Le Parlement européen affiche sa détermination à défendre une politique climatique à la hauteur de l’urgence. En amont de la COP30, les députés réclament des engagements concrets : fin progressive des aides aux énergies fossiles, transition juste et fondée sur la science, et mobilisation de tous les secteurs pour atteindre la neutralité carbone. L’Europe veut prouver qu’elle reste un moteur mondial de l’action climatique. Le Parlement européen veut s’affirmer. Les députés appellent à une action claire, ambitieuse : l’heure n’est plus aux promesses, mais aux preuves. L’Europe veut montrer qu’elle peut encore être à la hauteur de ses ambitions écologiques — à condition de passer des mots aux actes.
À quelques semaines de la 30ᵉ Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP30), prévue du 10 au 21 novembre à Belém, au Brésil, les députés européens affichent leur détermination à maintenir l’Union européenne parmi les leaders de la lutte mondiale contre le réchauffement climatique. Réunis au sein de la commission de l’environnement, du climat et de la sécurité alimentaire (ENVI), ils ont adopté lundi une résolution fixant les priorités politiques du Parlement européen en vue du sommet. Ils s’étaient déjà engagés à réduire leurs émissions de 55 % d’ici à 2030 (par rapport à 1990) et à atteindre la neutralité carbone en 2050.
Un cap clair fondé sur la science
Dans leur texte, les députés appellent à fonder la politique climatique européenne sur des données scientifiques solides et à maintenir une ambition à la hauteur des engagements pris dans l’Accord de Paris. L’objectif climatique pour 2040 devra, selon eux, concilier compétitivité économique, inclusion sociale et haut niveau de protection environnementale.
L’Union européenne s’est déjà engagée à réduire ses émissions de 55 % d’ici à 2030 (par rapport à 1990) et à atteindre la neutralité carbone en 2050. Pourtant, le 12 septembre dernier, les représentants des États membres ont dû admettre leur échec à trouver un accord sur la cible intermédiaire pour 2040, pourtant prévue par la loi climat européenne.
Ils regrettent toutefois que l’Union européenne n’ait pas soumis à temps sa version actualisée des Contributions déterminées au niveau national (CDN), qui fixent les engagements de chaque pays pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le Parlement presse le Conseil d’adopter rapidement un engagement intermédiaire pour 2035, étape cruciale sur la voie de la neutralité climatique.
Mettre fin aux subventions fossiles
La résolution insiste sur la nécessité de tourner la page des énergies fossiles. Les députés demandent à la Commission européenne et aux États membres d’établir un calendrier clair pour la suppression progressive des subventions aux combustibles fossiles et d’accélérer la transition énergétique de l’Union.
Cette orientation s’inscrit dans un contexte de tensions géopolitiques et de flambée des prix de l’énergie, qui ont mis en évidence la vulnérabilité de l’Europe face à sa dépendance aux hydrocarbures importés.
L’impact climatique des conflits au cœur des préoccupations
Autre volet majeur du texte : la prise en compte du lien étroit entre dérèglement climatique, sécurité internationale et conflits armés. Les députés soulignent que le réchauffement de la planète agit désormais comme un multiplicateur de menaces, capable d’aggraver les tensions existantes et de fragiliser la stabilité des États.
La raréfaction des ressources naturelles — eau, terres cultivables, énergie —, les pénuries alimentaires, la désertification ou encore les catastrophes naturelles à répétition peuvent provoquer des déplacements massifs de populations, exacerber les rivalités territoriales et nourrir les conflits pour l’accès aux ressources. Ces phénomènes contribuent à un cercle vicieux où le climat et la guerre s’alimentent mutuellement : les crises climatiques créent des tensions, et les conflits, en retour, aggravent le dérèglement climatique.
Les députés appellent donc la communauté internationale à évaluer et à limiter l’empreinte environnementale des guerres. Ils citent notamment les dommages écologiques considérables en Ukraine et à Gaza — sols pollués, forêts incendiées, infrastructures énergétiques détruites, émissions massives liées aux opérations militaires —, autant de conséquences durables pour les populations et les écosystèmes.
Le Parlement européen invite également le secteur de la défense à prendre sa part de responsabilité dans la lutte contre le changement climatique. Cela passe par une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre issues des armées, une meilleure efficacité énergétique des équipements et la décarbonation progressive de l’industrie de l’armement. Pour les députés, aucun secteur ne doit être exempté de la transition écologique, y compris celui de la sécurité, souvent épargné par les politiques climatiques.
En filigrane, les députés rappellent que la lutte contre le changement climatique ne se limite plus aux politiques environnementales : elle touche désormais à la sécurité, à la défense et à l’économie mondiale tout entière. C’est pourquoi ils appellent à une mobilisation généralisée de tous les secteurs pour réussir la transition vers la neutralité climatique.
Tous les secteurs doivent participer à la transition
Pour atteindre la neutralité climatique, les députés insistent sur la mobilisation de l’ensemble des secteurs économiques, sans exception. Si l’énergie reste le cœur du défi, ils rappellent que les émissions proviennent aussi d’activités souvent sous-estimées, comme l’agriculture, les transports, l’industrie textile ou encore le tourisme.
Le texte appelle ainsi à une réduction drastique des émissions de méthane, gaz à effet de serre particulièrement puissant, notamment dans l’agriculture et l’exploitation énergétique. Il invite à verdir les transports, en accélérant la décarbonation du transport routier (électrification, carburants alternatifs) et du transport maritime international, encore largement dépendant du fioul lourd.
Les députés demandent également une évolution des pratiques agricoles, afin de réduire l’empreinte carbone des engrais, de la production animale et de l’utilisation des sols. Le secteur textile, marqué par une production intensive et un fort impact environnemental, est, lui aussi, appelé à revoir ses modèles de fabrication et de consommation. Enfin, le tourisme, responsable d’environ 8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, doit intégrer pleinement les impératifs de durabilité, qu’il s’agisse de mobilité, d’hébergement ou de gestion des ressources.
Pour y parvenir, la résolution plaide pour une approche intégrée, articulant innovation technologique, réglementation ambitieuse et incitations économiques. L’objectif : favoriser l’émergence de filières bas-carbone tout en garantissant une transition juste, compétitive et socialement soutenable pour l’ensemble des acteurs économiques.
Prochaines étapes
Le texte adopté par la commission ENVI sera soumis au vote en séance plénière du Parlement européen du 20 au 23 octobre. S’il est approuvé, il constituera la position officielle du Parlement européen lors des négociations de la COP30, où une délégation conduite par Lídia Pereira (PPE, Portugal) et Mohammed Chamin (S&D, Pays-Bas) représentera l’institution du 17 au 21 novembre.
Contexte : la COP30 à Belém
La COP30, qui se tiendra à Belém, au Brésil, marquera une étape clé pour l’application de l’Accord de Paris. Les États devront y présenter leurs nouveaux plans d’action nationaux (CDN), alignés sur l’objectif de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C, et rendre compte des progrès accomplis depuis la COP29.
Les discussions porteront également sur la mise en œuvre des engagements financiers pris à Dubaï en 2024, à savoir la création d’un nouveau cadre de financement climatique mondial destiné à succéder au fonds de 100 milliards de dollars par an promis aux pays en développement. Ce mécanisme vise à soutenir l’adaptation, la transition énergétique et la réparation des pertes et des dommages causés par les effets déjà irréversibles du changement climatique.
La question du financement de la transition dans les pays du Sud s’annonce comme l’un des points les plus sensibles du sommet, sur fond de divergences persistantes entre nations industrialisées et émergentes. Le Brésil, pays hôte et futur président du G20, entend profiter de cette COP pour réaffirmer le rôle central de l’Amazonie dans la régulation climatique mondiale et plaider pour une coopération renforcée entre pays forestiers tropicaux.
Pour l’Union européenne, la COP30 représentera un test de crédibilité : l’occasion de démontrer qu’elle peut conjuguer ambition interne et solidarité internationale, en traduisant ses engagements politiques en actions concrètes et en financements mesurables.
Nichée aux portes de l’Amazonie, Belém incarne à elle seule les paradoxes et les espoirs du combat climatique : un lieu où la nature résiste encore, mais où l’équilibre du monde se joue déjà. C’est là, au cœur du poumon vert de la planète, que se mesurera la capacité réelle des nations à transformer leurs promesses en action.
Car il reste à savoir si cette 30ᵉ COP sera à la hauteur des promesses affichées. Servira-t-elle vraiment à accélérer l’action climatique mondiale ? L’Union européenne parviendra-t-elle, cette fois, à tenir le cap d’une transition sans subventions fossiles ? Autant de questions qui pèseront lourd sur la crédibilité du discours européen — et sur l’avenir de la planète.







