En se frottant à l’écosystème issu du web, la production de biens pourrait devenir un des principaux générateurs d’innovation.
Ré-in-dus-tri-a-li-ser. C’est un des rares points sur lesquels s’accordent les grandes formations politiques à quelques jours des élections présidentielles. Autre consensus, l’impact du numérique, des magnats du web et des startups, comme facteur de croissance en France et en Europe.
Et si l’on mélangeait les deux ?
C’est le créneau d’entreprises comme myfab, Cosyforyou, MoodbyME qui proposent de personnaliser des vêtements, des accessoires de cuisine, ou de décoration.
L’innovation de chacun de ces sites de e-commerce européens porte principalement sur la personnalisation de ces produits de masse grâce à l’accès presque direct au système de production. Avec MoodbyME, il est ainsi possible de « customiser » très profondément des chaussures, des vêtements, et de se faire livrer en moins d’un mois. Une des clefs de leur réussite est la proximité des dirigeants de la start-up avec les systèmes de production basés en Asie.
Mais ces réussites mêlant numérique et objets ne se trouvent pas qu’en Asie. Plus près de chez nous, par exemple, Seb, Somfy ou encore Atol les Opticiens, trois groupes bien hexagonaux qui assurent en France une grande partie de leur production pour le marché domestique, travaillent également dans cette direction. Si leurs innovations se concentrent encore surtout sur les produits, elles portent néanmoins de plus en plus sur de nouvelles façons de toucher leurs clients.
Les fondements de ces approches reposent sur le numérique.
Le spécialiste de l’électroménager tente ainsi de séduire les amateurs de cuisine non plus seulement avec ses ustensiles, mais également au moyen d’un livre électronique qui agrège des recettes. À terme, les stratèges de l’entreprise de la région lyonnaise imaginent que ce livre sera potentiellement capable de communiquer avec l’électroménager de la marque. De son côté, Somfy, bien connue pour ses automatismes pour stores, à l’origine spécialisée dans les petits moteurs, s’essaie aussi à cette architecture d’innovation. Également issue des environs de Lyon, l’entreprise s’est lancée depuis 2011 dans le pilotage des systèmes mécaniques depuis une interface web.
Oui, c’est de la domotique, mais offrant désormais pour le service après-vente un accès direct au client, même si ce sera au prix de relations à reconstruire avec son circuit de distribution. Quant à Atol, dont des ateliers se trouvent dans le Jura, il se détache aussi sur des projets de personnalisation partielle des montures de lunettes pilotée par l’internaute. Cette innovation se fait certes en ligne, mais c’est également un moyen de faire revenir les internautes dans les boutiques de la coopérative. La livraison des objets personnalisés, pour être gratuite, se fait en effet en magasin.
La force de tous ces acteurs est de savoir mêler soit des technologies web et du pilotage de la fabrication, soit des technologies web et du pilotage des objets.
Pas étonnant que dans des pays partiellement désindustrialisés comme la France, des initiatives de type Fab Lab (soit des laboratoires mêlant fabrication d’objet et projets web) se multiplient, encouragées par la multiplication d’imprimantes capables de reproduire des objets en trois dimensions.
En Chine, où l’appareil de production commence doucement à se délocaliser dans des pays à plus faibles coûts, le mouvement est également en marche. Shanghai, dont certaines rues hébergent encore des micro industries, possède maintenant ses Fab Lab, dont le hackerspace 新车间, XinCheJian, soit littéralement « zinguerie ». Dans celui-ci, des Chinois, des Français, ou des Nord-Américains « bidouillent » des composants électroniques fabriqués à quelques centaines de kilomètres. De ces manipulations sortiront des dispositifs souvent pilotés à distance par des téléphones. Faut-il y voir un hasard si ce laboratoire de fabrication est lié très étroitement à un espace de travail partagé où se retrouvent de nombreuses jeunes pousses agissant dans le web ?
C’est le mélange entre accès rapide à la production de biens de bas niveau et maîtrise des outils web ou mobile qui crée l’innovation.
Le gouvernement à Beijing l’a compris et s’empare toujours plus du thème de l’internet des objets – ou objets connectés sans fil à des services sur le web : récemment, la Chine a confirmé vouloir mettre en place dix zones spéciales consacrées au sujet pour 2015. Certains industriels français l’ont également bien compris.
On aimerait maintenant que des exemples adaptés à l’écosystème français se multiplient dans les incubateurs, accélérateurs ou pépinières en Europe, et qu’ainsi, par exemple, les entrepreneurs du web aillent se frotter aux lycées techniques et aux industriels de leur région dont les unités de fabrication sont encore rapidement accessibles.
{jacomment on}