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agriculture urbaine

L’appétit croissant pour l’agriculture urbaine

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Pratique séculaire, l’agriculture urbaine prend de nouvelles formes, plus diversifiées qu’autrefois. Elle est aujourd’hui en plein essor et se développe sous de multiples formes, dans de nombreuses villes, partout dans le monde car 54 % de la population mondiale vit désormais en ville, et 2,5 milliards supplémentaires d’urbains sont attendus à l’horizon 2050, selon l’ONU. Elle pose non seulement la question de l’alimentation des urbains, désormais majoritaires, mais aussi de l’aménagement urbain et de la prise en compte de ces pratiques sur le plan paysager. Elle constitue une porte d’entrée pour faire redécouvrir les autres formes de production et ouvrir un nouveau marché aux agriculteurs périurbains. Se nourrir est vital, intemporel, universel. C’est aussi une histoire culturelle, sociétale, ancestrale entre la campagne, la ville et l’homme.
Le mouvement de l’agriculture urbaine ne date pas d’hier puisque les jardins ouvriers ont plus de 150 ans d’existence. Pour Eric Duchemin,  directeur du laboratoire sur l’agriculture urbaine, professeur associé à l’institut des sciences de l’environnement à l’université du Québec à Montréal, il est important de se rappeler que les villes se sont développées lorsque les sociétés humaines se sont sédentarisées et ont commencé à faire de l’agriculture. Après la seconde guerre mondiale est venu le temps de l’urbanisation massive des territoires en empiétant sur les meilleures terres agricoles.

Un mouvement issu de la contestation des années 1970

A partir des années 1970, l’agriculture urbaine est liée à des mouvements citoyens qui se sont développés en réponse à la crise économique engendrée par le premier choc pétrolier. A New York, Toronto ou Montréal, les citoyens se sont appropriés des friches pour nourrir leurs familles. De manière plus récente, l’agriculture urbaine a pris de l’ampleur en lien avec une défiance vis-à-vis du système alimentaire, le besoin de mieux contrôler la qualité des fruits et légumes consommés et l’envie de retrouver des variétés anciennes. Il s’agit également d’une volonté de se réapproprier le sol et le territoire car, pendant plusieurs décennies, la ville a perdu le sens de son développement en construisant des logements sans forcément concevoir des espaces à vivre. 
Au fil du temps, les relations entre la ville et l’agriculture ont évolué : les villes se sont détournées de leur hinterland nourricier, allant chercher des produits toujours plus loin, notamment grâce au développement des transports ferroviaires puis routiers frigorifiques. L’agriculture s’est progressivement détournée de la ville en se spécialisant et en répondant aux logiques de marché. En parallèle, les questions climatiques, énergétiques, financières, environnementales sont de plus en plus prégnantes et parfois contradictoires.
Comment nourrir ces populations urbaines coupées de leur terre nourricière ? Comment garder ou retrouver le contrôle, quantitatif et qualitatif de notre approvisionnement alimentaire ?
Parmi les nombreuses démarches, celles basées sur la proximité ou les circuits courts se multiplient. Les systèmes de mise en relation des producteurs et des consommateurs, comme la vente à la ferme ou sur les marchés, ont, bien sûr, toujours existé. Mais ils suscitent aujourd’hui un véritable regain d’intérêt et de nouvelles initiatives se développent. Ces approches ont d’abord connu un vif succès dans des métropoles particulièrement déconnectées de leur agriculture ou inquiètes pour leur alimentation. Les premières Amap sont ainsi apparues au Japon dès les années 1970, sous le nom de Teikei, littéralement « mettre le visage du paysan sur les aliments ». Des expériences communautaires se sont aussi développées en Allemagne, en Suisse, en Autriche avant d’atteindre New York dans les années 1980, puis de retraverser l’Atlantique vers la France dans les années 2000.

Le paradoxe de l’approvisionnement

Prenons l’exemple de l’approvisionnement de l’Île-de-France en produits alimentaires : il repose majoritairement sur les autres régions françaises, l’Europe et le monde malgré un potentiel agronomique exceptionnel et des cultures alimentaires de premier rang comme le blé, l’orge, le colza, la betterave sucrière ainsi que des cultures légumières et fruitières. Comment expliquer ce paradoxe ? Il faut d’abord souligner la démesure entre la taille du bassin de consommation et le nombre d’agriculteurs. En moyenne, on compte une exploitation agricole pour 128 personnes en France, une pour 2 360 en Île-de-France et une pour 74 000 pour Paris et la petite couronne.
La seconde raison est liée au manque de liens tissés entre les acteurs de la production, de la transformation, de la distribution et du transport au sein du système alimentaire francilien. Les logiques sont avant tout économiques et peu basées sur la proximité.
En ce qui concerne la commercialisation des produits, la grande distribution domine : en France, 72 % des achats alimentaires se font en grandes surfaces, 15 % dans des magasins alimentaires spécialisés – boulangeries, boucheries… – et seulement 6 % sur les marchés ou directement auprès des producteurs. En Île-de-France, cette répartition se vérifie même si l’on fréquente un peu plus les petits commerces. Rungis joue également un rôle clé dans l’approvisionnement francilien : les deux tiers de ses produits alimentent en effet la région, le reste partant en province et à l’international.
Ainsi, bien que l’Île-de-France se situe au centre d’un riche bassin agricole, contrairement à bien des métropoles (New York, Tokyo, Londres…), les 5 000 exploitations franciliennes ne peuvent et ne pourront pas répondre aux besoins alimentaires de 12 millions de consommateurs. Si l’offre reste restreinte, la demande, elle, est de plus en plus forte. En 2014, quatre Français sur dix déclaraient ainsi acheter souvent ou très souvent des produits locaux et six Français sur dix prévoyaient d’en augmenter la consommation dans les six prochains mois.

Pour rappel, Paris s’est fixé pour objectif avant 2020 de créer 100 hectares de végétation supplémentaire en ville. Pour réussir ce pari, la maire Anne Hidalgo a invité des « Paris-culteurs » (jardiniers, paysagistes, agriculteurs, architectes,…) à développer des idées. Lancé par l’adjointe au maire Pénélope Komitès, l’appel à projets « Paris-culteurs » « portera sur 40 sites parisiens, en cours de recensement, qui seront mis à la disposition des innovateurs pour y développer des projets d’agriculture urbaine et de végétalisation »

Du potager familial au jardin communautaire

Penser agriculture urbaine, c’est imaginer en premier lieu le potager aménagé dans la cour arrière de son logement. A Montréal, 42 % de la population pratique l’agriculture urbaine, ce qui représente 800 000 personnes. La proportion est similaire dans des villes comme Toronto, Vancouver ou Portland. Un chiffre sans doute minimisé, car il a été calculé sur la base de photos satellites sur lesquelles une partie des surfaces cultivées sont cachées par les arbres. Sur l’ensemble des Etats-Unis, cette proportion est estimée à 32 % avec des surfaces de potagers d’environ 9 à 10 m2 en moyenne.
La seconde forme d’aménagement en matière d’agriculture urbaine est collective, ce que l’on appelle en Amérique du Nord les Community Garden. Il s’agit souvent de programmes municipaux à l’image de Montréal, où il existe 95 jardins répartis dans tous les arrondissements abritant au total 8 500 parcelles : près de 12 000 personnes peuvent jardiner. On estime que cela représente 1,5 million de dollars, soit environ 200/250 dollars par personne, pour un investissement initial de 25 dollars pour les semis. 
Autre type de pratique, l’installation de cultures sur balcons et terrasses. A Montréal, 35 % des 800 000 personnes qui ont un potager, jardinent sur ce genre de surface. On rencontre aussi de plus en plus d’interventions sur des espaces publics, dans des parcs, avec l’installation de bacs et l’organisation d’animations.
Des interventions éphémères peuvent également être organisées sur des places minéralisées, dans des friches avec des plantes potagères, des arbres fruitiers. On peut constater ces exemples à Montréal, Bruxelles, Londres ou encore à Paris ou Nantes avec les Incroyables Comestibles.

Des légumes mais aussi des fruits

Dans les villes nord-américaines, il existe de nombreux arbres fruitiers abandonnés. Des organismes se créent, Not far from the fruit à Toronto, Fruits Défendus à Montréal, ou le Portland Fruit tree project. A Toronto, plus de 50 000 kg de fruits ont été récoltés en 2015 ! Cela implique une réflexion sur l’entretien des arbres ainsi que sur la conservation ou la transformation des produits de ces récoltes.
En Amérique du Nord, un autre phénomène tend à se développer rapidement : l’apiculture urbaine. Sur Montréal, on est passé d’une dizaine de ruches en 2010-2011 à plus de 365 en 2015. Cette évolution amène à réfléchir différemment sur l’aménagement de la ville.

Conserver les variétés et atteindre une échelle productive, des challenges

La principale difficulté des cultures urbaines réside dans la conservation des variétés via les semences, du fait de la proximité des cultures les unes avec les autres. Un autre obstacle est d’atteindre l’échelle d’une ferme productive. Sur Vancouver, l’une des plus anciennes fermes urbaines So Food existe depuis une quinzaine d’années. Le plus souvent, ces projets proposent une gamme spécifique à haute valeur ajoutée, des légumes feuilles (laitue, mesclun…) ou des plantes d’origine tropicale (poivron, aubergine) sur des anciens îlots de chaleur urbains. L’exemple de Paris sous les fraises est similaire, car c’est un fruit qui supporte mal le transport. Ce sont des créneaux qui intéressent notamment les restaurateurs. 

Une forte diversification des formes et usages

Depuis les années 1970, l’agriculture urbaine s’est fortement diversifiée : jardins pédagogiques, communautaires, collectifs, partagés ou individuels, jardins de rue, fermes au sol, fermes sur toits, apiculture, champignonnières, fermes d’insectes, poulaillers urbains… Aujourd’hui, le végétal s’insère partout dans la ville, à des emplacements que l’on n’aurait jamais imaginé il y a dix ans, comme par exemple aux pieds des arbres, sur les toitures…
Toutes ces initiatives amènent à considérer la façon dont cela va influencer l’aménagement des villes, la conception des bâtiments. En effet, développer l’agriculture urbaine demande de l’eau et de la lumière. On assiste même à la création d’agri-quartiers avec des projets immobiliers se développant autour de fermes urbaines, conçues comme des espaces ouverts au public, comme par exemple l’agri-parc de Bernex dans le Canton de Genève.
L’apiculture urbaine, quant à elle, incite à penser au-delà aux autres insectes pollinisateurs en ville, avec la création de champs mellifères. La conception même des logements évolue avec l’intégration de ces espaces dédiés à la végétalisation et à la production à l’intérieur même des bâtiments, sur les toits et les terrasses.  La question est de savoir si cette tendance va influencer l’alimentation des populations car cela implique de faire évoluer les relations avec les différents acteurs du marché présents ou non dans le système alimentaire.
L’agriculture urbaine constitue un défi pour nourrir suffisamment et plus qualitativement ceux qui n’en ont pas les moyens. Actuellement, la plupart des projets d’agriculture urbaine sont de petits projets non interconnectés, une approche incontournable si l’objectif est de nourrir un quartier avec un système alimentaire local solidaire et ouvert. Cela nécessite un lien avec la filière agricole périurbaine (producteurs et semenciers) et avec des associations qui gèrent des coopératives, des marchés solidaires ou encore des cuisines qui permettent une conservation à plus long terme des produits. Une nécessité aussi pour éviter les pertes liées à la surproduction.

Défis, opportunités et contraintes portés par l’agriculture urbaine

Ils concernent d’abord l’espace : l’agriculture urbaine peut aujourd’hui être réalisée à peu près partout dans la ville, y compris sur les toits ou sur des zones de stationnement. Cela demande une réflexion pour les urbanistes et les architectes et l’obligation de modifier certaines réglementations. Sur le plan des ressources humaines, des formations en horticulture et en agronomie doivent être développées pour éviter le fonctionnement actuel « essais/erreurs ». Au Québec, le ministère de l’Alimentation et de l’agriculture est porteur des démarches d’agriculture urbaine avec le ministère des Municipalités. L’agriculture urbaine est aussi soutenue par le syndicat des agriculteurs.
La formation, si elle est encore limitée, se développe. A titre d’exemple, l’une des universités qui dispense des formations en agronomie propose une formation en agriculture urbaine. En termes de technologies et d’innovations, il y a également beaucoup à faire pour gérer l’alimentation en eau, l’éclairage pour les cultures en intérieur, la gestion des matières organiques (et notamment du phosphore), les supports de culture… Si la vision de l’agriculture urbaine pouvait auparavant être celle des jardins ouvriers avec des personnes plutôt âgées, elle intéresse aujourd’hui beaucoup de jeunes « branchés » à l’image de Stacey Givens, grand chef à Portland. Ces néoagriculteurs développent des plateformes de communication avec différents acteurs de la ville, et des plateformes d’échange d’expériences et de produits.
Sur la question de la relation entre les agriculteurs périurbains et ces néoagriculteurs, Eric Duchemin précise : « Il existe au Canada une forte conscience de la part de ces derniers de l’importance de tisser des liens et d’avoir une approche solidaire vis-à-vis des agriculteurs périurbains, notamment les agriculteurs bio. L’agriculture urbaine est pour le moment anecdotique, mais elle peut constituer une porte d’entrée pour permettre de faire redécouvrir les autres formes de production et ouvrir un nouveau marché aux agriculteurs périurbains ».
Avec les fermes urbaines hautement productives sur les toits, qui ont demandé un fort investissement et produisent le plus souvent des légumes feuilles, des partenariats se développent avec les agriculteurs périurbains pour compléter leurs gammes avec notamment des légumes racines. La ferme urbaine devient distributeur des agriculteurs périurbains avec pour ces derniers une garantie de  vente de leurs productions.

Quelles perspectives pour la filière ?

Le développement de l’agriculture urbaine constitue une opportunité pour dynamiser la filière horticole et du paysage car celle-ci dispose d’un savoir-faire de premier ordre qu’elle peut transférer dans ce domaine. A la fois sur le plan de la création variétale que sur le développement d’itinéraires techniques complexes et innovants mais aussi durant les étapes de conception, de création et d’entretien de ces nouveaux espaces urbains. Des pistes existent pour créer de nouveaux marchés pour les producteurs et les professionnels du paysage, mais aussi pour apporter plus de résilience à la ville.
Elle représente un enjeu fort pour le futur avec l’augmentation croissante de la population urbaine. Elle constitue une opportunité de créer des villes plus vivantes, plus végétales, avec une meilleure qualité de vie, à l’image de la cité végétale du futur proposée par l’architecte belge Luc Schuiten. L’agriculture urbaine est également porteuse de nombreuses innovations à développer, un axe de travail intéressant pour des professionnels de la filière qui bénéficient de savoir-faire en la matière, comme Astredhor, l’Institut technique de l’horticulture.
Cité végétale de Luc Schuiten
Cet Institut a réalisé une étude dans le cadre de sa mission agriculture urbaine, centrée sur les pays du Nord, avec une soixantaine de projets répertoriés en Amérique (New York, Chicago, côte ouest), autant en Europe (et notamment en France) et près de 200 en Asie. De nombreuses caractéristiques ont été analysées : localisation, contexte socio-économique, acteurs, types de productions (végétales ou animales, système de distribution, services proposés, axes de communication…). Elles conduisent à définir une multitude de localisations et de formes de projets :
• dans les espaces périurbains des fermes urbaines
• dans les faubourgs des fermes indoor
• en cœur d’îlots des jardins partagés, ou sur les balcons
• en centre-ville, des jardins de pieds d’arbres ou de trottoirs, ainsi que des jardins sur toits, en sous-sol, des jardins intérieurs, des murs comestibles
• en zone industrielle des serres en toitures
• sur les cours d’eau des serres flottantes
• dans les parcs des jardins familiaux, des fermes urbaines, des vergers urbains
• dans les zones résidentielles des jardins privés.
Cette variété de formes et de projets génère une grande diversité de fonctions : alimentaire, mais aussi économique, éducative, de lien social, mais aussi en loisirs, santé, biodiversité, environnement, aménagement du territoire. « Ma présentation s’intéresse plus précisément à quelques types de projets : les projets à but lucratif en milieu clos ; les initiatives sur toiture et au sol ; les projets à but non lucratif, jardins collectifs et mouvements citoyens et les projets  pour particuliers et entreprises (balcons, terrasses et intérieurs)  », précise Guillaume Morel Chevillet, chargé de mission agriculture urbaine d’Astredhor. Les collectivités ont souvent pensé leur développement au regard de l’énergie, des transports ou de l’habitat, mais très peu sous l’angle de la production alimentaire ; de nombreuses villes s’étant en effet construites sur des terres agricoles hautement fertiles.

Projets d’agriculture urbaine à but lucratif en milieu clos

Ce concept de fermes urbaines en milieu clos ou indoor farming, a été initié par Dickson Despommier, professeur à l’université de Columbia aux Etats-Unis. Situés dans un lieu fermé (bâtiment, friche, tunnel, conteneur), ces projets utilisent des technologies de production très modernes, avec un éclairage artificiel, des cultures en étage pour optimiser la place et une production hors-sol. Ces nouveaux outils de production constituent pour la filière du végétal une formidable opportunité de démontrer son expertise technique et de  s’ouvrir à la ville. 
Culture hydroponique dans un ancien entrepôt de Chicago : Le premier exemple présenté concerne une ferme verticale implantée aux Etats-Unis à New Buffalo, près de Chicago. Ce projet de ferme pilote a été créé en 2011 dans un ancien entrepôt abandonné depuis une douzaine d’années. La culture y est hydroponique avec une fertilisation minérale, sans pesticide, ni herbicide pour une production quotidienne de salades et de légumes-feuilles. La location d’entrepôt est bien moins onéreuse que celle du foncier agricole, les coûts de transports sont réduits, ainsi que les risques de contaminations bactériennes. En outre, la qualité nutritive est conservée. 
Des fraises au coeur de Paris Le second exemple est parisien avec l’entreprise Agricool développée par deux jeunes fils d’agriculteurs. Partant du constat de la piètre qualité des fruits et légumes, ils se sont lancés dans la production de fraises dans un conteneur installé près du parc de Bercy. 3 600 fraisiers y sont cultivés sur des murs végétaux contenant un substrat en plastique recyclé, sans  pesticide, sous lumière artificielle LED basse consommation dans le spectre utile pour le fraisier, et avec un système d’alimentation en eau en circuit fermé, pour une économie de près de 90 % par rapport à une culture traditionnelle. Tout peut être piloté à distance avec l’idée qu’une seule personne puisse gérer seule trois à cinq conteneurs.
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Ces fermes urbaines high-tech offrent une très forte proximité avec les consommateurs, l’apport de produits ultra frais, des rendements élevés, mais peuvent aussi poser des questions énergétiques pour l’éclairage et le refroidissement, d’intrants minéraux, de qualité gustative et de qualité phytosanitaire. Ce type de projets est extrêmement développé au Japon, avec plus de 200 initiatives, dont certaines au cœur même des entreprises, avec notamment la culture de riz (projet de l’entreprise Pasona), aux Etats-Unis, mais aussi dans le métro londonien, à Lyon,…
Ces structures ont accès à des jeunes plantes et semences, mais pas nécessairement à des variétés adaptées aux milieux clos. En effet, l’interdistance entre les étages ne permet pas la culture de végétaux trop hauts, de nouvelles variétés à plus petits développement sont dès lors requises. De plus, ces systèmes de production ne nécessitent pas de substrat terreux, source de pathogènes ou susceptibles de colmater, les besoins existent donc pour de jeunes plants issus d’une culture hydroponique ou aéroponique.  Sur le plan des agrofournitures, il est difficile pour ces fermes de trouver sur le marché des agrofournitures dédiées et innovantes. Bien souvent, ces entreprises imaginent et mettent en œuvre leurs propres systèmes (rack, ferti-irrigation à étage, bacs de culture, systèmes de récolte, de refroidissement, de récupération de la chaleur et de l’eau évapotranspirée, etc.). Dans le secteur des intrants, il y a donc des pistes à développer.
Sur le plan du savoir-faire, les itinéraires techniques sont maîtrisés en partie par ces entreprises. Il faut améliorer la question de l’éclairage artificiel (notamment l’utilisation des LEDs et des spectres lumineux adaptés aux différentes cultures), les techniques de cultures hors-sol « high-tech » (de type aéroponie ou utilisant des fertilisants organiques notamment) et développer la partie robotique et domotique, largement dominée par les japonais. Concernant la distribution et la commercialisation, la force des projets réside dans la proximité avec les consommateurs, le développement de stratégies marketing souvent innovantes avec des systèmes de vente et de logistique performants, même si certains ne sont pas encore intégrés dans des circuits plus larges.

L’avenir de l’agriculture urbaine pourrait aussi prendre la forme de gratte-ciel

Le cabinet d’architectes Roger Stirk Harbour and Partners, basé à Londres, a imaginé une tour agricole futuriste qui pourrait nourrir les citadins : le projet Skyfarm. La structure en bambou multi-niveaux est conçue pour les zones qui ne possèdent pas de sol riche en éléments nutritifs pour l’ agriculture ou des ressources en eau abondantes. Le bâtiment utiliserait un flux de recirculation d’eau pour alimenter les fermes hydroponiques et aéroponique, ainsi qu’une ferme piscicole. Les déchets de poisson agirait comme engrais pour les plantes, et des panneaux clairs alimenteraient en lumière extérieure les lots agricoles intérieurs. 
En plus du système aquaponique, le bâtiment aurait également un espace pour les marchés dans le rez-de-chaussée et un centre d’éducation publique où les gens pourraient apprendre davantage sur l’agriculture verticale. La partie supérieure de la structure serait équipée de réservoirs d’eau et d’éoliennes pour produire de l’électricité. Ce concept n’est qu’à l’état de projet mais pourrait s’adapter facilement à une diversité d’environnements : des cours d’école aux grandes collectivités.

Les projets d’agriculture urbaine à but lucratif sur toitures

En milieu urbain, la toiture fait l’objet de nombreuses convoitises et devient un support pour intégrer la nature en ville, contribuer à l’embellissement, à l’amélioration de la biodiversité ou au renforcement des liens sociaux. Les projets d’agriculture urbaine s’intéressent à la production de végétaux (parfois de petits animaux) sur toitures dédiées ou réaménagées pour l’occasion, utilisent des techniques culturales hors-sol (avec substrat, en hydroponie ou en aquaponie). Leur particularité est de générer de la valeur et des emplois, mais aussi de  soulever des difficultés techniques.
Un potager sur le toit du palais des Congrès à Chicago : Le premier exemple se situe à Chicago et présente un projet installé sur la toiture de l’université de Mc Cormick. La gamme de végétaux cultivés a été travaillée avec l’entreprise Saver afin de choisir des produits qui peuvent être distribués dans leur café et les restaurants du Palais des congrès. Initialement, les architectes avaient conçu la toiture du bâtiment avec une végétalisation de Crassulacées (principalement des Sedums) avec une épaisseur de substrat de 10-15 cm. Durant trois ans,
de la matière organique issue des déchets organiques des restaurants a été introduite dans le substrat existant. Il y est possible désormais de cultiver des légumes, en y mêlant des végétaux ornementaux pour conserver un caractère esthétique à l’aménagement. L’objectif est de donner envie de respecter la nature, d’apprécier un environnement végétal en milieu urbain, voire de cultiver un jardin avec ses voisins.
Des toitures hybrides à ParisLe second exemple, situé à Paris, est le fruit d’une rencontre entre ERDF, la Mairie de Paris et l’association Veni Verdi. Le projet global de cette association a pour vocation de faire pousser des jardins partout où cela est possible, et de développer une agriculture sociale, participative, à moindre coût. Des fleurs sont intégrées dans les parcelles de culture pour favoriser les pollinisateurs et réaliser des actions pédagogiques avec les enfants. Sur ce toit, plus d’une dizaine de variétés légumières ont été plantées dans des bacs souples remplis selon la technique « des lasagnes » : plusieurs couches de matériaux variés superposées (compost, bois fragmenté, paille de lin, billes d’argiles, etc.). Certains employés d’ERDF viennent participer aux activités de jardinage et l’ensemble des produits issus de ce toit sont vendus directement aux salariés.
Les toitures sont le plus souvent hybrides, à la fois génératrices de lien social et de retour du végétal en milieu urbain. La Ville de Paris s’inscrit pleinement dans une politique de recolonisation des toitures par l’agriculture et le paysage, notamment avec son appel à projets « les Paris-culteurs » lancé en janvier 2016. Celui-ci invite les jardiniers, paysagistes, agriculteurs, entrepreneurs, acteurs de l’économie sociale et solidaire à développer des projets innovants d’agriculture urbaine et de végétalisation. Astredhor est d’ailleurs intégré à une équipe d’assistance à maîtrise d’ouvrage des services espaces verts de Paris. Cette équipe est composée d’un bureau d’études, une junior entreprise d’AgroParisTech et une agence de communication.
Sur les toitures, on trouve également de nombreux projets de serres, aux Etats-Unis (Brooklyn), au Canada, à Paris (Toit Tout Vert), en Suisse (UrbanFarmers), aux Pays-Bas. Les murs suscitent aussi de l’intérêt avec par exemple, le mur comestible créé par les américains pour l’exposition universelle de Milan. Pour les professionnels de la filière, c’est l’occasion de démontrer leur savoir-faire de maîtrise d’itinéraires techniques spécifiques aux conditions de culture sous abris et hors-sol (gestion du climat, mesures de prophylaxie, etc.). Toutefois l’implantation de serres en toiture demande une expertise spécifique : réglementation du bâti et non de la production (résistance aux secousses sismiques, évacuation fumée et du public en cas d’incendie, accessibilité, etc.), contraintes techniques (portance, logistique, résistance à l’arrachement, etc.) et dialogue avec les professionnels de la construction (phasages complexes, interface entre lots, notamment étanchéité et gros œuvre, sécurité, etc.).  Il faut noter que l’outil de production implique alors un investissement plus important et qu’il n’est pas aisé de trouver l’équilibre économique.
Ferme potagère Peas&Love
La ferme urbaine potagère de Peas&Love : Il s’agit d’une nouvelle génération de fermes urbaines : les fermes potagères. L’idée vient de la société belge Peas&Love : créer une nouvelle génération de fermes urbaines qui s’installent sur des espaces urbains non valorisés, comme des toitures urbaines. Elles sont ouvertes toute l’année aux abonnés riverains qui peuvent ainsi profiter de la récolte et d’expériences liées à la nature en ville.
Chaque ferme est composée d’un ensemble de parcelles de potagers individuelles louées aux riverains clients -les Urban Farmers-. Grâce à un abonnement annuel, ils ont accès à la récolte de leur parcelle nominative ainsi qu’au partage d’espaces communs et d’expériences via des ateliers et des animations pour se retrouver dans la nature au cœur de la ville. Les parcelles sont entretenues par un Community Farmer, ingénieur agronome de formation, et sont composées de fruits et légumes locaux, de saison, cultivés en mode de production bio. Peas&Love propose des variétés de légumes et salades que l’on ne trouve pas en magasins, réintégrant des variétés oubliées, pour affirmer l’importance de la biodiversité dans l’alimentation.
Pour donner vie à ces potagers urbains, l’entreprise s’appuie sur les nouvelles technologies. D’un côté, elle met en place des techniques agricoles verticales low tech. De l’autre, elle propose à l’usager une application personnalisée, lui permettant de suivre l’avancée des cultures et des récoltes sur sa parcelle personnelle. Les abonnés ont ainsi accès à un espace vert exceptionnel au cœur de la ville, et dans le même temps à une alimentation plus saine et variée.
En optimisant la valeur du bâtiment, Peas&Love séduit également les propriétaires, bailleurs et collectivités qui bénéficient de son attractivité et de son intégration réussie dans la ville. Le concept s’inscrit dans une démarche d’économie circulaire et crée en prime de nouveaux liens sociaux.
« Le concept Peas&Love est né de la rencontre de mes deux passions pour la nature et la cuisine saine », explique le fondateur Jean-Patrick Scheepers. « Nous avons à présent démontré la pertinence du modèle économique et nous voyons grand pour Peas&Love avec une prévision de 4000m2 de fermes au premier semestre 2018 répartis entre Bruxelles et Paris, avant de nous étendre dans toute la France et à Berlin pour 2019. »
La société, fondée par Jean-Patrick Scheepers, a ouvert son premier site à Bruxelles en 2016 sur le toit du magasin Caméléon avec 200 parcelles de potagers. Le 7 février 2018, les travaux ont débuté pour augmenter la surface de la ferme, qui ouvrira dès ce printemps 260 parcelles au public.  En parallèle, Peas&Love annonce une nouvelle ouverture à Lasne, quartier au sud de Bruxelles, le 1er mai. La ferme se situera cette fois-ci sur un terrain agricole, créant une nouvelle utilisation de ce type de surface, et proposera 300 parcelles au public.
Une première ouverture à Paris est également prévue le 1er mai 2018 sur le toit de l’hôtel Yooma dans le 15ème arrondissement..
Aujourd’hui, l’agriculture urbaine constitue un moyen d’apporter plus de résilience, de résistance aux crises, à la ville en intégrant la production alimentaire dans l’aménagement urbain. Elle constitue un outil multifonctionnel pour développer, paysager une ville dense et limiter l’étalement urbain. Elle permet également un rapprochement entre urbains et ruraux, une meilleure compréhension du monde de la production par les citadins et réciproquement, ainsi qu’un plus grand respect mutuel. Elle conduit aussi à de nouvelles réflexions à l’échelle de l’aménagement de quartiers nourriciers, avec de nouveaux types de parcs qui mêlent à la fois agriculture et paysage, mais aussi à l’échelle intercommunale à l’image du Triangle Vert de l’Essonne. Cela demande aussi de nouvelles compétences pour les paysagistes concepteurs, les entreprises du paysage, les producteurs. Des évolutions en termes de réglementation,  de logiques foncières et de nouvelles formes de gouvernance sont déjà en train de se mettre en place.
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« Paris se mange ! » : 20 lieux incontournables de l’agriculture urbaine par Côme Bastin – Publié le 5 Novembre 2014

« Paris ville comestible », de Gaëtan Laot, aux Editions Christine Bonneton : 100 lieux dédiés à l’agriculture urbaine en Île-de-France. Jardins partagés, vignes urbaines ou toits-potagers 

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