Dictionnaire amoureux de l’inutile, de François et Valentin Morel – Edition Plon, décembre 2020 – 544 pages
Le Dictionnaire amoureux de l’inutile recense tout ce qui semble ne servir à rien et qui pourtant paraît incontournable. Un art dans lequel François et son fils, Valentin, Morel excellent.
Ce livre serait une promenade joyeuse, drôle, iconoclaste dans nos souvenirs, nos émotions aussi futiles que solides. Faire des ricochets au-dessus de la rivière, des cocottes en papier, des canulars, s’interroger sur la fossette de Kirk Douglas, la coiffure du président Giscard d’Estaing, l’expression » peigner la girafe « , se rappeler les petits trains électriques, la guitare de Tino Rossi, les télégrammes de première et les speakerines de la télévision…
Ce serait un livre impossible, tant la notion d’inutile est sujette à caution. L’homme est-il plus utile que la langouste ? La pomme de terre est-elle plus indispensable que le liseron ? L’idiot du village moins nécessaire que le membre de l’Institut ?
Ce serait un livre qui musarderait, vantant les mérites de la grasse matinée et des contrepets dans les discours des ministres, le plaisir d’écouter la météo marine quand on est sous la couette, la virtuosité des joueurs de yoyo.
Un livre aussi indispensable qu’inutile.
François Morel a les cheveux bruns. C’est un garçon. Il aime les écharpes, la viande rouge, le dessinateur Chaval et l’humoriste Raymond Devos. Il s’étire en se réveillant, il est amusant et discret, habiter en banlieue ne lui fait pas peur, il a des amis belges, il sait jouer la comédie, il a mille tours dans son sac, comme parler le nez bouché ou écrire des chansons, il est à l’heure aux rendez-vous, il est travailleur mais il garde l’esprit léger dans l’effort, il chante aussi et sait faire encore des centaines d’autres choses, comme taper dans ses mains en rythme, ou faire un triomphe à l’Olympia avec son spectacle La Vie, titre provisoire. Il parle aussi à la radio, le vendredi matin sur France Inter. Beaucoup de gens l’écoutent et sont contents. Très même. Il a la drôlerie des années 1950 mêlées à l’humour d’aujourd’hui. Il a joué dans » Les Deschiens « , qui n’étaient pas seulement de Jérôme Deschamps comme on le dit souvent mais de lui aussi. Il peut être méchant comme les vrais gentils. (texte de Jean-Michel Ribes)
Valentin Morel est spécialiste de l’Inutile : après un bac Littéraire obtenu sans mention, il fait une école de cinéma privée avec l’espoir de devenir réalisateur. Après quelques stages sur d’oubliables téléfilms, il part en Belgique faire un master en écriture scénaristique qui ne lui permet pas plus de devenir scénariste. De retour en France, il devient intermittent et gagne sa vie comme troisième assistant réalisateur (métier consistant à servir des cafés à des acteurs et à faire se presser coiffeurs, habilleurs et maquilleurs), ce qui lui permet de se lier d’amitié avec Jean-Pierre Bacri, Michel Leclerc, Baya Kasmi, Isabelle Gélinas et plein d’autres personnes tout aussi charmantes. À l’âge de trente ans, bien que légèrement dégarni et bedonnant, il écrit quelques chansons d’amour et souhaite devenir chanteur de RnB. Il sait trouver sur internet des tas de connaissances dont il pourrait se passer, il a le projet de s’inscrire dans une salle de sport et, il faut le savoir, plie régulièrement son père au ping-pong. Son père qui, en 2017, le voyant désœuvré, lui impose d’être son co-auteur pour l’écriture d’un dictionnaire amoureux de l’Inutile, ce qu’il accepte avec joie.
Dictionnaire et amoureux sont deux termes a priori contradictoires, sinon incompatibles. L’amour et la passion peuvent-ils vraiment s’épeler et, plus encore, se décliner de A à Z ? Et pourtant chaque auteur publié dans cette collection a été souvent surpris par l’inventaire personnel auquel il s’est livré, tout autant que par l’aspect récréatif d’un tel travail. Que l’auteur nous entretienne d’un paysage, d’une ville, d’un livre, d’un auteur, d’un peintre ou d’un tableau, d’un film, d’un concept, il est le maître d’œuvre d’un lieu de rencontre privilégié qui devient très vite, comme par enchantement, une aire ludique où l’affectif et le vécu occupent une place prépondérante. Quand un écrivain conjugue culture et passion, cela entraîne l’éblouissement de son lecteur.
Avec la collection des Dictionnaires amoureux, qui fête aujourd’hui ses vingt ans – riche d’un catalogue de près de 130 titres –, donnez du champ libre à votre propre culture, élargissez vos horizons et laissez-vous guider : vous ne regretterez aucune de ces flâneries tant elles sont intelligentes et réjouissantes.