Un dernier sondage Ifop pour Ouest France confirme la confiance retrouvée des Français envers leurs agriculteurs. Il est temps … « La France a besoin de paysans heureux » affirmait en son temps un Chef d’Etat Français. « Nous sommes les enfants spirituels des vieux terroirs. C’est avec cette âme poussée comme l’herbe des champs que l’homme d’Occident a créé sa civilisation intellectuelle et morale ».
En parallèle, les consommateurs sont davantage méfiants à l’égard de l’appellation “Bio” et vigilants sur la composition des produits qu’ils achètent. Synthèse.
Le poète Paul Geraldy formulait son admiration pour le métier de paysan comme suit « Je suis de plus en plus frappé par la poésie des métiers qui sont des harmonies, qui sont des disciplines, qui sont ferveur, échange, amour, qui sont des petits mondes moraux… » (1).
En sommes-nous là aujourd’hui ? Car si les traits d’image associés aux agriculteurs tendent plutôt à s’améliorer, les Français n’apparaissent pas davantage disposés à les soutenir.
Les agriculteurs jouissent globalement d’une très bonne image au sein de l’opinion, les personnes interrogées soulignant leur importance en ce qui concerne la production alimentaire : ils estiment ainsi que les agriculteurs jouent un rôle majeur dans leur alimentation (90%), que le consommateur peut avoir confiance en eux (79%, +7 points par rapport à février 2020) ou encore qu’ils sont respectueux de la santé des Français (72%, +8).
Il convient également de souligner que les reproches qui leurs sont adressés par certains adeptes de l’ « agribashing » sont peu partagés par les Français : 72% de nos concitoyens estiment ainsi qu’ils sont soucieux du bien-être animal et 58% respectueux de l’environnement, items là aussi en progression par rapport à la période pré-Covid qui s’est traduite par une amélioration de l’image des agriculteurs qui ont continué de nourrir les Français malgré la pandémie.
Néanmoins, dans un contexte où il est beaucoup question du pouvoir d’achat des foyers, les consommateurs ne semblent pas être davantage en mesure de soutenir les agriculteurs : 69% (-3 points par rapport à 2020) seraient prêts à payer plus cher leurs produits alimentaires pour garantir à ces derniers un revenu correct, cette hausse consentie étant le plus souvent limitée à 5% (pour 43% des sondés).
Consommer plus de produits végétaux et moins de protéines animales, mais de meilleure qualité
Plus de 3 Français sur 4 (76%, +9 points par rapport à 2017) se disent prêts à diminuer leur consommation de protéines animales, choisissant d’en manger moins et privilégiant des produits de meilleure qualité, tant environnementale que gustative. La célèbre revue médicale The Lancet avait publié en janvier 2021 un long article à propos des conséquences de notre alimentation sur l’environnement et la santé.
Au-delà de privilégier la qualité à la quantité, les consommateurs semblent de plus en plus porter leur dévolu sur les produits végétaux : 48% estiment en manger davantage qu’il y a deux ans (61% des sympathisants EELV), contre seulement 5% qui en consomment moins qu’avant. De plus, si cette tendance semble se stabiliser, elle devrait se poursuivre pour certains : 42% (-8 points par rapport à 2017) prévoient de manger davantage de produits végétaux dans les années à venir.
La consommation de produits « Bio » est en léger recul, les consommateurs affichant davantage de méfiance envers la filière
Bien qu’ils soulignent largement le développement de la filière « Bio », estimant qu’elle est désormais plus diversifiée et plus présente dans les points de vente, les consommateurs semblent de plus en plus vigilants à l’égard des produits étiquetés comme tels. En effet, au-delà de son prix jugé encore trop élevé (91%), les Français font de moins en moins confiance à l’appellation « Bio » sur les produits alimentaires (52%, -18 points par rapport à 2008 !). Cette crise de confiance se traduit en termes de consommation : si 84% des personnes interrogées achètent des produits « Bio », cette proportion n’évolue quasiment plus depuis dix ans et la part de ceux qui en achètent très souvent est passée de 21% à 16% en un peu plus d’un an.
Le bio n’a jamais fait débat et s’est imposé dans les esprits et les pratiques comme une évidence. En juin 2020, l’Agence bio qui scrute ce marché depuis plusieurs années, publiait un nombre impressionnant de records. Explosion du nombre d’exploitations agricoles bio, élargissement de la gamme des cultures devenues encore plus vertes, boum significatif de la consommation et intérêt grandissant des distributeurs pour un marché promis d’être juteux. Le gouvernement n’était pas en reste et annonçait à grand coups de slogans de communication l’objectif de convertir 15 % des exploitations au bio d’ici 2022. Hélas, un rapport sénatorial est sorti depuis qui a refroidit les esprits. Une ambition « hors d’atteinte », écrivent les rapporteurs, qui condamnent les effets de manche de l’État et l’absence de moyens et de coordination pour atteindre ces objectifs : selon eux, l’objectif de 15 % des terres agricoles devenues bio en 2022 est intenable. Nous n’y arriverons pas avant au moins 2026, disent-ils.
L’une des raisons de ce rétropédalage est comme toujours budgétaire. Les financeurs du bio sont la plupart du temps éparpillés entre une multitude d’organismes : État, collectivités territoriales, Fonds européen, agences de l’eau etc.
Un imbroglio administratif qui interdit toute agilité dans la réaction aux réalités du terrain. En effet, l’Agence bio avait raison : le nombre des exploitations agricoles bio a bien fait des bonds. Mais une attractivité que l’État n’était pas en mesure de satisfaire. 5000 exploitations devenues bio en un an, c’était intenable budgétairement. C’est pourquoi l’État a décidé, en 2018, d’arrêter de soutenir les aides à la conversion. Elles étaient pourtant bien utiles en aidant les agriculteurs à passer le cap et à amortir le choc d’une baisse de rendement inévitable. Il s’en est suivi des retards de plus en plus nombreux dans le versement des aides dues, poussant de trop nombreuses exploitations au dépôt de bilan.
Le résultat n’est pas réjouissant pour le consommateur. Car, lui, a vraiment pris goût au bio. Il le consomme de plus en plus mais la production locale française est incapable de le satisfaire pleinement. La France importe ainsi une part importante (31 %) de sa consommation en bio. Des importations pas très bien contrôlées, avec des cahiers des charges de labellisation différents de ceux des agriculteurs français.
Des Français vigilants quant à la composition des produits qu’ils achètent, mais également concernant leur origine
Dans un contexte où ils estiment unanimement que leur santé est impactée par la présence de pesticides dans les aliments qu’ils consomment (93%), les Français font montre de vigilance : 66% se disent ainsi attentifs au Nutri-Score ou aux notations alimentaires des produits (75% chez les moins de 35 ans), dont 37% « régulièrement ». Au-delà de l’aspect qualitatif du produit, la provenance est elle aussi devenue un véritable enjeu au point que 86% des personnes interrogées seraient prêtes à privilégier une marque agricole et alimentaire de leur région si elle existait. Si le « local » et les produits régionaux disposent donc d’un fort potentiel, la question du prix d’une telle série de produits sera néanmoins décisive : la propension à y recourir diminuant clairement en fonction du niveau du revenu.
En 2050, nous serons 10.6 milliards sur Terre. Si le modèle agricole dominant actuellement persiste, la planète ne résistera pas au choc. Dès maintenant, les terriens devront impérativement changer leur système d’alimentation : virage vers des régimes alimentaires à base de plantes, réduction drastique des pertes et des déchets alimentaires, et surtout, révolution dans les pratiques et technologies agricoles. Car contrairement à ce que laissent entendre les partisans de l’agriculture intensive, les modèles durables comme l’agroagriculture peuvent parfaitement nourrir tout le monde sur Terre.
En l’âme paysanne, d’innombrables jours ont déposé leurs souvenirs et mis leur atmosphère. Ainsi s’est constitué le fonds de richesse des hommes , le legs des ancêtres, la précieuse économie morale accumulée par les Anciens […] Toute l’œuvre de l’Occident a été la dépense de cette provision millénaire rentrée des champs, soir par soir, comme on en rentre les denrées et les gerbes. Souffle humain qui inspirez notre monde actuel , vous avez vos origines sur nos champs ; et c’est du vent qui frissonne sur l’herbe et les blés que vous avez appris à entraîner l’Humanité ! … Ce sont les foules urbaines qui composent à l’histoire civile son humeur et ses fièvres. Mais la grande paix des champs éteint le plus souvent cette vaine rumeur. Nos calmes campagnes entretiennent, elles, l’évolution lente et régulière … le mouvement profond qui nous porte. Ce sont elles qui donnent sa certitude au geste qui continue, sans hâte et sans alarme, de conduire les hommes… Dieu sait où ! … »
Gaston Roupnel
Etude réalisée par Jérôme Fourquet Directeur du pôle Opinion & Stratégies d’Entreprises, et Antoine Chatelet, Chargé d’études – Département Opinion & Stratégies d’Entreprise IFOP
Méthodologie de travail : Échantillon de 1000 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.
La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession du chef de famille) après stratification par région et catégorie d’agglomération.
Les interviews ont eu lieu par questionnaire auto-administré en ligne du 16 au 19 novembre 2021.
(1) Préface de «Le Paysan » de Louis Barjon, mars 1944 – X. Mappus-Editer-Le Puy
Image d’en-tête : AFP