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Les villes doivent changer de couleur pour affronter la surchauffe climatique

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La planète est en surchauffe et certains, comme le climatologue Jean Jouzel, prédisent que nous allons bientôt « griller à petit feu ». Certes, la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre est devenue un mantra, mais même si nous y parvenons ce sera sans doute trop tard. Il faut anticiper le choc climatique inévitable et mettre en œuvre des mesures d’adaptation et d’amélioration de notre résilience. C’est ce que font quelques rares villes dans le monde en adoptant des stratégies d’aménagement destinées à résister aux aléas climatiques à venir. C’est le cas en Australie où des métropoles changent littéralement de couleur en redécouvrant et transposant les vertus de l’eau et de la végétation. 
 

Avec des villes qui se densifient et s’étendent dans le monde entier, le réchauffement climatique constitue l’enjeu majeur de ce siècle pour les milieux urbains : ceux-ci pourraient accueillir près de 70 % de la population mondiale d’ici à 2050.

Nous vous proposons de voir ici comment certaines métropoles australiennes – comme Melbourne, Sydney ou Perth – ont déjà adopté des stratégies d’aménagement pour améliorer leur résilience aux aléas climatiques. La gestion de l’eau et des espaces verts y joue un rôle-clé, en particulier pour atténuer la formation d’« îlots de chaleur ».

Ce phénomène est récurrent au sein des villes : l’activité humaine, conjuguée à la bétonisation des espaces, s’accompagne d’une augmentation locale des températures, créant des microclimats.

Rien qu’en Île-de-France, les températures de Paris demeurent en moyenne 2 à 3 °C plus élevées que celles des zones rurales sur l’ensemble de l’année, avec un écart allant jusqu’à 10 °C ponctuellement.

Des espaces verts, « îlots de fraîcheur »

Les végétaux permettent de lutter efficacement, et sur le long terme, contre les températures parfois étouffantes de nos métropoles : les citadins s’amassant dans les parcs pour y chercher un peu de fraîcheur en été témoignent du pouvoir rafraîchissant de la nature en ville.

Au premier rang de cette lutte, les arbres exercent un rôle important de régulateur thermique. Grâce à l’évapotranspiration (qui désigne l’émission d’eau via les pores des feuilles) et à l’ombre qu’ils produisent, ils gardent les rues fraîches et empêchent le stockage de la chaleur du soleil dans le bitume au cours de la journée. Une étude menée par le Lawrence Berkeley National Laboratory estime que la présence d’arbres en milieu urbain permettait une réduction de la climatisation des espaces allant jusqu’à 40 %.

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Détente à l’ombre des arbres des jardins de Fitzroy, à Melbourne, situé à deux pas du centre-ville. 

Il en va de même pour les toitures et murs végétalisés, qui permettent une meilleure isolation des bâtiments en captant l’énergie du soleil, assurant une inertie thermique plus importante.

À plus grande échelle, les espaces verts et parcs ont le pouvoir de créer de véritables îlots de fraîcheur au cœur des villes : ils favorisent l’aération des espaces et viennent endiguer les îlots de chaleur. Avec des espaces conçus de manière cohérente, des trames vertes et bleues peuvent se dessiner : elles constituent des « couloirs » dans lesquels nature et ville cohabitent et permettent de circuler d’un point à un autre tout en restant « connecté » à la nature.

L’aménagement du parc linéaire des berges du Rhône, à Lyon, constitue un bon exemple de ce type de circulation, de même que les ensembles de parcs et promenades le long de la Yarra River à Melbourne ou de la Swan River, à Perth.

Les arbres jouent un rôle précieux dans la protection contre la chaleur et la gestion des eaux de pluie dans les villes. 

Outre leur rôle de régulateur thermique, les plantes constituent également des puits de carbone (elles captent le CO2 ambiant), des barrières contre les odeurs, les bruits et les particules fines. Et bien entendu, elles captent les eaux de pluie par leurs racines, limitant le ruissellement dans les rues. Cet aspect revêt une importance particulière au sein des villes sensibles au risque d’inondation.

Dans la lutte contre les épisodes caniculaires, les végétaux constituent de véritables « couteaux suisses » en matière d’aménagement urbain.

Les jardins Fitzroy occupent 26 hectares à l’est de la ville, apportant fraîcheur et agrément aux habitants et visiteurs. 

L’importance de la gestion de l’eau

La ressource hydrique s’impose par ailleurs comme un enjeu de taille dans nombre de métropoles confrontées à des difficultés croissantes d’approvisionnement en eau potable, comme c’est le cas pour Mexico, Le Cap, Pékin ou encore Perth.

C’est justement en Australie qu’est née une initiative innovante, avec la création en 2012 du Cooperative Research Center for Water Sensitive Cities au sein d’un programme de recherche national couvrant des thématiques environnementales, minières et énergétiques, médicales, agricoles et industrielles. Cet organisme a pour vocation de réunir les différents acteurs de la ville autour de la gestion intégrée du cycle de l’eau dans l’espace et la culture urbaine.

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La gestion intégrée du cycle de l’eau passe par des aménagements multifonctionnels : axes de communication mêlant modes de transport doux et cours d’eau, parcs inondables en cas de crue ou encore rues permettant de capter les eaux de pluie pour décharger le réseau d’évacuation… Ce mode de gestion inclut également de nouveaux principes comme la protection des écosystèmes, le recyclage des eaux usées, tout en plaçant l’humain au cœur de la réflexion urbanistique.

 

Des modèles de villes plus durables

Melbourne, Sydney et Adélaïde, classées parmi les « villes les plus vivables au monde » – respectivement 2e, 5e et 10e du classement 2018 effectué par The Economist – connaissent un réel changement d’approche en matière d’urbanisme, rendu indispensable par les pressions climatique et démographique de plus en plus intenses (vagues de chaleur, hausse du niveau des océans, densification de la population). Ces métropoles ont amorcé leur transition vers un modèle plus durable, résilient et vivable en adoptant le modèle des water-sensitive cities.

Elles mobilisent l’ingénierie environnementale et tous les acteurs de la ville pour dessiner des modèles urbains assurant des services écologiques, proposant des solutions alternatives d’approvisionnement en eau. En particulier, les espaces sont configurés de manière à récupérer les eaux de pluie pour les besoins d’arrosage et de nettoyage de la ville, évitant d’utiliser de l’eau potable pour ces usages. Les réseaux de distribution d’eau potable s’en trouvent ainsi soulagés.

Modélisation 3D de l’aménagement d’un espace public au sein d’une water-sensitive city

Ce concept de ville propose un changement de paradigme via la mobilisation d’outils techniques (surfaces poreuses, noues paysagères, dispositifs de rétention de l’eau) et institutionnels. La valorisation des milieux aquatiques de la ville permet d’appréhender la ressource en eau comme une potentialité et non plus comme une menace, pour mieux adapter la ville à son territoire.

On trouve également des exemples concrets de water-sensitive cities dans d’autres régions du monde, comme à Toronto qui développe d’importantes trames vertes et bleues autour de ses grands axes de communication. C’est le cas en Chine également avec la mise en place d’un programme de 16 villes nommées « cités-jardins écologiques » par le gouvernement. Kunshan, dans la banlieue de Shanghai, a par exemple amorcé une transition urbaine devant permettre de lutter contre les problèmes de trafic routier, de pollution de l’air, d’inondations et de chaleur urbaine.

Au-delà des problématiques de chaleur, les aménagements « verts et bleus » permettent aux villes de mieux respirer, de pérenniser leur approvisionnement en eau et leurs écosystèmes, tout en assurant le bien-être des populations. Ils offrent des perspectives pour répondre aux défis que posent le changement climatique et l’urbanisation, tout en appelant à reconsidérer la place de l’or bleu dans nos sociétés urbanisées.

Anas Ghadouani, Professor and Programme Chair, University of Western Australia et Lucas Marx, Master’s student in Urban Engineering, Monash University

Cet article est republié à partir de The Conversation partenaire éditorial de UP’ Magazine. Lire l’article original.

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