L’inventaire de la planète se poursuit au rythme annuel de 16 000 nouvelles descriptions d’espèces … La seule certitude acquise au cours des vingt dernières années est que le nombre total d’espèces vivantes est supérieur d’un, voire de deux, ordre de grandeur par rapport au 1,8 million d’espèces déjà décrites. Linné connaissait quarante mille espèces. Aujourd’hui, on en connaît 1,8 million.
Nous savons qu’il existe cinq à dix fois plus d’espèces, c’est-à-dire de 10 à 15 millions. Les forêts tropicales, les récifs coralliens, les grands bassins océaniques, les bactéries, nombre de champignons et l’ensemble des parasites constituent les principaux réservoirs d’espèces inconnues. Des estimations laissent supposer qu’entre 1 et 10 millions d’espèces inconnues de l’homme se cacheraient aux fonds des océans. Si les chiffres sont aussi approximatifs, c’est qu’à peine 5 % des océans ont été explorés. Oui on connaît mieux la lune que les abysses, les bactéries, les champignons !
Quand le requin Lézard, mi-anguille, mi-requin, véritable fossile vivant qui n’aurait âs évolué depuis des millions d’années, croise l’Entéropneuste rouge, ni vraiment végétal, ni tout à fait animal qui se nourrit de sédiments récupérés et filtrés, grâce à une trompe en forme de fleur : c’est un ballet abyssal (Seapics.com/jheditorial/naturepl.com).
C’est certain, l’avenir de l’homme c’est la biodiversité et notamment la biodiversité marine. Oui les fonds des mers vont changer nos vies dans le domaine de la santé, de l’ ‘énergie, de la beauté, de l’alimentation …, mais aussi régénérer notre culture du beau.
De surcroît, la naturalité de demain doit désormais prendre ses sources au sein même de l’évolution biologiques depuis les temps les plus ancestraux datant de 500 millions d’années car c’est à cette époque que sont apparus les premiers être organisés qui ont évolué jusqu’à l’homme. Le minéral, notamment le carbonate de calcium (ca++ion majeur de la vie), est à la genèse de cette évolution …. La vie est issue de la mer, milieu éminemment riche en CA++ comme le sera plus tard le liquide amniotique qui nourrit l’embryon des mammifères.
Par ailleurs, des organismes aux facultés incroyables, défiant toutes nos lois, attisent toutes les nations qui commencent à endosser leur panoplie d’explorateur car c’est le graal de l’innovation radicale. Quelques exemples :
Bon nombre d’espèces des grands fonds sont translucides, adaptées à un environnement où la résistance aux chocs et à la lumière n’est pas très utile, alors que les tissus souples ou gélatineux supportent parfaitement la pression (à 1000 mètres, cette pression est cent fois supérieure à celle de la surface et à 10000 mètres, elle est d’une tonne par centimètre carré, l’équivalent du poids de 50 avions supporté par une seule personne) . De quoi innover en matière de matériaux, de véhicules, de transports mais aussi de vêtements, etc,…
Des bactéries fabriquent la vie avec du méthane : c’est de la chimiosynthèse (forme de vie inconnue jusqu’ici) qui utilise de l’hydrogène sulfuré, dans le cas de sources hydrothermales où l’eau chaude en fusion peut atteindre la température de 350° C, et du méthane dans celui des sources froides. L’homme meurt …
Autre mystère à percer : beaucoup d’animaux vivant près des sources hydrothermales ont des hémoglobines complexes, capables de fixer à la fois de l’hydrogène sulfuré et de l’oxygène, notamment grâce à des bactéries qu’ils abritent à l’intérieur de leurs cellules. Cette nouvelle forme de vie passionne les chercheurs et ouvre des voies jusqu’ici impensables dans le domaine des biotechnologies, le traitement des hydrocarbures, voire des métaux lourds, mais aussi la pharmacopée, les produits industriels… Disposer de bactéries ou d’enzymes résistant à des pressions, des températures ou des pH extrêmes (acidité), attisent de facto toutes les convoitises.
Dans un article dossier du Figaro Magazine de Christophe Doré (que je vous conseille vivement de lire), Sophie Arnaud-Haond, chercheuse à l’Ifremer, confie avoir recensé le nombre de brevets déposés sur des organismes marins ou des gènes issus d’organismes marins. Selon elle, il explose dans des domaines aussi variés que la pharmacie, la médecine, l’agroalimentaire, la cosmétique…
L’article du Figaro souligne par ailleurs les potentialités anti oxydantes des enzymes découverts dans les abysses hydrothermaux car « leurs performances permettent de simplifier la fabrication d’amidon, dont ils sont grands consommateurs en confiserie ou pâtisserie, mais aussi pour des colles, de la chimie fine, de la papeterie. Tout le domaine des biotechnologies est évidemment en première ligne pour percer les vertus étonnantes des micro-organismes des grands fonds. L’industrie cosmétique les utilise déjà pour leurs qualités de protection et antioxydantes ». L’article souligne d’étranges facultés de régénération issues de ces espèces ahurissantes : « certains d’entre eux, toujours grâce à des bactéries, présentent en effet des facultés surprenantes de régénération. Utiliser ces possibilités pour « produire » des tissus cellulaires et des os compte parmi les espoirs des laboratoires aujourd’hui. » © Le figaro
Le Linné de la mer « mère » (évolution) est bien à inventer. Notre avenir se joue dans les abysses. Sachons cette fois le protéger et le réinterpréter (et non l’épuiser).
Et si le tréfonds des mers est une locomotive de l’innovation, de la R&D, c’est aussi un nouveau mythe, un nouveau beau inspirant pour la créativité, le design, le marketing.
Jardins luxuriants, translucidité, bioluminescence, cache-cache.
Personnellement, je m’inspirerais des grands yeux de perles du Bathylagus … je ferais du poulpe éléphant Dumbo luminescent la mascotte de nos enfants (l’ourson lampe et bonbon du futur) et la star d’une Dream story tutti family. J’inventerais sans doute le mascara arc en ciel inspiré de la méduse arc en ciel (elle produit des arcs en ciel grâce à la texture particulière de ses cils qui l’aident à se déplacer) ou encore un pendentif, une coque phone…
Méduser ? A vos abysses créatives !
{jacomment on}