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« Dubuffet Monumental »

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La Fondation Dubuffet présente l’exposition Dubuffet Monumental du 12 février au 11 juillet 2025. L’exposition accompagne la publication du dernier fascicule du Catalogue des travaux de Jean Dubuffet jusqu’alors inédit : « Sculptures monumentales, Tour aux figures et autres ». Ce trente-neuvième volume répertorie toutes les sculptures monumentales réalisées d’après les maquettes originales de Jean Dubuffet, de la première en 1969 aux plus récents agrandissements. À travers un parcours chronothématique réunissant une quinzaine de maquettes et autres archives documentant ces réalisations, l’exposition revient sur les différents temps forts d’une facette de l’artiste, celle d’un « Dubuffet architecte » dont l’aspect édifiant des travaux a été mis en lumière à de multiples reprises par Daniel Abadie, auquel il est rendu hommage ici.

Jean Dubuffet, Jardin d’émail, béton et époxy peints au polyuréthane, L. 20 x l. 30 m, 1974, Kröller-Müller Museum, Otterlo
© ADAGP, Paris 2025 / Fondation Dubuffet, Paris / Photo : Kurt Wyss

Édifices : une exposition programmatique

© ADAGP, Paris 2025 / Fondation Dubuffet, Paris / – Photo : Yoann Couette

La formule « Dubuffet architecte » apparaît dans un article de Daniel Abadie publié à l’occasion de l’exposition Jean Dubuffet : Édifices, projets et maquettes d’architecture au Musée des Arts décoratifs en 1968. Cette exposition programmatique dans laquelle Jean Dubuffet met en scène des « architectures imaginaires qui ne sont pas de vraies architectures mais plutôt des images constituées en un habitat » introduit la présente exposition.

En plein cycle de L’Hourloupe, tournant radical opéré en 1962, l’artiste découvre un nouveau matériau, le polystyrène expansé qu’il sculpte au fil chaud avec autant de ‘liberté et d’immédiateté qu’avec un crayon courant sur le papier’, abandonnant l’espace du tableau pour la sculpture puis l’architecture.

Les maquettes présentées dans l’exposition Édifices sont conçues sans destination précise, Dubuffet n’envisageant pas véritablement leur construction. Les évoquer en faisant appel à son imagination lui suffit amplement. Mais pour activer l’imagination des visiteurs, la démonstration se fait par le truchement de photomontages, des ‘photographies truquées’ comme il les appelle, intégrant ses simulacres d’architectures dans un tissu urbain bien réel. Dubuffet aura cependant la possibilité de confronter ses pures projections mentales au processus plus réel de la construction.
Parmi les maquettes exposées, la Tour aux figures envisagée à 24 mètres de haut sera la seule à être édifiée vingt ans plus tard malgré de vives controverses.

Groupe de quatre arbres : la première commande

Jean Dubuffet et David Rockefeller lors de la construction du Groupe de quatre arbres pour New York, 23 mars 1972, Périgny-sur-Yerres
© ADAGP, Paris 2025 / Fondation Dubuffet, Paris / Photo : Arthur Lavine

Impressionné par l’exposition Édifices, Gordon Bunshaft, architecte du siège de la Chase Manhattan Bank près de Wall Street, New York, fait savoir à Dubuffet en décembre 1968 qu’il désire proposer à David Rockefeller, Président de la banque, l’une de ses sculptures monumentales pour l’esplanade située devant le building. Dubuffet suggère tout de suite, mais sans succès, sa Tour aux figures qu’il rêve de voir construite. Il conçoit rapidement d’autres projets (Monument à la bête debout, Monument au fantôme, Kiosque l’Évidé, Cosmorama IV), tous composés de plusieurs pièces assemblées et permettant une circulation transversale au moyen de portes découpées. Le choix final du comité de la Chase se porte sur le Groupe de quatre arbres, construit à 12 mètres de hauteur dans les nouveaux ateliers de l’artiste à Périgny-sur-Yerres, avant d’être remonté in situ à New York et inauguré le 24 octobre 1972.

La Closerie Falbala – place forte de L’Hourloupe

Jean Dubuffet dans la Closerie Falbala en 1978
© ADAGP, Paris 2025 / Fondation Dubuffet, Paris / Photo DR

Outre la construction d’ateliers abritant le pantographe, la précieuse « machine » à agrandir, Jean Dubuffet entreprend également sur un terrain mitoyen la construction, pour son propre usage, d’un projet qui lui tient à cœur : ce sera la Closerie Falbala, simulacre d’un jardin clos de murs au centre duquel se dresse la Villa Falbala construite pour abriter le Cabinet logologique, sa « chambre d’exercice philosophique ».

Jean Dubuffet, Closerie Falbala, époxy et béton projeté peints au polyuréthane, Périgny-sur-Yerres, 1973
© ADAGP, Paris 2025 / Fondation Dubuffet, Paris / Photo : Belzeaux

Fait remarquable : les deux plus grands monuments construits de l’artiste ont fait l’objet d’un classement au titre des Monuments historiques, la Closerie Falbala en 1998 et la Tour aux figures en 2008.

Welcome Parade, figures monumentales

Jean Dubuffet, Welcome Parade, époxy peint au polyuréthane, Paris, 2008,
Coll. privée, USA © ADAGP, Paris 2025 / Fondatioin Dubuffet, – Paris / Photo : Grégory Copitet, 2013

Welcome Parade est le fruit d’une longue collaboration entre Jean Dubuffet et l’architecte Ieoh Ming Pei, chargé de bâtir la nouvelle aile (East Gallery) de la National Gallery de Washington.
L’architecte contacte Dubuffet dès décembre 1970, alors que l’exposition Edifices and Monuments by Jean Dubuffet s’ouvre à l’Art Institute de Chicago. Le projet se précise seulement en 1972, car entre temps, Dubuffet s’est lancé dans des réalisations de grande envergure : le Groupe de quatre arbres et la Closerie Falbala. Mais un autre projet occupe également l’artiste à plein temps : la réalisation de son spectacle Coucou Bazar dans lequel apparaissent de nombreuses figures.
Ce « tableau animé » va fortement influencer le projet pour l’East Gallery et va se développer autour d’un groupe de personnages au nombre encore indéterminé, directement inspirés de ceux pour Coucou Bazar. Dubuffet conçoit 13 figures qu’il agence par groupe de 5 ou 6 avant d’arrêter son choix sur 5 : L’Accueillant, Le Facétieux, Cherche-Aubaine, L’Incivil et Rédingoton.
Si le groupe monumental Welcome Parade est abandonné pour Washington, il sera finalement réalisé à 4 mètres de hauteur en 2008. D’autres personnages issus de ce projet ont été réalisés à l’échelle monumentale (Bel Costumé pour le Jardin des Tuileries ou L’Accueillant à l’Hôpital Robert Debré).

De l’arbre au mur, un art combinatoire

Jean Dubuffet, Le Boqueteau, époxy peint au polyuréthane, 9 mètres de hauteur, Centre Pompidou-MNAM-Centre de Création Industrielle, Paris, en dépôt à Flaine, 1988 © ADAGP, Paris 2025 / Fondation Dubuffet, Paris / Photo : Jacqueline Hyde

L’arbre est l’une des évocations les plus spectaculaires du monde parallèle de L’Hourloupe. Il apparaît, dès juin 1968, planté sur ce vaste « radeau de plaisance » qu’est le Jardin d’émail : « Si vous faites sur papier ou sur une toile un dessin figurant par exemple un arbre – je veux dire une représentation mentale d’un arbre, la transposition idéique d’un arbre, c’est intéressant ; mais si après cela vous érigez cette représentation idéique en trois dimensions, en lui donnant donc un corps, et si vous lui donnez les dimensions d’un vrai arbre, à l’ombre duquel vous pouvez vous abriter et autour duquel vous pouvez tourner, alors l’ouvrage se trouve doté d’une action sur l’esprit très nouvelle. »

Après quelques essais de sculptures en béton émaillé, Dubuffet fait réaliser pendant l’été 1969 l’Arbre biplan, cette fois-ci en résine, à partir d’une maquette qu’il avait, à un moment, envisagé
d’implanter sur le Jardin d’émail. Cet arbre, de 4,70 m de hauteur est la première réalisation satisfaisante d’un agrandissement à l’échelle monumentale.
Parallèlement aux arbres, isolés ou en groupe (Le Boqueteau), se sont mis à apparaître des morceaux de mur incurvés et tout distordus propres à clôturer les jardins. Les murs prennent racines et se couvrent de chefs empruntés aux arbres des forêts pour donner naissance à un bocage, coiffé d’un feuillage aux allures de toit. Mais le toit du Bocage s’envole aussitôt et cède la place à de solides lambeaux de murs percés d’ouvertures baptisés Éléments d’architecture contorsionniste. Puis les murs se multiplient pour former des rues, un quartier, une ville (Le Cirque) : ces pièces de construction interchangeables que Dubuffet combine pour former autant de petites scènes d’un théâtre de la nature, mais une nature
réinventée selon les principes de L’Hourloupe.
En entreprenant cette réinterprétation du réel, en nous faisant entrer dans les images par le biais de ces architectures allusives et imaginaires, Dubuffet nous invite à un salutaire « plongeon dans le fantasme », alimentant notre esprit de nouvelles visions jubilatoires.

Commissariat : Sophie Webel & Déborah Lehot-Couette Fondation Dubuffet, Paris

Scénographie : Éric Morin

Graphisme : Dimitri Hadjiyannakis & Matthieu Péronnet

Exposition « Dubuffet Monumental », du 12 février au 11 juillet 2025 à la Fondation Dubuffet – 137 rue de Sèvres, Paris 6e

www.dubuffetfondation.com

Photo d’en-tête : Jean Dubuffet, Le Boqueteau, époxy peint au polyuréthane, 9 mètres de hauteur, Centre Pompidou-MNAM-Centre de Création Industrielle, Paris, en dépôt à Flaine, 1988 © ADAGP, Paris 2025 / Fondation Dubuffet, Paris / Photo : Jacqueline Hyde

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