Le salon Innorobo ouvrira ses portes du 16 au 18 mai prochain, sommet international de l’innovation et de la transformation robotique en Europe. Une 7ème édition centrée sur les usages des technologies robotiques au service de l’industrie et des hommes mais avec un Appel aux Innovations robotiques pour accélérer vers leur marché les technologies qui contribuent concrètement à une humanité durable. Une opportunité d’échanges et de réflexions sur la place de l’intelligence artificielle dans notre monde, face aux nombreux défis d’accélération de la robotique.
L’intelligence artificielle ne date pas d’aujourd’hui ; elle voit le jour précisément en 1956 lors d’un séminaire dans le New Hampshire. Le docteur en informatique John McCarthy, enseignant au MIT, invente le concept d’IA en annonçant que l’apprentissage, comme l’intelligence peuvent être modélisés sous forme d’algorithme puisqu’il est possible de décrire très précisément leurs formes et caractéristiques.
Depuis, l’IA s’est développée, les nouveaux algorithmes (systèmes experts notamment) dans les années 80 en sont un bon exemple. Mais les raisons pour lesquelles l’IA revient en force aujourd’hui sont toutes autres : Tout d’abord, la puissance de calcul est passée de 1,07 téraflops (c-a-d nombre d’opérations en virgule flottante par seconde) en 1997 à 93,01 pétaflops en 2016 et ces supercalculateurs devraient atteindre l’exaflop en 2020. En parallèle, les technologies de récupération et traitement de données (Big Data) ont été développées et diffusées sur Internet notamment mais aussi via nombre de capteurs intégrés à nos téléphones ou aux objets connectés. Ces gigantesques bases de données mêlées à l’augmentation des capacités de stockage et des nouvelles méthodes d’analyses et de traitement comme le Deep learning sont au cœur de la transformation de l’IA ces dernières années. Le champ des possibles s’est ouvert « technologiquement » et avec lui, le potentiel de transformation de la société toute entière. Il n’est donc pas étonnant que ce soit une nouvelle priorité pour les entreprises et les institutions.
Selon une récente enquête d’Oracle HCM menée par BI Studios auprès du monde de l’entreprise aux USA et en Europe, 78 % des personnes interrogées pensent que l’avènement des robots et intelligences artificielles affecteront leurs activités d’une façon ou d’une autre au cours des trois prochaines années. L’enquête a mis en lumière quatre points clés : 63 % des répondants pensent que la robotique aura un impact sur leur secteur d’activité au cours des trois prochaines années. Les Français sont les plus convaincus (70 %), et les Allemands le sont le moins (57 %).
La répercussion sur la création d’emploi due à l’automatisation des postes de travail semble être une inquiétude largement partagée, surtout en Allemagne (69 %) et aux Pays-Bas (69 %).
Sur l’ensemble des personnes interrogées, 20 % pensent que le nombre de postes créés sera supérieur, et 40 % pensent qu’il sera inférieur. Si c’est une perte nette de postes qui est attendue, c’est peut-être parce que l’on pense que les employés auront du mal à se réinventer assez rapidement pour surmonter cette perturbation.
Les plus grands obstacles seront la résistance organisationnelle et les compétences : le manque de compétences sera le plus grand obstacle à l’adoption de nouvelles technologies.
Alors que des études prévoient la disparition de millions de postes au profit de robots d’ici 2020, les entreprises qui s’approprient l’automatisation et les nouvelles technologies pourront recentrer leurs ressources sur le développement d’idées innovantes.
Un enjeu économique, bien sur
En 2016, 1600 start-ups à travers le monde se sont créées sur l’IA . Estimé à 643 millions de dollars en 2016, le marché de l’intelligence artificielle devrait dépasser 38,8 milliards en 2025. C’est un véritable enjeu économique et les États-Unis, la Chine et la Corée du Sud l’ont bien compris puisqu’ils en ont fait une de leur priorité. D’autres pays inscrivent l’IA comme axe stratégique et les annonces fleurissent dans les média.
La Corée du Sud a annoncé un plan IA doté de 800 millions d’euros sur 5 ans dans le cadre duquel un centre de recherche national sera créé sous la forme d’un partenariat public-privé.
En Chine, dans le cadre de son plan Internet+, un fonds spécifique en IA de 140M€ est mis à disposition de l’Académie des sciences.
Quant au Japon, l’ouverture de deux nouveaux centres de recherche en IA fondamentale et appliquée en 2016, avec des investissements respectifs de 57M€ et 157M€, témoigne de l’intérêt prioritaire du gouvernement japonais.
Un enjeu sociétal, évidemment
Déjà omniprésente sur Internet, ne serait-ce que par brique, l’IA continue d’avancer dans de nombreux champs d’applications. Elle a déjà transformé la bourse et le métier de « broker ». Elle transforme les pratiques marketing sur Internet en permettant une personnalisation des offres. Elle est de plus en plus intégrée dans le monde médical qui devient plus prédictif et préventif, en amont de la médecine curative. Elle commence à entrer dans le monde du retail, « hospitality » et tourisme pour une relation Client/marques réinventée. Elle est expérimentée dans le domaine de l’éducation avec, par exemple, l’algorithme de curiosité de l’équipe de recherche INRIA Flowers et son robot Poppy. Elle modifie profondément toute la filière de la sécurité, surveillance et maintenance. Elle peut contribuer à l’accélération de la mise sur le marché des véhicules autonomes, de produits et services destinés à l’assistance aux séniors, etc.
Quelques exemples d’IA appliquée à différents domaines :
Dans le domaine médical, elle peut prévenir les crises cardiaques grâce à un logiciel développé par l’Imperial College à Londres. En créant des cœurs virtuels en 3D, elle peut prévenir les insuffisances cardiaques en détectant les signes de défaillance. 20% plus efficace que les cardiologues, elle pourrait bien sauver des vies.
L’entreprise Sentient Technologies fondée par le français Antoine Blondeau a développé une plateforme, inspirée de la méthode OODA (Observe, Orient, Decide and Act), capable de détecter une septicémie trente minutes avant qu’elle ne se déclenche.
Dans la surveillance/sécurité, en Angleterre, Cambridge Analytica a créé un logiciel qui cible le comportement. Il permet de savoir en quelques clics qui nous sommes (âge, métier, hobbies) pour nous envoyer de la publicité adaptée.
Aux États-Unis, la société Flowcast permet aux banques de décider à qui prêter de l’argent grâce à un logiciel qui analyse les probabilités de retard de paiement.
L’IA crée de nouveaux services, de nouveaux usages et donc de nouveaux métiers. Elle en fait évoluer d’autres. L’IA est une technologie d’usage général (GPT – General Purpose Technology) comme l’est également la robotique.
L’Europe est en retard dans l’installation d’une stratégie globale pour l’IA. Pourtant, elle n’est pas démunie puisque la France produit de nombreux talents, des spécialistes des mathématiques, et que l’Allemagne est expert dans la robotique et les machines-outils.
Il est possible de déployer une politique qui ferait de ce domaine technologique la priorité numéro un.
Et la France ?
En France, plus particulièrement, depuis plusieurs mois, de nombreux acteurs, des groupes de réflexion et des institutions se sont emparés des enjeux de l’IA.
De nombreux document ou autres initiatives en résultent :
Des colloques : celui de l’Académie des Sciences ou celui de la Commission Supérieure du Numérique et des Postes qui a été organisé le 14 février à l’assemblée nationale. Un dîner sous l’égide de l’IEEE et la Présidence de Mme Mady Delvaux Stehres, élue du Parlement européen s’intéresse à l’éthique en matière d’intelligence artificielle et de systèmes autonomes,etc.
La création de groupes : Le CNRS met en place un nouveau Groupe de Recherche en Intelligence Artificielle présidé par le Professeur Sébastien Konieczny, qui développe un champ de recherche pluri-thématique portant sur des fonctions de perception, de décision, de mouvement, d’action, de communication et d’interaction entre le robot en son environnement : les autres robots, les hommes et les systèmes d’intelligence ambiante.
Des groupes d’échange comme Paris AI accueillent de plus en plus de membres. L’IEEE développe une initiative globale pour les considérations éthiques de l’IA et les systèmes autonomes (http://standards.ieee.org/develop/indconn/ec/autonomous_systems.html).
Des rapports de toutes sortes : l’INRIA (Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique) a proposé son livre blanc ; le rapport de l’Institut Mines-Telecom aborde les différentes formes d’intelligence artificielle dans une publication récente, et plusieurs ouvrages de référence sont parus récemment. France Stratégie publie un rapport en mars 2017. Sans opublier le rapport « France Intelligence Artificielle » du 21 mars 2017 par le Gouvernement.
D’autres initiatives : de très nombreuses soirées thématiques sont organisées dans divers lieux d’innovation ; le fonds ISAI (Fonds d’investissement des entrepreneurs internet) a lancé l’initiative « France is AI7 » et a proposé une cartographie interactive des startups en IA.
Pour soutenir la dynamique française autour de l’IA, le secrétaire d’Etat chargé de l’Industrie, du Numérique et de l’Innovation et le secrétaire d’Etat chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ont lancé, le 20 janvier 2017, la démarche #FRANCE IA.
Cette démarche de mobilisation de toute la communauté française de l’intelligence artificielle a pour objectif principal l’élaboration d’une stratégie destinée à confirmer la place de la France au premier plan de l’IA, tout en facilitant l’appropriation des technologies par le tissu économique et en répondant aux craintes souvent exprimées sur la rapidité de ces changements.
L’OPECST (Office Parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques a adopté à l’unanimité le mois dernier un rapport relatif à l’IA intitulé « pour une intelligence artificielle maîtrisée, utile et démystifiée » (www.senat.fr/opecst) avec quinze propositions concrètes.
Quel est le constat ? Quelles en sont les causes ?
La recherche se porte bien, mais les avancées technologiques ne sont pas toutes transférées/transférables dans l’industrie ou les entreprises.
Les causes sont diverses : manque de personnel pour les tests, contraintes juridiques lourdes et surtout infrastructures de calcul puissantes qui ne sont pas toujours existantes ou disponibles.
Si le cloud computing, c’est-à-dire l’exploitation des données en stockage notamment via internet, est présenté comme la solution, il faudrait une solution fiable, et de préférence européenne qui puisse garantir la sécurité des données.
Le besoin d’un volume massif de données prétraitées reste également un problème. En effet, la confidentialité étant au centre des débats, cette ressource est donc rare.
Malheureusement, peu de données sont disponibles en langue française pour alimenter les phases d’apprentissage des machines. Le prétraitement de données brutes est également très coûteux.
S’agissant du tissu industriel, la France dispose d’un ensemble de start-ups dynamiques mais hétérogènes. D’autant plus que certains domaines d’application restent insuffisamment couverts (sécurité, maison connectée, finance, assurance, etc.) alors qu’ils présentent des enjeux importants sur le plan économique ou pour la souveraineté nationale (ex : domaine de la sécurité). L’émergence de start-ups dans ces domaines doit être soutenue. La formation des experts est aussi une nécessité.
Les métiers émergents liés à l’intelligence artificielle
Loin de la peur du robot qui remplace l’homme, l’IA fait émerger de nouveaux métiers.
Parmi eux, des développeurs informatiques appelés à être des intégrateurs d’IA, des spécialistes « métier » capables d’organiser le problème à résoudre pour le rendre accessible aux solutions techniques existantes, et des chefs de projets intervenant de manière transversale sur le développement, l’intégration, et la maintenance des systèmes d’IA.
Beaucoup de chercheurs et ingénieurs français formés partent à l’étranger, ce qui laisse un grand vide dans la recherche et le développement. L’objectif est donc de renforcer l’attractivité de l’écosystème français.
Quelles sont les recommandations du gouvernement français ?
Afin de faire de l’intelligence artificielle la priorité numéro un en France, il souhaite se diriger vers une politique de soutien à la recherche pour l’IA et son transfert vers l’industrie grâce à une vision systémique, c’est-à-dire anticiper les conséquences sur l’emploi, la société, l’éducation, etc. En disposant d’un environnement propice au développement de l’intelligence artificielle, comme la disponibilité des données dans un cadre protecteur, il est possible de mener une politique de transparence, sensibilisation et information à l’IA.
Le but étant de devenir un pays leader dans ce domaine en Europe, que la France soit reconnue comme terre d’accueil pour les start-up IA européennes et ainsi faire naitre des leaders emblématiques qui structureront la filière.
Nous vivons l’émergence et la convergence de technologies de rupture sans précédent. Ne serait-ce qu’en considérant la robotique et l’Intelligence Artificielle, le potentiel de transformation de la société est extraordinaire. Il nous faut réfléchir à tous les niveaux avec de nouveaux modes de pensées, nous affranchir de nos peurs et de nos fantasmes, mais aussi d’une réflexion linéaire basée sur l’extrapolation de tendances. Il s’agit d’adopter des outils à la hauteur des changements à venir. A Innorobo, il sera donc possible d’explorer les futurs par l’outil prospectif dont un des experts reconnus internationalement est Mr Riel Miller (Unesco). Il s’agit d’utiliser un autre regard sur les futurs pour prendre des décisions d’actions au présent.
Source : Innorobo
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