywoodiens dont le budget dépasse de 75 millions de dollars, pour lesquels l’échelle de temps est beaucoup plus longue).

Ce qui se passe aujourd’hui, c’est que les gens que l’on rangeait sous « initiative » parlent (dans un processus circulaire) à ceux qui sont classés sous « consommation », et ces utilisateurs ou consommateurs – là sont très créatifs. Voyez la manière dont les logiciels libres, les jeux vidéos ou l’industrie des voyages opèrent aujourd’hui : ils sont totalement tributaires d’une information en retour instantanée de la part des utilisateurs, et cela non seulement en ce qui concerne leur pouvoir d’achat, mais parce que les consommateurs ont des connaissances et communiquent entre eux. Dans certaines de ces industries, l’utilisateur/client peut lancer une idée, et les sociétés qui permettent aux utilisateurs d’être à l’origine d’un produit (sous « initiative ») ont mis en place une chaîne d’approvisionnement incroyablement efficace et rapide. Ce qui prenait plusieurs années prend aujourd’hui quelques jours.

DG – Est-ce grâce aux techniques de l’information et de la communication?

JH – Oui. La manière dont les jeux vidéos se développent aujourd’hui tient au fait que les « consommateurs » qui prennent du plaisir à mettre au point un jeu en tirent un certain crédit. Ils y gagnent à la fois de l’argent et la satisfaction d’une passion. Nous voyons cela maintenant dans de nombreuses branches. Je pense donc que l’on peut abandonner l’intitulé « économie industrielle » pour le remplacer par le concept nouveau d’économie industrielle créative, dans lequel la chaîne linéaire est remplacée, pas partout mais dans de nombreuses branches, par un processus circulaire. Par exemple, l' »initiative » peut venir de la « production », de la « distribution » ou de la « consommation ». Chaque individu rangé sous production, distribution ou consommation est capable d’avoir l’idée qui changera cette structure de production, de distribution ou de consommation, et, de plus en plus, il en a le pouvoir.

DG – Vous ouvrez des perspectives lorsque vous suggérez que l’utilisateur/consommateur fait acte de création.

JH – Le consommateur est à la fois utilisateur et créateur. Certes, pour beaucoup de choses, comme par exemple regarder la télévision, nous sommes des consommateurs purement passifs. Avec l’Internet, nous sommes un peu actifs, et si l’on en vient aux jeux vidéo, nous sommes beaucoup plus actifs. Prenez le stylisme par exemple, voyez comment les gens s’approprient les modèles! Regardez l’industrie de la mode et la haute couture. Ce qui se passe aujourd’hui, c’est que les gens jouent avec : les distributeurs jouent avec, les clients jouent avec. Ils font des mélanges et des combinaisons. Quelqu’un qui passe dans la rue va provoquer un déclic créateur et on se dit : « c’est fantastique, je vais intégrer ça tout de suite ». Alors qu’une personne assise à la terrasse d’un café à Paris dans les années 1950 aurait bien regardé les passants, mais n’aurait jamais eu l’idée de s’en inspirer pour créer. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus circulaire et c’est très, très rapide.

DG – En quoi la mise sur le marché d’un produit créatif diffère-t-elle par rapport à la structure traditionnelle?

JH – Fondamentalement, il y a une différence majeure. La structure traditionnelle est statique et élitiste : la direction des opérations est entre les mains d’un très petit groupe de gens. Il fallait lutter pour en faire partie, une fois là, vous étiez tributaire de tout le reste. Tandis qu’à présent, l' »initiative » est le fait d’un groupe beaucoup plus large, et cela reste très compétitif. Je dis toujours que les industries créatives sont très, très compétitives. Et ce n’est pas limité à une petite élite. N’importe qui d’assez bon peut trouver un créneau et se faire plaisir tout en gagnant de l’argent. Prenez Los Angeles et l’industrie cinématographique. Les films à succès qui sont financièrement rentables sont très peu nombreux chaque année, et chaque studio produit disons au maximum une douzaine de films. On a donc plusieurs studios qui produisent 35 films, ce qui est vraiment très peu, mais qui font vivre une population de deux millions de personnes. Et ces personnes, dans leur grande majorité, ont un niveau de vie très élevé. Il y a tellement d’argent dans cette industrie! Il y a les grands studios et les principaux agents, les acteurs de premier plan, mais aussi toute une masse d’autres gens. Acteurs en devenir, aspirants producteurs, professionnels des effets spéciaux, cascadeurs, etc., des personnes aussi diverses peuvent gagner leur vie dans le cinéma, et ce ne sont pas des PME. Ce sont des individus. Trop souvent les gouvernements et les institutions des Nations Unies se focalisent sur les PME et tendent à ignorer l’individu. De ce fait, leurs statistiques donnent une image de plus en plus faussée du monde réel. Car il y a là des individus qui mènent une vie passionnante, qui sont vraiment compétents, et très compétitifs, et qui gagnent beaucoup d’argent. Et cela, pour moi, c’est presque un modèle, un microcosme de l’industrie créative. Il faudrait arrêter de ne rêver que d’être superstar, vraiment puissant, ou PDG d’une très grosse entreprise. Si vous faites simplement quelque chose très, très bien, vous pouvez en tirer des satisfactions énormes et gagner beaucoup d’argent. Mais pour cela, vous avez absolument besoin d’un vaste réseau de distribution.

DG – Et où intervient la propriété intellectuelle, dans tout cela?

JH – Tout le monde dans le système – j’insiste bien : tout le monde – doit connaître la propriété intellectuelle. La question n’est pas que l’un en sache plus que l’autre. La propriété intellectuelle est la monnaie d’échange, elle est vitale. C’est elle qui fait que, en définitive, chacun prospère et en tire une fierté personnelle. Toute personne qui conclut une transaction avec un tiers doit donc avoir des connaissances en propriété intellectuelle. Autrefois, dans la case « production », il fallait s’y connaître en matières premières et en droit des obligations; aujourd’hui, il faut s’y connaître en propriété intellectuelle et en droit des obligations. Et tout se rapporte à la question fondamentale : « qu’est-ce que j’ai que je peux utiliser comme levier pour vendre à l’autre? ».

La propriété intellectuelle fait désormais partie intégrante de la lutte pour l’avantage concurrentiel à l’échelon mondial. On en voit l’effet dans pratiquement toutes les branches de l’industrie; non pas simplement dans les industries traditionnelles du droit d’auteur et des brevets (qui sont en expansion), mais dans toutes les industries qui dépendent de la marque, de l’image de marque et des dessins ou modèles, et cela va de l’alimentation au sport. L’entreprise veut maximiser les recettes qu’elle tire de chaque produit créatif; il lui faut donc créer le maximum possible d’éléments protégeables et de droits de propriété intellectuelle correspondants. Du point de vue de l’entreprise, de nombreux arguments militent en faveur de la privatisation, et il n’y en a pas beaucoup contre. Un nombre croissant de produits créatifs portent une étiquette de propriété, et sur cette étiquette on lit « privé ».

DG – Peut-on se passer de la propriété intellectuelle?

JH – Non. La propriété intellectuelle est essentielle. Le droit des obligations n’est que l’enveloppe de ce que vous voulez faire. La propriété intellectuelle est vitale.

[Mais] ces lois de propriété intellectuelle ont un caractère facultatif en ce sens que tout le monde peut créer et inventer en dehors du contrat de propriété. De nombreux créatifs n’entrent pas du tout sur le marché, ils ne signent pas le contrat. Ils se désistent. Ils ne revendiquent pas leurs droits. … Il existe aussi d’autres personnes dont le travail a de la valeur mais qui refusent pour des raisons morales d’en tirer un gain financier. … Et il y en a d’autres qui font tout simplement des erreurs.

DG – En définitive, les industries créatives sont pour une large part constituées de petites et moyennes entreprises (PME). Que doivent faire ces entreprises pour gérer et faire fructifier leurs idées et leurs produits créatifs?

JH – Ce que les PME devraient faire? Première remarque : la créativité est le fait d’individus qui travaillent dans des structures de toutes tailles, de la très petite à la très grande. Donc la catégorie PME ne les englobe pas vraiment. Deuxième remarque : la décision critique est de savoir quand partager les idées librement, quand s’en assurer la propriété. Je travaille avec une entreprise très performante du domaine des médias, en ce qui concerne ses logiciels. Question : doit-elle obtenir des brevets et faire valoir son droit d’auteur, ou doit-elle permettre à son personnel et à ses clients de modifier ses produits? C’est la question fondamentale absolue : quand posséder, quand lâcher prise.

DG – M. Howkins, merci de m’avoir consacré votre temps.

Épilogue

Les droits de propriété intellectuelle visent à protéger tout ce que l’esprit humain peut inventer de créatif, de visionnaire, d’unique. Une fois que le créateur ou l’inventeur décide d’identifier sa contribution porteuse de valeur ajoutée et d’en revendiquer la propriété par le jeu des instruments juridiques pertinents que sont les lois de propriété intellectuelle, il devient possible d’exploiter ces actifs immatériels et de les échanger sur le marché. En cette époque de surabondance d’informations et de connaissances, l’importance de la propriété intellectuelle, concrétisée dans ces actifs qui correspondent à des créations et des inventions, est devenue telle que pour pratiquement tous les produits et services, le succès de la commercialisation dépend à des degrés divers de l’utilisation efficace des outils offerts par le système de la propriété intellectuelle.

Ainsi, la créativité et l’invention deviennent « propriété » privée, reconnue comme personnelle ou appartenant en propre à quelqu’un. Autrement dit, alors que la créativité et l’inventivité en soi sont universelles, les droits de propriété exclusifs à l’égard de créations de l’esprit, qui sont inspirées par la créativité et l’inventivité humaines, deviennent le domaine de normes juridiques et de règles contraignantes qui régissent la propriété des créations intellectuelles.

Ce n’est sûrement pas une coïncidence si des médias grand public claironnent aujourd’hui non seulement la nécessité d’être créatif, mais l’existence de l' »économie créative ». La dernière publication en date traitant de la « créativité » nous vient du magazine Business Week. Dans le Special Report de l’été 2005, sous le titre « Get Creative : How to build Innovative Companies », on peut lire que l’économie du savoir telle que nous la connaissons est en passe d’être éclipsée par quelque chose de nouveau – que nous appellerons l’économie de la créativité. Alors même que les décideurs et les experts se tordent les mains devant l’externalisation de l’ingénierie, de la conception de logiciels, de la comptabilité et de myriades d’autres emplois de service de haute technologie – sans parler des délocalisations d’entreprises manufacturières vers l’Asie – des entreprises, aux États-Unis, sont déjà en chemin vers le niveau suivant de l’activité économique6.

Que nous ayons ou non évolué par rapport à la vision des industries culturelles de Theodore Adorno, ou par rapport aux concepts populaires d’industries de contenu ou d’industries du droit d’auteur, ce qui est fondamental, c’est que l’entreprise humaine et les « créations » qui en résultent commencent avec la créativité. La capacité à exploiter ensuite cette créativité sera le principal moteur d’une communauté économique compétitive et dynamique. Combinée à la créativité, la propriété intellectuelle alimentera les économies créatives modernes

Les opinions exprimées dans le présent article ne reflètent que le point de vue de l’auteur et ne sauraient être attribuées à l’OMPI. Les éventuelles observations et suggestions relatives à cet article peuvent être envoyées à donna.ghelfi@wipo.int.

John Howkins est un des principaux penseurs actuels sur la créativité et la propriété intellectuelle. Une de ses activités consiste en ce moment à élaborer une charte sur la propriété intellectuelle pour la Royal Society for the Encouragement of Arts, Manufactures & Commerce (RSA), Royaume-Uni.

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