France Stratégie vient de publier une note d’analyse de Nicolas Charles de l’Université de Bordeaux et Quentin Delpech de France Stratégie, intitulée « Lutter contre l’illettrisme. Un impératif économique et social ». En 2011, sur le territoire métropolitain, 2,5 millions de personnes entre 18 et 65 ans ayant été scolarisés en France sont en situation d’illettrisme. Cette note propose un objectif de résorption de ces situations à travers différentes actions.
En 2011, sur le territoire métropolitain, 2,5 millions de personnes entre 18 et 65 ans ayant été scolarisées en France, soit 7 % de la population, sont en situation d’illettrisme. Au-delà de ce noyau, 22 % des adultes âgés de 16 à 65 ans ont un faible niveau de compétence dans le domaine de l’écrit et 28 % dans le domaine des chiffres, selon l’enquête PIAAC de l’OCDE, publiée en 2013. De manière générale, le niveau moyen des adultes français en lecture et en calcul est parmi les plus faibles des pays de l’OCDE. La part des adultes dotés d’un niveau faible de maîtrise des compétences en lecture est en France quatre fois plus élevée qu’au Japon et deux fois plus qu’en Finlande.
Ce constat sévère est préoccupant. Enjeu d’égalité et de cohésion sociale, la maîtrise des compétences de base est aussi un enjeu économique national. En plus d’accroître l’accès au marché du travail, la maîtrise de ces compétences favorise également la santé et l’engagement citoyen. Et à l’heure du numérique, elle est un levier crucial de développement économique.
Dans le prolongement du rapport « Quelle France dans 10 ans ? », publié en 2014 par France Stratégie, cette Note d’analyse fixe un objectif ambitieux de réduction de la part des adultes en situation d’illettrisme : diviser par deux cette proportion d’ici à dix ans. Cela passe par l’affirmation d’un droit pour chaque individu à un socle minimum de compétences de base, et par un ensemble d’actions de prévention et d’accompagnement. Pour atteindre cet objectif, on estime qu’il faudrait consacrer environ 50 millions d’euros supplémentaires chaque année à la lutte contre l’illettrisme.
Maîtrise des compétences de base en lecture et en calcul dans les pays de l’OCDE :
Lecture : en abscisses, le score moyen en littératie et en ordonnées, le score moyen en numératie.
Source : OCDE, PIAAC, 2013
Ces mauvais résultats peuvent s’expliquer
Si les jeunes générations sont de mieux en mieux formés, une personne en situation d’illettrisme sur deux a plus de 45 ans. Au-delà de ce « stock » d’adultes, chaque année 31 000 jeunes sont identifiés comme ayant des difficultés graves dans la maitrise des compétences de base, lors des Journées Défense et Citoyenneté.
La formation professionnelle continue, qui a un fort impact sur l’entretien des compétences et l’acquisition de nouvelles, ne s’adresse pas à tout le monde. Les inégalités d’accès sont importantes. En 2012, par exemple, 68 % des cadres y ont eu recourt contre seulement 37 % des ouvriers. Le niveau de diplôme, l’âge, l’origine sociale, le statut sur le marché du travail, le secteur d’activité constitue des facteurs discriminants.
Pourtant, la maitrise des compétences de base est un enjeu social essentiel.
Les individus possédant un faible niveau en lecture ont davantage de risques d’être en mauvaise santé. L’engagement dans le cadre public et collectif (associations, bénévolat) est aussi plus fort pour les individus qui maitrisent les compétences de base.
D’un point de vue économique, plus la part des adultes possédant les compétences de base est élevée dans un pays donné, plus le revenu par habitant est important. De plus, les individus qui ont un fort degré de maitrise des compétences de base ont davantage de chance d’être en emploi et d’obtenir une rémunération élevée. Enfin, la maitrise des compétences de base est nécessaire face à processus de la polarisation des qualifications observé dans nos économies avancées : les individus qui les maitrisent s’adaptent plus facilement aux nouvelles compétences requises.
France Stratégie propose de travailler pour diviser par deux la proportion des adultes en situation d’illettrisme à l’horizon de dix ans, soit de remmener le taux de 7 % à 3,5 % de la population. Dans un contexte de faible accès à la formation, de l’allongement de la vie professionnelle et d’intensification des changements technologiques, il est nécessaire de cibler les séniors tout autant que les jeunes. 50 millions d’euros supplémentaires, soit un budget total de 210 millions d’euros, seraient nécessaire pour remplir cet objectif. Concrètement, des dotations spécifiques destinées à l’acquisition de ces compétences génériques doivent être proposées, notamment dans le cadre du compte personnel de formation.
La réalisation de cet objectif ne se fera que par la mobilisation de l’ensemble des acteurs afin d’identifier et d’accompagner les personnes en situation d’illettrisme.
Chez les jeunes, la Journée Défense et Citoyenneté est importante : elle permet de mesurer le niveau d’illettrisme chez les jeunes et d’orienter les individus. Elle devra également permettre de proposer aux jeunes détectés un accompagnement spécifique.
Concernant les adultes, l’ensemble des parties prenantes doivent s’impliquer dans le processus de détection : managers, partenaires sociaux, branches professionnelles… Par ailleurs, des actions spécifiques, par secteurs, doivent être mises en place afin de renforcer le recours à la formation. Le BTP ou l’agriculture devraient être des secteurs prioritairement ciblés.
La réflexion autour de la mise en place du compte personnel d’activité devra intégrer cette dimension : il s’agit d’inciter les individus à mobiliser leur droit à la formation pour lutter contre leur situation d’illettrisme.
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