6ème édition des « Vitrines sur l’art » aux Galeries Lafayette Haussmann jusqu’au 30 juillet 2014 à Paris et en région. Au total, 21 musées et centres d’art sont invités à investir les vitrines des magasins de Paris, Bordeaux, Marseille, Nantes et Strasbourg. Pour cette nouvelle édition, chacune des institutions s’associe à un artiste qui réalise une ou plusieurs installations inédites pour leurs vitrines. Tels des extraits d’expositions, ces projets feront écho à la programmation des 21 institutions. Grâce aux oeuvres des 23 artistes représentés, les visiteurs auront une vision panoramique de la création d’aujourd’hui et de l’offre culturelle de leur ville. Ce sont les nouvelles valeurs du Groupe Galeries Lafayette qui ont été redéfinies récemment et désormais mettent l’innovation en première ligne.
Entretien avec Elsa Janssen, directrice des événements culturels, depuis huit ans à la direction de la Galeries des Galeries qui expose sur 300m² au 1er étage du grand magasin: « Ma responsabilité est d’offrir un espace d’expression aux artistes ».
Pensez-vous que le commerce actuel est en cours de mutation ?
Elsa Janssen : Aujourd’hui, la façon de consommer des individus évolue : la façon de circuler dans un grand magasin, de se déplacer. Pour les inciter à justement se déplacer, il faut innover, soit continuer à s’inscrire dans l’avenir en incarnant la modernité. Dans l’histoire de ce qu’est un grand magasin, il a toujours été question de valoriser les artistes pour les soutenir en tant que partenaire, d’une part et d’autre part, pour que le visiteur vienne aussi en tant que simple touriste : les Galeries Lafayette sont le troisième monument le plus visité de Paris ; il y a plus de 100 000 visiteurs par jour.
Il s’agit donc d’une mission de leur faire vivre quelque chose d’unique. L’art en est le plus vif prétexte.
D’où vient cette idée d’habiller les vitrines avec des œuvres d’artistes ?
EJ : Ce que j’aime par-dessus tout, c’est chercher et avoir des idées à proposer. Quand la question s’est posée de savoir quoi mettre dans les vitrines, juste après les soldes, dans la rigueur d’un calendrier précis, très rythmé, il y avait cette respiration estivale : l’évidence a été immédiate d’offrir tous les musées de Paris, de les fédérer côte à côte pour permettre ce rêve d’une visibilité de l’actualité artistique dans les vitrines.
A travers les différentes institutions parisiennes et maintenant, régionales, vous avez décidé de donner une autre vitrine de « liberté » face au statu quo habituel de l’artiste en le libérant de la galerie ou de son lieu d’exposition classique qu’est le musée. Quelle a été la véritable motivation des Galeries Lafayette, à part occuper des vitrines vides ?
EJ : Selon moi, quand on a la chance de bénéficier de tels espaces de respiration, les meilleurs ambassadeurs de la beauté sont les artistes. Avec très peu de moyens, très peu d’éléments, ils peuvent créer des projets superbes. Je ne me lasserai jamais de l’art et de la capacité des artistes à mettre en scène un espace. Ensuite, fédérer ces musées et participer ainsi à la démocratisation de la culture par la mise en avant de ces institutions qui agissent et font la culture à Paris, notamment la création contemporaine. Il ne s’agissait pas de travailler avec des institutions trop patrimoniales, car nous sommes une entreprise de mode et la mode si vivante est plus légitime à travailler avec le Palais de Tokyo qu’avec le Louvre. Par ailleurs, pour des raisons de conservation, nous ne pouvons pas exposer des peintures et chefs d’œuvre fragiles. Notre mission est de promouvoir la création contemporaine en premier lieu.
Comment s’est effectuée la sélection des artistes exposés ?
EJ : Le premier choix des Galeries Lafayette est celui des musées. Avec à Paris, des musées qui sont présents depuis six ans : le musée d’art moderne, le Palais de Tokyo, maison rouge, …
Habituellement, je leur donnais comme exercice la création d’une vitrine faisant écho à l’exposition présentée durant l’été. Chaque musée avait donc sa propre façon de concevoir ces vitrines : soit en invitant un artiste, soit avec le commissaire d’exposition et les régisseurs, soit avec le scénographe de l’exposition ; il y avait plusieurs déclinaisons possibles. Cela faisait des projets réalisés par différents corps de métier liés à la création.
Nous avons innové cette année, en souhaitant redynamiser le concept. Nous avons réalisé que les plus belles vitrines étaient celles réalisées directement par les artistes in situ. J’ai donc donné comme exercice supplémentaire aux musées de sélectionner un artiste vivant qui créera la vitrine spécifiquement pour vous. Il y a donc un jumelage qui n’existait pas les années précédentes et qui, en regard de chaque institution, on a un artiste mis en avant. Cela débouche sur 21 institutions, 23 artistes pour 29 vitrines.
Sur quelles bases sont définis les thèmes exposés ?
EJ : Les vitrines sont comme les bandes annonces de leurs expositions, mais en vitrines. Le visiteur parisien et les touristes vont pouvoir regarder les vitrines et avoir ainsi une vue d’ensemble de ce qui se passe cet été dans les musées, comme de mini extraits d’exposition !
Ces artistes ne sont pas dans l’univers de la mode ; qui sont-ils ?
EJ : Quand nous parlons d’artiste, nous pensons à plasticien. Et un plasticien peut être sculpteur, photographe, il peut réaliser des installations,…Les 23 artistes exposant dans nos vitrines sont donc tous des plasticiens, à l’exception d’un artiste du musée du quai Branly qui est architecte et de un ou deux graphistes. Mais en effet, aucun n’a de lien avec la mode. Et ils n’ont aucune contrainte de rentrer dans cet univers.
Quels retours avez-vous des visiteurs sur ces vitrines ?
EJ : Nous effectuons chaque année un micro trottoir où nous interrogeons un panel d’environ 150 personnes. Connaissaient-ils les musées ? Ces vitrines leur ont-elles donné envie d’aller voir les expositions ? Quelles expositions ont-elles envie d’aller voir ? Quelle est leur vitrine préférée ?
Il s’agit là d’un vrai projet de circulation : mon rêve est que les gens qui n’ont pas accès à la culture et qui sont surpris par une création en vitrine aient envie d’aller à maison rouge, par exemple, de découvrir et d’aller plus loin.
Et pour les artistes exposés ?
EJ : Pour certains artistes, l’image des vitrines des Galeries Lafayette reste une référence dans leur imaginaire d’enfant. Certains créaient même des vitrines animées. Leur rêve est devenu réalité…
Sur quelle base avez-vous choisi d’exposer dans certaines villes de province ?
EJ : Sur la base de magasins d’au moins 10 000m² situés en situation idéale de centre-ville. L’impact de ce projet est particulièrement fort en région : la situation de directeur de magasin et très différente de celle de notre directeur à Paris où l’offre est tellement pléthorique et la concurrence énorme. En région, les Galeries Lafayette sont souvent leader et sont le magasin de référence ; le directeur de magasin a donc un vrai rôle d’acteur dans sa ville : c’est un contexte d’innovation très important ou comment faire des 60 magasins de région des partenaires leader, comment créer un projet d’entreprise nouveau pour les salariés (500 personnes par magasin en moyenne) pour les démonstrateurs, les vendeurs, les différentes équipes de vente . C’est donc un projet d’entreprise, un projet d’expérience pour nos clients, un projet de politique de vie car on sait comment la culture peut être vecteur de dynamisation des villes. Prenons l’exemple de Lille, Marseille… Comment lier culture, commerce et loisirs. C’est donc un pari de dire qu’on est une force aussi pour participer à ces atouts et la mise en valeur des atouts d’une ville.
Est-ce que les Galeries Lafayette sont un magasin de luxe ?
EJ : Ce n’est pas notre positionnement. Les GL ont toujours revendiqué ce qu’on appelle une offre en ciseaux, c’est-à-dire une offre qui doit aller chercher tous les types de clients et qui doit répondre bien sûr à une clientèle de plus en plus exigeante sur les marques de luxe mais qui doit aussi faire rentrer tout un panel de marques référentes mais pour d’autres types de clients. Mais jamais les GL n’ont voulu se positionner comme un magasin de luxe.
Vous connaissez le lieu commun qui est de dire que l’art contemporain est réservé à une élite, à des connaisseurs … ne prenez-vous pas un risque ?
EJ : Le propos est tout simplement l’inverse. C’est de dire à nos 100 000 visiteurs par jour qui n’ont pas forcément accès à la culture que là, ils peuvent facilement pousser la porte d’un musée. Grâce à cette présentation de l’art dans nos vitrines, on crée une passerelle entre tout le monde et l’art. Les musées en sont très conscients car dans leurs projets, ils tendent la main au public à travers des choix avisés. Il y a plusieurs niveaux d’art. C’est un peu ce que nous faisons à la Galerie des Galeries : une forte exigence dans notre programmation mais conscients que nous ne sommes pas un centre d’art, nous souhaitons montrer ce qu’il y a d’ambitieux et d’universel dans l’art.
Parlez-moi un peu de la Galerie des Galeries, espace culturel des Galeries Lafayette et le rapport à l’art de ce Grand magasin.
EJ : Créée en 2001, la Galerie des Galeries est devenue un vrai centre culturel en 2007. La mode est une forme de création qui dialogue de plus en plus avec les artistes, les couturiers qui ont des sources d’inspiration qui viennent parfois de la peinture et des arts plastiques d’une manière générale, disciplines qui inspirent depuis toujours les Galeries Lafayette. Il était donc dans la logique des choses de recréer un tel espace. La Galerie des Galeries essaie de monter quatre expositions par an autour de l’art, la mode et le design.
Les Galeries Lafayette ont été créées en 1884 par Théophile Bader qui est en fait le grand-père de la présidente actuelle du Conseil de surveillance du Groupe. Son petit-fils, Nicolas Houzé, est le directeur général de la branche Grands Magasins des Galeries ; Philippe Houzé étant le Président.
Le rapport des Galeries à l’art est double. Il est dans l’activité personnelle des fondateurs et dirigeants actuels qui ont entretenu des collections privées et leur engagement dans de nombreuses actions de mécénat. C’est le cas surtout pour Guillaume Houzé, frère de Nicolas, qui est directeur de l’image et de la communication du Groupe. C’est sous son impulsion directe que la Galerie des Galeries existe.
Mais aussi dans la fonction première d’un Grand magasin : historiquement, un grand magasin était fait pour y humer l’air du temps ; il y avait des salons de lecture, des fumoirs, des expositions sur des thématiques particulières,… En 1946, Giacometti y exposait.
Guillaume Houzé a donc accentué la place de la création dans le magasin. Tout cela fonctionne car il y a une vraie sincérité. Je fais mon métier dans une entreprise qui est particulièrement sincère dans ce projet-là. Il n’y a pas de stratégie d’image calculée.
Pour en savoir plus sur l’histoire des Galeries Lafayette
Artistes exposants :
Le 104 : L’Atlas
CAPC : Asco
CEAAC : Bruno Persat
Centre Pompidou
FRAC ALSACE : Felix Schramm
FRAC AQUITAINE : Sébastien Vonier
FRAC PAYS DE LA LOIRE : Bruno Peinado
FRAC PROVENCE-ALPES-COTE D’AZUR : Emmanuel Régent
Gaîté Lyrique : Kyle Bean
Galerie du 5ème : Mark Garry
Institut culturel Bernard Magrez : Claude Lévêque
Lieu unique : A deux doigts
MAC : John Deneuve
maison rouge : Nicolas Darrot
MAMVP : Anita Molinero
MuCEM : Hassan Darsi
MAMCS : Clément Cogitore
Palais de Tokyo : Zhao Yao
Plateau – FRAC ÎLE-DE-France : Julien Carreyn
Musée du Quai Branly : Jean-Benoît Vétillard
Voyage à Nantes : Sarah Fauguet et David Cousinard