Comme chaque année, le Massassuchet Institute of Technology livre dans sa publication, MIT Technology Review, les dix innovations disruptives de l’année. Cette sélection est à regarder avec attention car, en général, le MIT a le nez fin. L’année dernière il avait cité CRISPR, la fusée réutilisable ou la voiture autonome de Tesla. Autant d’innovations qui ont fait la une des médias en 2016. Le millésime 2017 est particulièrement éclectique. Revue de détail des innovations qui impacteront immanquablement, dans les dix ans qui viennent, l’économie, la politique, la médecine et certainement aussi la culture.
Disponibilité : 10 à 15 ans
Le MIT note les progrès fulgurant des scientifiques en matière d’implants cérébraux destinés à rétablir la liberté de mouvement que les blessures de la moelle épinière peuvent engendrer.
Il y a quelques années, des animaux de laboratoire et quelques cobayes humains pouvaient actionner des bras robotiques uniquement par la pensée grâce à des implants placés dans le cerveau. Ces dispositifs permettaient de comprendre l’ « intention » du sujet. Désormais, ces implants sont reliés directement à des stimulateurs électriques placés dans le corps, contournant la partie de la moelle épinière blessée et créant ainsi un « pontage neurologique ». Un essai réalisé à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) sur une personne tétraplégique a montré qu’un patient parvenait à ouvrir et fermer sa main.
Les progrès attendus dans ce domaine sont nombreux mais un des plus spectaculaires est certainement ce boitier compact, le neurocomm, qui pourrait collecter les informations du cerveau à la vitesse des meilleures connexions internet pour déclencher des actions musculaires par exemple.
Disponibilité : 5 à 10 ans
Le temps des poids lourds se déplaçant sur nos autoroutes sans aucun chauffeur au volant se rapproche. L’idée fait son chemin car la part la plus importante du trajet d’un poids lourds se fait sur autoroute. Sur celle-ci, la conduite autonome est beaucoup plus facile à mettre en œuvre que pour un véhicule roulant en ville. De plus, les bénéfices économiques sont certains. Les camions pourraient ainsi se coordonner entre eux et adopter un mode de déplacement optimal par rapport aux conditions extérieures comme la météo ou la circulation. De plus, les chauffeurs, car il y en aura toujours un à bord, pourront récupérer pendant les trajets autoroutiers pour être frais et dispos sur les trajets plus complexes.
Des startups comme Otto promettent déjà aux États-Unis d’équiper n’importe quel camion pour 10 000 $. Les grands constructeurs comme Volvo ou Daimler s’intéressent de près à cette technologie.
La question qui se pose reste toutefois l’impact de ce type d’innovation sur l’emploi des chauffeurs routiers. Ils sont plusieurs millions à travers le monde qui pourraient être remplacés par des dispositifs automatiques intelligents.
Disponibilité : maintenant
Déjà en Chine, les systèmes de reconnaissance faciale sont utilisés pour authentifier des paiements, pour permettre l’accès à des bâtiments sécurisés ou pour traquer des criminels. Cette technologie est intensivement traitée en Chine par des startups comme Face++ ou des opérateurs comme Alibaba ou Baidu. Il est vrai que la reconnaissance faciale simplifie grandement les authentifications par rapport aux autres systèmes existants. D’autant que les progrès de l’intelligence artificielle augmentent les potentialités de cette technologie.
120 millions de chinois la pratiquent quotidiennement et inventent chaque jour de nouveaux usages comme par exemple la vérification de l’identité d’un chauffeur de VTC. Des usages qui laissent encore de nombreux pays, plus sourcilleux du respect de la vie privée, sur la réserve. Mais les chinois adorent, surtout quand ils se font interpeller par leur nom quand ils entrent dans une boutique ou un restaurant parce qu’ils ont été automatiquement reconnus par l’algorithme de reconnaissance faciale.
Disponibilité : 4 à 5 ans
Dans les laboratoires d’Intel, de Google, d’IBM, de Microsoft et autres grands noms du digital, on jubile car on sait que l’ordinateur quantique, qui décuplera dans des proportions inimaginables les capacités des machines actuelles, est en train d’arriver. Et il n’est pas loin.
Sur le papier, cela fait longtemps que l’on parle d’ordinateur quantique. Ce type de machine ne travaille pas sur des bits qui prennent soit la valeur 1, soit la valeur 0, mais sur des qubits, des bits quantiques, qui peuvent prendre à la fois la valeur 1 et 0. Cette petite différence multiplie considérablement les puissances de calcul. De très nombreux domaines comme le cryptage, la science des matériaux ou l’intelligence artificielle seront alors impactés. Mais jusqu’à présent les qubits étaient trop instables. C’était sans compter sur le génie de chercheurs néerlandais du laboratoire QuTech de Delft, qui sont parvenus grâce à l’utilisation de quasiparticules découvertes en 2012, à résoudre le problème de l’instabilité des qubits. Cette avancée ouvre la voie à la fabrication de circuits quantiques sur des puces en silicium, ce qui augmenterait encore le champ des usages. Le chercheur hollandais à l’origine de cette découverte, Leo Kouwenhoven, a été immédiatement embauché par Microsoft qui, comme ses confrères Google, Intel et autres, se sont résolus à investir copieusement dans ce domaine.
Ce faisceau de faits conduit le MIT à décider que, cette année, l’ordinateur quantique pouvait entrer dans son top 10. Jusqu’à présent il était recalé avec la mention : « pas encore prêt ».
Disponibilité : maintenant
Les caméras bon marché permettant de faire des images sphériques à 360° ouvrent, selon le MIT, une nouvelle ère dans la photographie et changent la façon dont les gens partagent leurs histoires.
Ces caméras, disponibles depuis 2016, donnent un coup de vieux à tout ce qui existait auparavant et en particulier les GoPro. Les films 360° sont en train de devenir un standard des photos de vacances. La façon de tourner des documentaires ou de photographier change complètement. Avec ce type d’image, il suffit de déplacer le curseur d’une souris ou, mieux, passer son doigt sur l’image pour orienter le regard sur l’ensemble global de la scène. Devant, derrière, au-dessus, au-dessous.
L’innovation est radicale car, jusqu’à présent, il fallait synchroniser plusieurs caméras pour obtenir une image périphérique ou acquérir un matériel hautement spécialisé et onéreux. Désormais, on peut obtenir le même effet pour moins de 350 euros avec par exemple le Ricoh Theta. Les journalistes du New York Times ont couvert les dégâts d’un ouragan en Haïti ou un camps de réfugié à Gaza en images 360° en utilisant un simple Samsung Gear 360, vendu pour 350 $.
Une innovation de rupture permise par les progrès de la miniaturisation des caméras et par la baisse des coûts des capteurs d’images. Jeffrey Martin, le fondateur de la startup Sphericam explique pourquoi ces technologies sont accessibles au plus grand nombre : « Il y a des capteurs qui coûtent maintenant 1 $ au lieu de 1000 $ parce qu’ils sont utilisés dans les smartphones. Les économies d’échelle produites sont incroyables ».
Disponibilité : 10 à 15 ans
Ce nouveau dispositif de captation de l’énergie solaire convertit la chaleur en faisceaux focalisés de lumière. Une énergie bon marché et continue appelée à remplacer les (déjà) bons vieux panneaux solaires. Ces derniers, que l’on voit de plus en plus fréquemment sur les maisons ou édifices, sont fabriqués à partir de plaques de silicium ; ils sont encombrants, coûteux et finalement assez inefficaces.
En effet, leur constitution physique ne leur permet d’absorber qu’une petite partie de l’énergie dans la lumière du soleil.
Mais une équipe du MIT a construit un autre type de dispositif d’énergie solaire en transformant d’abord la lumière du soleil en chaleur, puis en la reconvertissant en lumière concentrée sur un spectre précis du champ électromagnétique. Alors qu’un panneau solaire traditionnel convertit au maximum 30 % de la lumière solaire en énergie, ces nouveaux dispositifs atteignent un taux de 60 %. Et les recherches ne sont pas encore abouties. Les scientifiques pensent encore améliorer ce résultat. Cerise sur le gâteau, les chercheurs sont parvenus, en outre, à stocker la chaleur pour la restituer en électricité la nuit.
Disponibilité : maintenant
La thérapie génique est un vieux rêve de la médecine. Elle consiste à administrer à une personne atteinte d’une maladie génétique un « gène médicament ». Celui-ci est la copie saine du gène défectueux ; il est transporté pour être placé là où il faut par un vecteur : un virus rendu inoffensif.
Aujourd’hui ce rêve est en train de devenir réalité. Les startups et sociétés de biotechnologies sont de plus en plus nombreuses à investir ce domaine d’activité. Elles s’appellent Spark Therapeutics, BioMarin, BlueBird Bio, GenSight Biologics ou UniQure, et leur persévérance commence à porter ses fruits. Certes nous n’en sommes qu‘au début, mais déjà trois traitements sont sur le marché en Europe et en Chine. Les prix sont encore prohibitifs, puisque l’un d’entre eux comme le Strimvelis produit par GalxoSmithKline contre des maladies immunodéficientes coûte 625 000 euros par personne. Le labo consent cependant une garantie de résultat et offre le remboursement du traitement en cas d’échec.
Plus de 2000 essais cliniques sont en cours, poussant les prix vers la baisse et augmentant les chances de démocratisation de ce type de traitement.
Notons enfin que ce type de médecine ciblée vers les maladies génétiques rares pourrait aussi bien s’appliquer à d’autres maladies plus répandues comme Alzheimer, les diabètes, des cancers et certaines pathologies cardiaques.
Disponibilité : 5 ans
Le prochain méga-projet de la biologie sera de comprendre précisément de quoi nous sommes faits.
En 1665, Robert Hooke pointa son microscope sur un morceau de liège. Et quelle ne fut sa stupéfaction de découvrir « des petites boîtes » qui lui rappelaient les cellules de moines d’un monastère. Sa découverte prend aujourd’hui une autre allure puisque les scientifiques veulent bâtir un atlas des 37200 milliards de cellules dont nous sommes constitués.
Chaque cellule sera « géolocalisée » et classée en fonction de son activité génétique. Cet atlas fournira aux médecins et aux chercheurs un modèle inédit qui leur permettra sans aucun doute d’accélérer leurs recherches.
Un consortium réunissant des scientifiques des États-Unis, du Royaume-Uni, de Suède, d’Israël, des Pays-Bas et du Japon (pas de Français) s’est constitué. Pour remplir leur objectif, les experts utiliseront des technologies innovantes : la microfluidique cellulaire, grâce à laquelle chaque cellule peut être séparée et analysée séparément ; l’identification des gènes actifs d’une simple cellule en décodant son génome ultra rapidement (10 000 cellules par un seul scientifique) et pour quelques centimes ; l’« étiquetage » de chaque type de cellule grâce à un « zip code » spécifique. En Septembre, Mark Zuckerberg avait fait de cet atlas cellulaire l’objectif principal de ses trois milliards de dollars de dons pour la recherche médicale.
Disponibilité : maintenant
Tout n’est pas rose dans le monde de l’innovation. La poussée irrésistible qui veut apporter toujours plus de connectivité au moindre de nos objets du quotidien crée des effets secondaires dangereux qui préfigurent le pire.
On connait depuis longtemps les problèmes de piratage d’Internet. Mais avec la démultiplication des objets connectés, des webcams à la portée de tous, ou des options d’automatisation de nos voitures, les pirates s’en donnent à cœur joie. Tous ces objets peuvent être piratés, pour la plupart, sans le moindre effort.
En octobre dernier un botnet (logiciel malveillant) a pénétré plus de 100 000 objets connectés ; des gadgets apparemment inoffensifs. Résultat : Dyn, un des plus gros fournisseurs d’accès à Internet est abattu. Dans sa chute, une liste impressionnante de sites web parmi lesquels on compte Netflix ou Twitter disparaissent un temps d’Internet.
Comment cela a-t-il été rendu possible ? Le botnet, en infectant des milliers d’objets à la fois, voit sa puissance décuplée. Une force de nuisance qui peut s’avérer terriblement dangereuse. La mode des objets connectés n’étant pas près de se tarir, les pirates peuvent ainsi redoubler d’imagination.
Disponibilité : 1 à 2 ans
En expérimentant tout seul, les ordinateurs apprennent des choses que les programmateurs ne leur ont jamais enseignés.
Il y a un peu plus d’un siècle, le psychologue Edward Thorndike avait enfermé une centaine de chats dans des boîtes. Les malheureuses bestioles ne pouvaient sortir de leur prison qu’en actionnant un levier. À force de miaulements et d’essais-erreurs, les chats voyant que l’action sur le levier produisait un effet, se mirent à répéter le geste jusqu’à ce qu’une grande majorité d’entre eux se libèrent tout seul. Ce mécanisme de d’apprentissage par renforcement s’applique maintenant aux intelligences artificielles.
C’est en se fondant sur ce principe que l’ordinateur AlphaGo a battu les meilleurs champions de jeu de Go. En combinant l’apprentissage par renforcement avec le « deep learning », c’est-à-dire des procédures d’apprentissage profond s’appuyant sur des réseaux de neurones, les intelligences collectives font des progrès spectaculaires. C’est ainsi que la voiture autonome peut prendre seule des décisions ou les systèmes de consommations énergétiques être optimisés en temps réel.
Source : MIT Technology Review, IT Industrie & technologies
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