Nom : Béatrice de Damas. Profession : idéatrice. Rencontre avec une femme hors du commun, héritière d’une lignée d’aieüls de renom à travers le monde et les siècles, mais surtout d’un sens aigü de l’humain et d’une haute culture pour une création poétique et innovante.
« Le mot qui me qualifie le mieux est celui d’idéatrice , ancien terme de droit à l’âge classique pour signifier le créateur auteur et titulaire des droits y afférant. Je suis designer dans la spécialité du design thinking , appelée en France également « conception innovante « . Entrons directement dans le vif du sujet.
Béatrice de Damas expose pour la première fois à Paris, à l’occasion du salon 1.618, son projet «URHARP THERAPY », système modulaire d’Art Thérapie. Une recherche R & D design a permis à la créatrice de reconstituer la translation par analogie entre le monde nautique et le monde lyrique. Le design de la harpe de thérapie est un grand saut créatif, en rupture avec l’instrument académique. Mais aussi une innovation insolite pour aider les enfants malades, notamment en milieu hospitalier.
En quoi consiste ce système modulaire ?
« C’est un ensemble avec une base formée d’une barque support réconfortante, comme une cabane et d’un mât d’activité. Sur un plan éducatif, la barque pour lune et harpe, comme une cabane «indoor» offre à l’enfant un lieu – temps propice au développement de son intériorité créatrice.
Le système associe trois formes symboliques simples, immédiates, archétypales : la lune, la barque et la harpe. Ceci permet à l’enfant d’embarquer vers l’imaginaire, vers « son » imaginaire. Sortir de soi quand on est malade peut apporter des conditions de ré-enchantement.
Ré-enchantement, d’abord par la magie du son juste de la harpe, dès la première corde tirée. L’enfant expérimente les sonorités, et la douce résonance du corps de la harpe sur son propre corps, en écho. Un delta/nabla en creux où l’enfant peut rêver, ne rien faire, une chambre d’haptonomie surmontée d’une lune de luminothérapie, qui lui rappelle la chambre utérine où la lumière du jour créé un halo à travers la paroi maternelle.
Le petit enfant, lové dans la chambre haptonomique, au cœur de la barque, peut retrouver un bain de lumière L’enfant en éveil, lui, peut s’y installer à califourchon sur le pont central, agripper la harpe pour se hisser debout, et gratter les cordes de la harpe pour découvrir des sons. Il peut incliner la harpe vers son épaule et recevoir ainsi les vibrations des cordes dans sa colonne nerveuse. En option, des cordes de couleurs différentes pourront déclencher des rayons colorés sur la barque. Ainsi, l’enfant peut jouer avec une gamme chromatique.
Comme je vous l’expliquais, un des mâts est une lune de lumino-théraphie et l’autre, la harpe de thérapie. Ces mâts sont amovibles. D’autres mâts sont en cours de conception :
– Une longue vue kaléidoscope et multimédias
– Une corne-lune cornemuse, appellée « cornelune »
– Un plaid haptonomique, l’haptonomie étant la science de l’affectivité.
Tout le système est ordonné en créativité à ré-enchantement de l’enfant, qu’il soit enfant malade à cause d’un traumatisme accidentel, ou né avec une différence durable, ou souffrant d’une maladie grave.
Ce système pur produit de R&D de design sensoriel, permet aux thérapeutes de développer des activités multi sensorielles et cette kynesthésie des sens permet de créer des opportunités cathartiques. Cette barque ne flotte pas ; c’est une barque de lumière où l’enfant est immergé dans un bain de lumière. Comme l’homéopathie en haute dilution touche la sphère psychologique. »
Pourquoi une telle création ?
« Cette création a commencé par une recherche symbolique pour le nouvel état d’Irak. J’ai découvert la plus ancienne merveille du monde, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO, la harpe d’Ur, en forme de barque, à tête de bélier, retrouvée dans les tombes royales d’Ur.
J’ai souhaité faire une série limitée, cadeau diplomatique humanitaire pour les enfants d’Irak qui ont tant souffert. Et ce qui est bon pour les enfants d’Irak est bon pour tous les enfants du monde. Cette série limitée humanitaire est devenu ce système d’ Art Thérapy pour tous les enfants.
J’ai initié le design humanitaire en France, il y a vingt ans, pour les enfants du Liban et c’est un client libanais qui a proposé ma démarche humanitaire pour l’état irakien et la région autonome du Kurdistan. »
Vous avez de profonds liens avec l’histoire de ces pays.
« Oui, au cours de ma recherche sur l’archéologie de l’objet harpe, j’ai eu la surprise de découvrir le discours d’inauguration de l’exposition Khorsabad du Grand Louvre fait à François Mitterrand, dans lequel le Conservateur raconte que c’est mon arrière-arrière-arrière bon papa, Maxence de Damas, alors ministre des affaires étrangères, qui a ordonné la première expédition archéologique pour retrouver la ville d’Abraham, Ur, sur l’Euphrate.
Je me suis sentie si émue, entre cette demande contemporaine d’urgence humanitaire pour les enfants d’Irak et cette vision diplomatique de mon aïeul, voulant honorer la mémoire d’Abraham.
A quoi pensait mon ancêtre qui, comme moi, porte le nom d’une ville trois fois sainte d’Orient ? J’ai découvert mes racines sémitiques à l’occasion de ce projet, et le plus ancien patronyme de ma famille : Semur ! »
N’avez-vous pas été inspirée dans votre création de la barque par la divinité tutélaire de la cité d’Ur, le fameux Dieu-Lune Nanna, à l’époque de la Mésopotamie ?
« Evidemment, il s’agit d’une des plus importantes divinités des panthéons du Proche-orient ancien. Les Sumériens le nommaient entre autres Nanna ou Zu-en. Sous ses différents noms, il fut très tôt adoré dans la plupart des grands centres urbains mésopotamiens. Dans la période où le pays de Sumer et toute la vallée de l’Euphrate furent sous la domination de la cité d’Ur, entre – 2600 et -2400 environ, Nanna en vint à être considéré comme le chef du panthéon sumérien. On le vénérait alors comme le « Père des dieux » ou le « Créateur de toute chose ». Un symbole de plus… »
Vous avez à l’origine une formation de poétesse, de poésie contemporaine, comment avez-vous cheminé jusqu’à la barque ?
« Jolie question ! Effectivement, j’ai réussi une synthèse de décennie en décennie entre ma fonction poétique et ma création d’images et de formes. En réalité, le poète est le premier des designer : la racine grecque poï signifie l’art du fer et la définition que Platon donne de ce poï, de cet artefact, est exactement la définition contemporaine du design thinking.
Toute mon activité design est de composer des poèmes 3D, multi dimensionnels, multimédias. »
Quels sont vos projets immédiats?
« Aujourd’hui, je prépare une scénographie globale de la chambre de l’imaginaire pour « Hôpital Expo », organisé par UBM, du 22 au 24 mai 2012 à Paris. Pour cela, j’ai besoin de terminer mon financement événementiel et de lancer la fabrication du modèle en taille supérieure pour les grands enfants, sur un chariot médical aux dimensions d’un lit d’hôpital pouvant par exemple circuler en milieu stérile.
Je commence à réunir les premières commandes de grands comptes – équipement, Bâtiment, Santé – souhaitant offrir ce nouvel équipement d’ art thérapie aux services hospitaliers pour enfants. »
Pour contacter Béatrice de Damas : contact@beatrice-de-damas.com
Pour aller plus loin :
– Livre « Khorsabad, le palais de Sargon II, roi d’Assyrie » de Annie Caubet : http://editions.louvre.fr/fr/les-ouvrages/publications-scientifiques/antiquites-orientales/khorsabad-le-palais-de-sargon-ii-roi-d%E2%80%99assyrie.html
Crédit photos : Delphine Vanneuville-Vernier
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