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Créer pour l’environnement : « Courants verts » à la Fondation EDF

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Jusqu’au 31 janvier 2021, la Fondation groupe EDF présente Courants verts, Créer pour l’environnement. Pour la première fois en France, une exposition d’envergure réunit des artistes internationaux engagés dans le combat écologique : Joseph Beuys, Barbara et Michael Leisgen, Lucy et Jorge Orta, Sarah Trouche, Nicole Dextras, Jéremy Gobé, Nathan Grimes… Tous sont résolument engagés à travers leurs installations, photographies, vidéos ou dessins à affronter les défis que pose l’Anthropocène : ce moment où les activités humaines perturbent en profondeur les processus naturels, impose à l’humanité de nouveaux comportements, un rapport à l’environnement, une culture et des mentalités à refondre.

Sans pessimisme, Courants verts, Créer pour l’environnement souligne avec les œuvres présentées le processus d’adaptation que traverse aujourd’hui l’humanité. L’exposition rappelle que l’art joue son rôle dans cette mutation essentielle caractéristique de l’actuelle transition climatique en agissant sur les imaginaires et en proposant de nouveaux récits.
Avertir, Agir et Rêver sont les trois axes qui composent le parcours de l’exposition sous le regard de son commissaire, Paul Ardenne, historien de l’art (1).

Restaurer, avec l’aide des artistes, notre lien intime au vivant

Entretien de Lauranne Germond, COAL, par Paul Ardenne (Extrait du catalogue de l’exposition).
Lauranne Germond historienne de l’art et commissaire d’exposition, est co-fondatrice de l’association COAL qu’elle dirige depuis son origine en 2008 aux côtés de Loïc Fel et de Clément Willemin. À travers le Prix COAL, des actions de coopérations internationales et plus d’une cinquantaine d’expositions et de projets culturels de territoire, COAL est le premier acteur français à promouvoir l’émergence d’une nouvelle culture de l’écologie.

Paul Ardenne : La notion d’art « environnemental » est complexe. Les Anglo-saxons parlent d’« Eco Art », ce qui n’est pas forcément clair non plus. Comment définiriez-vous, pour couper au plus court, un art « vert » ?

Lauranne Germond : Il est toujours délicat d’enfermer l’art dans des catégories, d’autant que cet art « vert » recouvre une très grande diversité, une vaste nuée de pratiques verdoyantes ! Le terme d’art « écologique » a l’avantage de recouvrir le champ politique et social, d’en référer à la pensée complexe et systémique de l’écologie plutôt qu’à sa seule dimension environnementale, qui est assez réductrice. On peut aussi contester le recours à la couleur verte, qui tend par exemple à faire oublier le bleu. Celui de l’atmosphère et des océans, qui représentent pourtant 90 % du monde vivant…

PA : Il faut donc gagner en précision. Une définition simple est exclue ?

LG : Je distinguerai pour ma part trois typologies de pratiques à même de définir ce qui constitue aujourd’hui un art dit « écologique », des typologies qui souvent se croisent et se superposent : le témoignage et le partage de connaissance ; l’action politique et symbolique ; les pratiques de résilience.

PA : Pouvez-vous développer ?

LG : Première typologie : celle propre aux artistes qui témoignent, qui donnent un visage à l’anthropocène, qui rendent perceptibles tout à la fois l’ampleur de la crise écologique, les pollutions cachées, les souffrances lointaines, l’appauvrissement de ressources insoupçonnées, la dégradation voire la destruction des écosystèmes et leurs conséquences sur les populations, le vivant et les paysages. Cette approche recouvre une vaste palette de pratiques documentaires mais aussi, plus largement, une grande partie des démarches Art et science actuelles. Chaque manifestation de la crise écologique dévoile un champ de connaissances scientifiques qui suscite la fascination des artistes et bouleverse les imaginaires artistiques. Observations, expériences, travail de terrain…, les artistes s’approprient les outils des sciences pour explorer, pour comprendre et pour partager l’état de l’art en matière d’appréciation scientifique de la crise écologique. En retour, ils chamboulent l’univers de rectitude des laboratoires et leurs ouvrent des perspectives en termes de partage des connaissances et de sensibilisation à l’écologie.

Une création multidirectionnelle

PA : Seconde typologie, disiez-vous, l’action politique et symbolique.

LG : Oui, l’art qui agit sur les systèmes à l’origine de la crise écologique pour les dénoncer, les court-circuiter, les transformer. L’action artistique, dans ce cas, est plus délibérément politique. Ses armes sont la déprogrammation des imaginaires par l’écriture de nouveaux récits, utopiques et dystopiques, mais aussi par la décolonisation des systèmes de représentation jusque dans le champ lexical. Au point d’aller jusqu’à inventer de nouveaux mots pour nous permettre de parler de notre ressenti au contact du changement climatique, comme y invitent les artistes activistes new-yorkaises Heidi Quante et Alicia Escott. Mentionnons ici, encore, la sculpture sociale. Celle-ci réinvestit le champ du collectif pour donner aux citoyens le pouvoir de changer les règles a des échelles microlocale (Thierry Boutonnier). Également, le parasitage des cadre légaux (Amy Balkin, Maria Lucia Cruz Correia), avec pour but de faire reconnaître des droits ou des crimes environnementaux par le biais d’une action symbolique et collective forte. C’est là l’écologie politique en art. Elle se construit sur des liens de communauté, le partage, la convivialité et le symbolique

PA : Ce qui nous amène à votre troisième typologie, l’activisme direct.

LG : Le troisième champ pratique, concernant la création « verte », entend agir directement au niveau des écosystèmes et de l’empreinte écologique, dans une perspective de résilience : l’art devient indissociable des façons de faire et de produire. Il se base sur des principes opératoires tels que l’économie des moyens, le réemploi, l’utilisation de matériaux à faible impact environnemental, l’invention de nouveaux matériaux ou encore la restauration de milieux naturels (Anne Fischer). Il peut s’agir de ramener du naturel en ville ou au contraire de réactiver les potentiels d’espaces ruraux délaissés. On relève dans ce domaine une explosion des pratiques. En effet, on ne compte plus les tiers lieux et les projets de territoires ultralocaux portés par des artistes qui veulent réconcilier leurs convictions, leurs modes de vie et leur création. Les artistes deviennent alors diversement fermiers (Olivier Darné), ingénieurs (Jérémy Gobé), herboristes (Suzanne Husky), bergers (Fernando Garcia Dory), et même parfois araignée ou loup (Boris Nordmann).

PA : Cette forme d’art se lie étroitement à la nature, de facto. Jusqu’à renouveler même la définition de l’art…

LG : Oui. Même si ces exemples d’art « naturiste » rappellent justement que ce chemin de reconnexion à la nature, pour notre culture qui en est si éloignée, ne se fait pas si simplement. Aussi l’art écologique donne-t-il également naissance à toutes sortes de tentatives pour reconstruire un lien intime avec le vivant : dialoguer avec les espèces non humaines (interspecisme), raviver des états de conscience perdus par l’intermédiaire de pratiques spirituelles, rituelles ou chamaniques. Là aussi, c’est tout un champ de l’art contemporain qui s’y attèle.

Exister en dépit d’un système de l’art inadapté

PA : Incontestable mutation des manières de « faire art », donc. Comment expliquer, toutefois, le relatif isolement de ces artistes ?

LG : Cet isolement est en fait tout relatif. Un art isolé dans le monde de l’art peut-être mais pas forcément isolé dans le monde tout court.

PA : Renversons la proposition : ne serait-ce pas plutôt le monde de l’art « traditionnel » qui se retrouve isolé ?

LG : Je pense que le propre de l’art écologique est d’être beaucoup plus connecté au réel et aux autres sphères de la société que ne l’est l’art contemporain conventionnel : inclusif par nature, cet art est en interaction constante avec des scientifiques, des territoires, des habitants, des communautés, des établissements pédagogiques, des services d’urbanisme, des acteurs de conservation de la nature. On y compte aussi un grand nombre de collectifs, d’artistes qui n’hésitent pas à partager leur signature ! C’est justement cette interconnexion et ce sens du partage qui en font la richesse et qui me passionnent au quotidien. Je ne qualifierai donc pas l’artiste écologique d’isolé ! En revanche oui, il peut avoir des difficultés à exister ou à être reconnu dans les cadres institués de l’art contemporain.

PA : Autre aspect problématique : la difficulté de montrer cet art « vert » dans les structures de visibilité hérités de la coutume telle que galeries d’art et musées. Et que dire du marché ? Vendre des œuvres le plus souvent éphémères ou créées in situ n’est guère aisé. Vous confirmez ?

LG : Les pratiques de l’art écologique, on l’a vu, sont diverses. Comme telles et relativement à ces pratiques, il existe plusieurs scènes de diffusion. Pour ce qui est de montrer cette création dans des lieux traditionnels de l’art, centres d’art et musées, rien de toujours évident en effet. Quand on s’investit tant dans des projets de terrain, qu’on privilégie des processus et des approches collaboratives à la production d’objet, il est parfois difficile de satisfaire à la fois à l’exigence muséale de la forme et à celle de l’éthique et de l’efficience ! Aussi, on constate que les artistes vont plus ou moins privilégier un domaine d’expression et de diffusion, ne pouvant les assumer tous. Pour autant, tous les artistes de l’écologie ont besoin d’une reconnaissance institutionnelle pour continuer à agir en tant qu’artistes et afin d’être reconnus comme tels. Et la bonne nouvelle, c’est qu’il existe de plus en plus de nouveaux cadres pour montrer leurs œuvres et de publics demandeurs : des programmes de territoire, des résidences dans des lieux très divers, des projets d’urbanisme transitoire, des artists run spaces…

Quant au marché de l’art, s’il y a problème, il me semble que ce n’est pas du fait de l’incapacité dans laquelle seraient les artistes « verts » de produire des œuvres adaptées aux désirs du marché. Celui-ci, en effet, s’est depuis longtemps montré capable d’intégrer des œuvres immatérielles, très minimalistes ou conceptuelles, et de les monnayer très cher. En fait, la problématique du marché de l’art écologique est pour une large part corrélée à la question éthique et politique. Comment faire cohabiter ses convictions Exister en dépit d’un système de l’art inadapté 18 écologiques avec le monde spéculatif et opaque du marché de l’art ? Comment fermer les yeux sur l’origine des grandes collections, fondations et prix d’art contemporain, bien souvent portés par des constructeurs automobiles, des financiers, des industriels du luxe, ceux-la même qui structurent et entretiennent le système hyperconsumériste et pollueur qui est en cause ? Nombre de courants d’art écologique, les plus militants pour sûr, se sont constitués via la contestation des sponsors ou des mécènes des grands musées (les pétroliers, notamment avec par exemple la coalition Art But Not Oil). La déclaration outrancière du président des Amis du Palais de Tokyo, en octobre dernier, contre Greta Thunberg, demandant qu’on « abatte » celle-ci (une déclaration qui, à juste titre, a préludé à son éviction), est à cet égard symptomatique : la question climatique reste un sujet subversif dans les sphères de pouvoir ! De quoi expliquer pourquoi c’est dans ce champ de l’art écologique qu’il y a le plus de tentatives de développer des nouveaux cadres de diffusion et des modèles économiques alternatifs, souvent basés sur le mutualisme et la gratuité, pour gagner en autonomie vis-à-vis des cadres institués : communautés, fablab, double activité…

Une mobilisation précieuse

PA : Une donnée essentielle, s’agissant de cet art « vert », épris de la célébration ou de la défense de l’environnement : son efficacité… ou non. Ce type de création hâte-t-elle les prises de consciences ou ne vous paraît-elle pas parfois, en toute honnêteté et sans parti-pris, une création de circonstance, dans l’air du temps, de bonne conscience ?

LG : Son efficience est à la fois modérée et toute-puissante. L’art subversif continue d’être, partout dans le monde, régulièrement interdit de représentation et condamné. Au sommet, on ne sous-estime pas le potentiel de déstabilisation de l’art, son pouvoir sur l’imaginaire et la conscience, son effet médiatique ! Sans doute l’efficience de l’art vert est-elle modérée quand l’artiste agit à son échelle, l’échelle humble d’un individu dont les processus jamais ne s’industrialisent. C’est aussi ce qui en fait la simplicité et la force. Comme un modèle où chacun peut puiser son propre pouvoir d’agir. J’aime beaucoup cette phrase que m’a dite une artiste, « j’ai l’impression d’être comme les moines autrefois, en dehors du chaos et de l’efficacité du monde, j’œuvre pour les autres en quelque sorte, je prends la peine de faire et de penser pour ceux qui n’en ont pas le temps ». Il y a dans cet art quelque chose de cet ordre-là, une action collective plus profonde – magique, symbolique, existentielle. Alors oui, je veux croire que cet art est un repère pour avancer, surtout quand vient la nuit. Et quand il faut défendre plus que jamais ce à quoi nous tenons, la liberté et la beauté du monde tel que nous voulons qu’il continue à exister.

PA : Il y a la mode, la « tendance » cependant…

LG : En effet. Mais l’air du temps, les convenances, la bonne conscience ne m’intéressent pas. Est-ce qu’on les trouve dans cet univers-là ? Parfois oui, certainement, comme partout ailleurs, mais ce n’est pas dans cette direction qu’il faut regarder. Il y a bien sûr une nouvelle génération de fondations culturelles aux aspirations green dont la réalité des engagements est parfois douteuse. Il y a des opportunismes politiques, des pratiques contradictoires mais peu importe, cela ne doit en aucun cas faire de l’ombre à ce qu’il y a de vrai et d’authentique aujourd’hui, l’explosion dans les arts comme partout ailleurs de cette magnifique volonté collective de réparer et de rééquilibrer ensemble l’ordre des choses. En cela, la mobilisation de plus en plus soutenue des artistes ne peut qu’être précieuse.

Sarah Trouche, « Aral Revival », performance au Kazakhstan sur la mer d’Aral assechée © ADAGP

Parcours de l’exposition

AVERTIR

Avec l’urgence environnementale, l’un des premiers réflexes de l’artiste est d’avertir. L’exposition donne à voir cette position de l’artiste, celle de sentinelle et de lanceur d’alerte.

Ackroyd & Harvey, Stranded, The Making of Stranded et The Ecocide Trail
Heather Ackroyd et Dan Harvey se font connaître dans les années 1990 grâce à leur utilisation à des fins artistiques de la photosynthèse et de la chlorophylle, dont ils font un de leurs médiums d’élection. Tableaux photographiques, bâtiments, ainsi colonisés et recouverts, désignent de façon parlante l’axe de travail de ces deux artistes britanniques représentatifs du « courant vert » : la question environnementale.
Stranded, œuvre singulière à la fois mémorielle et bijoutière, attire l’attention sur le changement climatique et ses effets perturbateurs pour certaines espèces animales.
The Ecocide Trail (« Le procès Écocide »), procès simulé qui met aux prises, dans une cour de justice britannique, les responsables de deux firmes multinationales pollueuses à l’origine de catastrophes écologiques. Objectif, valoriser le concept d’« écocide » et suggérer d’en faire le cinquième crime international contre la paix, aux côtés du génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes d’agression et des crimes de guerre.

Maria Thereza Alves, The Flood
Maria Thereza Alves, née au Brésil, déménage encore enfant à New York avec ses parents fuyant la dictature du maréchal Castelo Branco. Elle élabore bientôt une œuvre élargie, à la fois dessinée, sculptée et riche d’installations et de textes, portée par l’activisme et l’engagement. The Flood (« L’inondation ») prend pour point de départ l’inondation du village dont est originaire la famille de l’artiste pour cause de déforestation abusive et de surpâturage. Cette œuvre dénonce l’impact pernicieux que les pratiques agricoles héritées du colonialisme, ruinant les écosystèmes locaux, ont sur l’environnement. Images et textes, par interaction, y conversent, permettant au spectateur de glaner des informations et de s’ouvrir au « regard pensif » (Régis Durand), qui attise la prise de conscience. Histoires individuelles, quotidien des habitants d’un village brésilien inondé oublié de l’Histoire… Cette œuvre-témoin, par petites touches, donne vie à une communauté racontant la déforestation progressive de ses terres et ses conséquences sociales.

Janet Biggs, Fade to White
Janet Biggs, cinéaste du réel, a consacré plusieurs de ses créations à des réalités de crise, liées notamment à la question du climat et de son évolution. Fade to White, est consacrée au réchauffement climatique et à ses effets destructeurs. Nous suivons du regard avec Janet Biggs, tout à son travail scrutateur, un spécialiste du réchauffement climatique en mission sur un voilier océanographique scandinave. Ce chercheur nous communique sans mot sa propre anxiété. Avec douceur, et pour nous ménager sans doute, Biggs intercale dans ce moment de recherche factuel les images d’un chanteur lyrique dont la voix apaisante semble nous dire que la beauté est encore de ce monde, et qu’il convient sans doute de ne pas désespérer. Mais est-ce sûr ?

Christiane Geoffroy, La dérive des continents
Nourrie par les liens étroits qu’elle entretient avec de nombreux chercheurs, Christiane Geoffroy construit un univers singulier dans lequel l’objectivité scientifique se conjugue à la poésie et au sensible pour sonder le monde du vivant.
La dérive des continents est une œuvre peinte à même l’un des murs de l’Espace Fondation EDF. L’artiste a peint dans un bleu ironiquement apaisant un planisphère de Mercator où les contours des continents sont curieusement modifiés, boursouflés pour les uns, contractés au contraire pour les autres. Cette carte, reprise à peine modifiée aux géographes, représente en fait le rapport entre le taux d’émanation de CO2 de chaque État représenté sur la carte et son PIB (produit intérieur brut). Les continents voient leur taille varier au prorata de la pollution qu’ils engendrent. Un focus sans anesthésie sur les principaux pollueurs de notre planète.

Janet Laurence, Deep Breathing: Resuscitation for the Reef 1 et 2
Janet Laurence travaille « After Nature », expression que l’on peut traduire en français de deux façons : d’après la nature, qui est son inspiratrice ; après la nature, à présent que l’anthropocène, cette ère où l’activité humaine influe, pour les désorganiser, sur les écosystèmes terrestres, et les dégrade. À partir des années 1980, cette artiste soucieuse de célébrer les splendeurs de la nature, réalise une œuvre où elle développe un message clair, au travers d’objets trouvés ou confectionnés, de photos, de vidéos et de textes : le monde naturel doit être respecté, nous ne saurions nous considérer comme séparés de lui. Deep Breathing: Resuscitation for the Reef est une célébration physique de la beauté et de la richesse environnementale des récifs coralliens, aujourd’hui menacés par le réchauffement des océans.

Jean-François Robic, Carte postale 3 (Scierie près d’Allouville-Bellefosse, 11 mars 2014, route départementale D6015), 2014.
Le travail artistique de Jean-François Robic porte sur l’univers des rives de fleuve et des rivages d’océan, sur la confrontation entre le regard et les marges géographiques où se croisent les traces du travail des hommes et de la nature. Ses cartes postales sont des instantanés vidéos enregistrés au hasard de ses occupations et de ses déplacements. Carte postale n° 3 (Scierie près d’Allouville-Bellefosse, 11 mars 2014, route départementale D6015) consiste en l’enregistrement tel quel de l’activité hautement pollueuse d’une scierie du nord-ouest de la France. D’épaisses fumées noires y escaladent le ciel avant de l’assombrir de façon spectaculaire.

Khvay Samnang, Rubber Man
Khvay Samnang pratique la performance, la photographie, la vidéo, l’installation et la sculpture. Les thèmes d’élection de cet artiste diplômé de l’Université royale des Beaux-arts de Phnom Penh s’attachent à tout ce qui, en notre monde, constitue une blessure : les conflits, la violence, les problèmes environnementaux, le droit des personnes. La question du pillage des ressources est, chez Khvay Samnang, une préoccupation récurrente. Elle est au cœur de Rubber Man (« L’Homme-caoutchouc », 2015). Dans cette performance filmée et photographiée, l’artiste choisit de se faire arbre à caoutchouc, cet arbre à caoutchouc, l’hévéa, dont les plantations, à partir du XIXe siècle, se sont multipliées dans son pays sous la pression des industriels occidentaux, chinois ou japonais, aux besoins croissants de matière souple et extensible. Avec ces conséquences, la monoculture de l’hévéa, destructrice de la biodiversité, et la pollution.
Khvay Samnang parcourt bientôt les zones plantées d’hévéas du RotanahKiri, une année durant, après s’être donné ce corps hybride et fantomatique : nu mais recouvert, de la tête aux pieds, de sève d’hévéa. Un humain arborisé, un homme-arbre projeté dans une des zones témoin de notre actuel désastre environnemental.

Sarah Trouche, Aral revival, 2013
Le travail artistique de Sarah Trouche, performeuse et vidéaste, s’articule autour de nombreux voyages et d’expéditions en terre lointaine (la Chine, le Sahara…) Ses déplacements amènent l’artiste à la rencontre de groupes allant de la micro- société demeurée isolée à des sociétés mondialisées. Aral Revival est un projet artistique en deux parties, mené en 2013, voyant l’artiste s’engager pour la reconnaissance et la sauvegarde, côté Kazakhstan, de la mer d’Aral. L’action 1, que présente l’exposition se déroule sur le pont de l’une des nombreuses épaves rouillées qui jonchent ce qui est devenu, en lieu et place d’une zone côtière, une steppe stérile. Aral Revival – une totale renaissance de l’Aral s’imposerait, en effet, au vu de son devenir calamiteux. Ici, voici quelques années, n’y avait-il pas de l’eau, des pêcheurs, des bateaux ? Ne restent plus que du sable, à perte de vue, et des épaves de chalutiers. La surexploitation agricole couplée à une irrigation mal maîtrisée, à force d’obstination, a asséché en large part cette mer intérieure. Une épaisse couche de sodium recouvre le sable. Les vents, soulevant des poussières nocives, sont devenus imprévisibles. Sarah Trouche s’est hissée sur la carcasse d’un bateau abandonné, nue, son corps enduit de peinture bleue – le bleu de cette eau que des décennies de culture intensive du coton ont chassé de la zone. Elle tient au bout de ses bras, déployé, le drapeau local. Comme à vouloir, symboliquement, résister à la dureté devenue inhumaine de la zone, un univers asséché d’où a été chassée toute vie humaine. Puissante démonstration s’il en est de la volonté humaine de résister coûte que coûte, d’occuper le terrain où la mort environnementale a pris ses quartiers.

AGIR

La pulsion qui consiste à avertir induit que l’on agisse, que l’on ne demeure pas inerte face à une situation devenue scandaleuse ou insoutenable. L’art écologique, volontiers modeste dans ses entreprises, ne vise pas la grande échelle, le bouleversement, il agit volontiers localement, en interaction constante avec des scientifiques, des territoires, des habitants, des communautés.

Joseph Beuys, 7000 chênes
Joseph Beuys se fait connaître dans les années 1960 avec une production artistique marchant à rebours de la modernité : des dessins de silhouettes humaines ou animales évoquant plus la préhistoire que le présent, des sculptures matiéristes convoquant une relation incarnée au vivant.

7000 chênes est une performance collective de Joseph Beuys. L’artiste l’a réalisée en 1982 dans le cadre de la Documenta de Kassel, en Westphalie (la plus grande manifestation d’art contemporain au monde, avec la biennale d’art de Venise), tandis que l’Allemagne, son pays, voit lacs et forêts dépérir à cause de pluies acides, forme de pollution chimique née avec la révolution industrielle. Aidé par des volontaires, l’artiste plante à Kassel et dans ses environs 7 000 chênes, chaque arbre planté étant désigné par un bloc de basalte (une roche débitée dans une carrière locale). Cette folle entreprise aboutit à un formidable chantier de replantation, exemplaire par l’esprit, et pionnier. L’artiste, en l’occurrence, corrige les désordres environnementaux, il cherche à rétablir l’équilibre rompu. 7000 chênes, œuvre mythique du XXe siècle, fait date et adopte une forme incontestablement visionnaire.

Jérémy Gobé, Corail Artefact
Jérémy Gobé œuvre fréquemment avec des professionnels du textile, des concepteurs de matériaux et des scientifiques. À-rebours du principe de l’atelier fermé, sa création se nourrit de rencontres, de contextes et de prises de conscience dans cette double perspective, s’inspirer de savoir-faire anciens, se reconnecter à la nature. Il invente avec le concours de scientifiques une résille textile biodégradable dont la vocation est de préserver les coraux existants tout en permettant la réimplantation d’une vie sous-marine. Pour l’exposition l’artiste a réalisé une application pour casque VR. Celle-ci plonge le spectateur dans un récif corallien tout en lui faisant découvrir le projet Corail Artefact.

Thierry Boutonnier, Recherche Forêt
Thierry Boutonnier fait du jardinage et de l’activité horticole des pratiques plasticiennes. Soucieux de rétablir le naturel dans ses droits, Thierry Boutonnier intervient par compensation et remet dans nos cités une couche de matière sauvage originelle.
L’artiste propose une présentation de son opération en cours à Paris et en région parisienne, Recherche Forêt. Celle-ci s’inscrit dans le projet plus vaste de l’artiste intitulé Appel d’air, d’esprit écologique – revivifier l’atmosphère de Paris au moyen d’éléments naturels. Recherche Forêt consiste dans le prélèvement par l’artiste, lors de ses marches urbaines, de jeunes pousses issues des friches de Paris, lieux désaffectés ou usines abandonnées. Une fois trouvées, ces jeunes pousses sont mises à l’abri et en pépinière (dans les locaux de la Fondation EDF, notamment), dans cette optique : leur retransplantation dans les différentes forêts urbaines de la capitale.

Couturier Lafargue, Solar Igloo
Couturier Lafargue, collectif franco-canadien, agit le plus souvent de façon contextuelle, en réagissant à des problèmes sociaux spécifiques. Les créations de ce collectif sont le plus souvent participatives, avec intégration des publics ou interaction avec ceux-ci. L’accent y est mis sur des notions telles que l’identité, le portrait, l’individu, le collectif, le territoire, la géographie, le paysage ou encore l’architecture, avec ce questionnement, toujours : ce qui est fait pour et par l’humain est-il toujours bon pour l’humain ? l’équité et l’éthique sont-elles de ce monde ?

Solar Igloo (« Igloo solaire ») s’inscrit dans la panoplie des objets à usage public que conçoit aussi ce collectif. Idée de départ : faire du froid avec du chaud et permettre à tous d’en profiter. Couturier Lafargue, en collaboration avec l’Institut de l’énergie Trottier de Polytechnique Montréal et l’Université de Montréal, lance en 2019 le projet d’un banc public d’un nouveau genre, le Solar Igloo, édicule en phase directe avec le réchauffement climatique. Prenant la forme archétypique de l’igloo, symbole des zones froides de l’Arctique, sa vocation est d’abriter et rafraîchir les passants. Doté de panneaux solaires, cet abri unit feu du soleil et morsure fraîche de la glace. « Solar Igloo, hymne au soleil et à la glace, est une architecture archétypale, nomade, publique et utilitaire », disent les artistes, « elle en appelle au respect de notre grande maison à tous, la Terre ».

Olga Kisseleva, EDEN
Olga Kisseleva a une double formation scientifique et artistique. Son approche de la création est indissociable des nouvelles techniques et des nouveaux médias. L’écologie est au cœur depuis 2012 de son projet EDEN, citation du Jardin du Paradis mais aussi une forme de bio-art que définit l’acronyme « EDEN », dont les quatre lettres désignent ici les termes « Éthique », « Durable », « Écologie » et « Nature ». Olga Kisseleva expose le fruit de la collaboration en cours nouée avec des chercheurs australiens autour du pin de Wollemi. Ce rarissime conifère océanien rescapé de l’ère jurassique a été découvert dans les Blue Mountains, au nord de Sydney, en 1994, et est considéré comme un fossile vivant. Le pin de Wollemi serait l’ancêtre des cèdres. Le but d’EDEN est de faire communiquer cet arbre, au moyen de capteurs, avec ses lointains descendants et d’observer les effets de cette communication tout en révélant de concert la vie intime de l’arbre et ses réactions, offertes au spectateur à travers un dispositif optique.

Barbara et Michael Leisgen, Pink depression, l’eau mourante
Le rapport des Leisgen à la nature indique une volonté de se tenir au plus près de celle-ci. Pink Depression. L’eau mourante 2 (1982), photographie, par Michael Leisgen, d’une performance de Barbara, sa femme, se nourrit de ce principe : la nature, par le corps, doit être ressentie telle quelle. Nous sommes en Allemagne, au début des années 1980. La crise environnementale des pluies acides est alors à son comble, et son principal responsable, tout désigné : l’industrie chimique pollueuse de l’air, des forêts et aussi des lacs. Vêtue d’un pantalon rouge et d’un pull rose, des couleurs qui évoquent plutôt une conscience légère mais brusquement hors de saison, Barbara Leisgen a plongé dans l’eau polluée jouxtant le périmètre d’une usine chimique. Sa posture, répétée avec insistance neuf fois dans le montage final, évoque celle d’une personne noyée.

Lucy + Jorge Orta (Studio Orta), Symphony for Absent Wildlife
Lucy et Jorge Orta fondent leur travail sur les questions de société les plus aiguës : la migration, la pauvreté, les droits de l’homme ou encore l’écologie. Leurs créations, connectées au réel, sont contextuelles et constituent une réponse à la fois critique, esthétique et politique à des situations humaines problématiques, dans cette optique, humaniser, apaiser la relation que nous entretenons avec le monde. Symphony for Absent Wildlife (« Symphonie pour une Vie Sauvage absente ») est une véritable ode à la vie sauvage.

À plusieurs reprises, les artistes ont organisé pour le public un concert où des choristes coiffés de masques d’animaux donnent à écouter le chant d’espèces animales disparues ou menacées.
Le duo donne ici une nouvelle présentation de cette singulière Symphony, cette fois sous la forme d’une installation audio-vidéo. Cette version combine les images de quatre performances filmées à Londres, Calgary, Banff et Milan.

RÊVER

L’art n’est pas un moyen d’action comparable à l’engagement des militants, des associations et des entreprises. Demander à l’artiste « vert » d’être le sauveur d’un monde dont l’environnement se délite sous ses yeux est nécessaire et évident mais excessif.

Dans cette section, les artistes représentés ont à cœur, non l’illusion que l’on peut sauver le monde avec des créations nées de leurs imaginaires, mais l’espoir que ces derniers soient contagieux. Ils ont pour point commun une volonté d’indiquer une direction et d’impulser des comportements vertueux, donnant sens à ce paradigme : « Nous avons l’art pour admettre le possible d’une autre réalité ».

Nathan Grimes, When the Bark of the Birchtree is Singing
Artiste pluridisciplinaire, Nathan Grimes est un jeune musicien prolifique mais aussi un poète et un créateur en arts visuels. Très influencé par la nature, il goûte de travailler au hasard, et d’improviser, une manière de signifier ce qui importe le plus pour lui, non pas l’œuvre finie mais d’abord et avant tout le processus.
When the Bark of the Birchtree is Singing (« Quand l’écorce du bouleau chante »), une création au titre littéral. L’artiste part d’un poème de Lucy Larcom (1824-1893) où cette poétesse américaine évoque un arbre, le bouleau, que distingue son écorce claire. L’artiste montre que l’on peut, avec le concours de la poésie, faire chanter un arbre et pareillement, tout ce que recèle le monde naturel, à partir de ses caractéristiques visuelles ou physiques.

Nicole Dextras, Épousailles Nature
Nicole Dextras est une artiste complète que fascinent la mythologie et ses récits de fondation. L’intérêt de l’artiste pour les créations de la nature – le végétal, en particulier – et pour la question écologique l’amène à se donner sans réserve à cette formule où elle excelle et qui lui vaut une réputation internationale, la conception de robes végétales. Pour elle, le vêtement qui sied le mieux aux êtres humains renvoie au plus primitif des arts vestimentaires, l’assemblage élémentaire par nouage des fibres végétales, technique archaïque de base qui anticipe l’invention du tissu et la pratique du tissage.
Pour l’exposition, Nicole Dextras a créé un vêtement végétal spécifique : une robe de mariée évoquant le printemps à dominante de couleur verte.

Michel de Broin, Shared Propulsion Car, 2007
Michel de Broin est tout à la fois sculpteur, dessinateur, photographe, vidéaste et performeur. Shared Propulsion Car est une berline automobile américaine dont le moteur a été remplacé par un système à pédales. Tous les composants d’une Buick Regal 1986 jugés superflus (le moteur, la suspension, la transmission, le système électrique) ont été, par l’artiste, retirés pour réduire au minimum le poids du véhicule. Ce dernier, ainsi allégé, est équipé de quatre pédaliers autonomes permettant aux passagers de former un groupe propulseur. Capable d’atteindre une vitesse maximale de 15 km/h, cette voiture modifiée semble en appeler à un retour à la force motrice humaine, contre l’énergie d’origine thermique, hautement pollueuse. Sur un mode drolatique, on le pressent. L’œuvre est accompagnée d’une vidéo d’une performance montrant l’artiste et quelques acolytes roulant dans Toronto avec la Shared Propulsion Car. Cette performance, interrompue par la police locale, donna lieu à un procès.

Fernando Prats, PINTURA – TIMANFAYA – LOS HERVIDEROS, LAS PALMAS DE GRAN CANARIA, DÉTAIL, 2009.
Fernando Prats « peint » d’une manière inédite : en recourant à la fumée et, après elle, à la nature elle-même. L’artiste chilien, dans son atelier de Barcelone, en Catalogne, exploite un « fumoir » au moyen duquel il noircit de fumée charbonneuse des papiers de tailles diverses qui vont ensuite lui servir de toiles.
L’artiste chilien dispose ses papiers enfumés dans un coin de paysage et engage alors la nature à travailler, à peindre pour lui. C’est, à l’instar de cette série de peintures présentées dans « Courants verts », dit l’artiste, « la capture de l’énergie qu’exerce l’Océan Atlantique à Los Hervideros, dans le parc naturel de Timanfaya, à Lanzarote ». Prendre et ne pas décider. Les peintures de Fernando Prats, outre des relevés d’espace, sont autant d’« objets temps » – pas n’importe quel temps. Sans doute ces peintures condensent-elles dans leur forme achevée une histoire qui est celle de leur création, à l’instar de toute création picturale quelle qu’elle soit. Mais ce « temps » est aussi un temps autre, sur lequel Fernando Prats ne saurait avoir prise, le temps propre aux rythmes naturels. L’artiste organise, pour l’occasion, mais ne décide pas.

Jacques Rougerie, SeaOrbiter et Cité des Mériens
Inspiré par Jacques-Yves Cousteau et les premières maisons sous-marines, Jacques Rougerie devient architecte en 1972. Il concilie depuis lors ses deux passions, la mer et l’architecture. Il fonde ses recherches sur une architecture bionique, notamment marine et tenant compte du développement durable, dont le but est de sensibiliser les hommes au rôle de la mer dans l’histoire et le développement de l’humanité. SeaOrbiter, pensé en association avec l’océanographe Jacques Piccard et le spationaute Jean-Loup Chrétien, est un navire d’exploration des océans et un laboratoire océanographique. Il est conçu pour dériver au gré des courants marins et pour permettre l’exploration des grandes profondeurs.

La Cité des Mériens, en forme de raie manta, imaginée en 2009. Cette Université océanographique internationale, entièrement autonome grâce à l’utilisation d’énergies marines renouvelables (programme Zéro rejet), intègre des fermes d’élevage aquacoles et des serres de culture hors-sol.

Sam Van Aken, Tree of 40 Fruit
Au départ, un mythe biblique, celui de l’Arbre de l’Eden, avec ses quarante fruits différents, dont Sam Van Aken, artiste et universitaire adepte du farming s’empare en s’interrogeant sur sa viabilité concrète. Préoccupé par le phénomène de la monoculture et par son corollaire, le recul de la biodiversité, Sam Van Aken forme alors ce projet singulier, initié en 2008 à partir d’expériences de greffe tous azimuts avec des végétaux : créer un arbre hybride dont les fruits pourraient être de plusieurs variétés en même temps. Des pommes, des prunes, des abricots, des poires, des cerises, des oranges… sur la même branche ou, du moins, pendant aux branches du même arbre.

(1) Auteur de l’ouvrage « Un Art écologique. Création plasticienne et anthropocène » (Edition Le Bord de l’Eau, 2018).

Exposition Courants verts, créer pour l’environnement à la Fondation EDF, 6 rue Récamier – 75007 – Paris – Jusqu’au 31 janvier 2021

Photo d’entête : « Epousailles Nature » de Nicole Dextras

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