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L'Occident enrôlé dans un conflit incontrôlable avec la Russie

L’Occident enrôlé dans un conflit incontrôlable avec la Russie

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L’invasion de l’Ukraine par Poutine a entraîné le monde occidental dans une spirale dont nul ne peut dire où elle mènera. L’union sacrée des Européens pour soutenir l’Ukraine est impressionnante, et peut mener le maître du Kremlin à mordre la poussière. Mais la partie qui se joue aujourd’hui n’est pas sans risque et la perspective d’un conflit direct, même nucléaire, n’est pas exclue. Dans toutes les hypothèses, c’est l’ordre mondial tel que nous le connaissions qui est profondément remis en question au pire des moments : celui où la crise climatique se fait des plus menaçantes.

Les images satellites de ce matin montrent une colonne de chars longue de 60 km se dirigeant vers Kiev. La guerre de Poutine s’apprête à s’intensifier et les Ukrainiens s’attendent à un déluge de feu. Les Occidentaux observent cette chronique d’un carnage annoncé de leurs coulisses. Ils prient pour une fin hollywoodienne où les héros valeureux vaincront. Et ils répètent à l’envi  leur refus de toute intervention militaire directe tout en entreprenant, avec une grande énergie, d’étouffer financièrement et économiquement la Russie, nation projetée au ban du monde. Ce faisant, ils misent sur le peuple Russe pour se réveiller du joug poutinien et mettre à bas le tyran. Un pari possible mais incertain tant les forces de contrôle de l’opinion publique par le Kremlin se sont toujours avérées impitoyables.

Cause commune contre Poutine

L’Occident fait cause commune contre la Russie de Poutine avec des renforts surprenants comme ceux de la Suisse décidée à rompre sa neutralité légendaire pour rejoindre les bataillons de sanctions. Ou la Turquie d’Erdogan qui prend directement parti pour les Occidentaux et vient de décider de fermer aux navires militaires le Bosphore et les Dardanelles, privant la Russie de circulation vers la Méditerranée. Ou l’Allemagne qui décide de s’armer et renforcer significativement son arsenal de défense, chose impensable il y a encore une semaine. Les revirements de doctrine ont été nombreux ses derniers jours chez les Européens et la coalition du monde occidental, tous secteurs confondus, du sport à la culture en passant par les médias et mêmes les Gafa, provoque une admiration mâtinée d’un immense étonnement.  

Mais cette dynamique vertueuse contre Poutine est-elle suffisante ? Elle n’est d’abord pas totale. Un acteur, et non des moindres, reste tapi dans l’ombre du conflit : la Chine. Xi Jinping comme Poutine sont unis dans leur hostilité à l’égard de l’Occident mais le parti communiste Chinois estime que le temps joue en sa faveur. Comme un gros chat observant sa proie, Xi ne cherche pas à affronter directement l’Occident ; il contourne les règles du jeu libéral en attendant que l’Occident soit suffisamment affaibli. Les Chinois n’ont jamais dit soutenir la Russie face aux sanctions. « Ils attendent pour doubler la Russie » écrit Sherelle Jacobs dans The Telegraph. A mesure que Poutine s’enfonce dans une guerre impitoyable, entraînant l’Occident dans une spirale infernale, la Chine se prépare à ramasser la mise.

L’issue de la guerre n’est pas écrite d’avance

La victoire de l’Occident sur Poutine devient alors existentielle. Cette victoire n’est malheureusement pas écrite d’avance. Malgré la vaillance de sa résistance, le peuple et l’armée d’Ukraine peuvent tomber sous les assauts de l’armée russe. Celle-ci possède un avantage écrasant au combat. Elle est en mesure non seulement d’ensevelir les villes ukrainiennes sous des tapis de bombes, mais aussi, si la résistance se fait trop forte, à employer des moyens dévastateurs comme des attaques chimiques, des lancements de roquettes TOS-1A « thermobariques » l’une des armes conventionnelles –donc non nucléaires– les plus ravageuses qui puissent être utilisées dans un conflit. Sans parler du recours à des armes nucléaires tactiques, des bombes atomiques de petites dimensions mais aux effets cataclysmiques.

« Une victoire russe marquerait l’aube d’un nouvel ordre mondial. Un ordre dans lequel la gloire de l’empire rivalise avec le caractère sacré de la souveraineté, et où de sinistres idées de parenté ethnique menacent d’usurper les concepts modernes de nation. » fait observer Sherelle Jacobs. La boîte de Pandore serait ouverte, encourageant la Chine à mettre la main sur Taïwan et la Turquie à prendre officiellement des morceaux de l’Irak et de Chypre. L’Afrique déjà fragile, serait quant-à-elle, du fait des bouleversements géopolitiques, menacée de balkanisation, les pays sombrant dans la guerre civile. Dans un article qui est devenu viral en Chine, le commentateur des médias sociaux Zhanhao affirme de manière effrayante : « De nombreux pays vont disparaître dans les décennies à venir, résultat inévitable des changements sans précédent de ce siècle…« .

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Un autre monde

En cas de victoire russe, le monde n’aurait pas la même allure que celle que nous connaissons aujourd’hui. Ce serait un monde marqué par le sceau des constructions d’empires et des divisions d’une nouvelle forme de guerre froide. L’Ukraine vaincue serait, au mieux, finlandisée, acceptant par la force un statut de neutralité en échange d’une semi-indépendance des plus fragiles. Mais plus vraisemblablement elle serait, au pire, absorbée par la Grande Russie dont rêve Poutine. Quant à la Chine, elle nouerait des liens économiques opportunistes avec la Russie, important des ressources énergétiques et construisant avec elle un équivalent du système Swift pour rivaliser avec l’Occident dans la maîtrise des flux financiers. L’alliance aujourd’hui plus rhétorique que réelle entre la Chine et la Russie se métastaserait en une union diabolique, mêlant les forces des deux empires sur de nombreux fronts et notamment ceux de la cyberguerre, des armements et des ressources de l’intelligence artificielle.

Le tout dans un contexte de changement climatique bouleversant toutes les organisations et infrastructures, transformant l’habitabilité de régions entières et marqué par des pénuries alimentaires et des déplacements de population massifs. Une crise de l’humanité dont le Giec vient de rappeler l’imminence.  

Conflit frontal avec l’Occident

Le choc serait très violent pour l’Occident qui aurait du mal à s’en remettre. Mais il existe un scénario encore plus catastrophique. Personne en Occident ne veut aujourd’hui y penser et chacun s’efforce de le juger improbable. C’est celui d’un conflit direct entre la Russie et l’Occident.

Ce samedi 27 février, le monde a tremblé. Poutine, dans une intervention crépusculaire, a ordonné au ministre de la Défense et au chef d’état-major de « mettre les forces de dissuasion de l’armée russe en régime spécial d’alerte au combat », faisant craindre le risque de guerre thermo-nucléaire. La température est alors montée d’un cran, et de nombreux observateurs se sont interrogés sur la santé mentale du maître du Kremlin. Les deux années de confinement dues au Covid-19 qu’il s’est assigné ont-elles eu un effet secondaire mental ? Est-il sain d’esprit ? La question vaut d’être posée en matière de dissuasion nucléaire. Dans ce cadre, l’équilibre psychologique des protagonistes est fondamental. Quand Kennedy et Khrouchtchev s’affrontaient dans la crise des missiles de Cuba, nul ne mettait en doute leurs qualités mentales. Personne ne doutait que si l’un des deux appuyait sur le bouton, il ne le ferait pas sur un coup de colère ou une montée de remugles psychanalytiques. Avec Poutine, c’est différent. Il est impossible d‘affirmer qu’il n’obéira pas à des ressorts éloignés de toute rationalité.

Une question de vie et de mort

De plus, les Occidentaux ont tendance à sous-estimer la mesure dans laquelle l’Ukraine peut être une question de vie et de mort pour Poutine. Dans l’esprit du dictateur russe, l’empire et la survie sont une seule et même chose. Il est convaincu que l’arsenal nucléaire de Moscou lui conférant le statut de puissance atomique est le seul moyen pour la Russie d’éviter la domination de l’Occident. C’est sur ce fond que Poutine développe sa logique tortueuse : l’Ukraine est la clé de tout, pour laquelle il est prêt à tout risquer, à faire tapis. Dans son esprit, le pays de Volodymyr Zelensky doit être soumis pour éviter que la Russie ne se retrouve encerclée par des pays hostiles, qui la contraindraient par la menace et l’étrangleraient de sanctions économiques. La victoire en Ukraine devient alors un enjeu de survie pour Poutine qui n’hésiterait pas, si besoin, à recourir à une action frontale contre les alliés de Kiev. D’autant que le maître du Kremlin n’a pas seulement mis ses forces nucléaires en état d’alerte maximale ce week-end, mais il a aussi radicalement modifié les règles de la guerre nucléaire ces dernières années, en réécrivant la doctrine de dissuasion de la Russie. Ce document a abaissé la barre du déploiement des armes atomiques, permettant leur utilisation contre des frappes non nucléaires.

Le moindre incident peut alors mettre le feu aux poudres. A cet égard, quand on parle d’incident, on pense à un incident militaire, un avion de chasse sortant de ses frontières, ou un tir de missile mal ajusté. Mais le feu aux poudres peut être mis aussi par la pression économique que les Européens infligent à la Russie. Le ministre français de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a déclaré ce mardi 1er mars sur franceinfo au sujet des sanctions décidées par les pays occidentaux : « Nous allons livrer une guerre économique et financière totale à la Russie. » Le Kremlin a aussitôt réagi par la voix de l’ancien président russe Dmitri Medvedev : « Surveillez votre langage, Messieurs ! Et n’oubliez pas que dans l’histoire de l’humanité, les guerres économiques se transforment assez souvent en vraies guerres ». Un dérapage verbal hautement inflammable sur lequel est revenu Bruno Lemaire en corrigeant dans Libération : « Le terme de ‘guerre’ utilisé ce matin sur France Info était inapproprié et ne correspond pas à notre stratégie de désescalade ».

La situation actuelle est des plus sensibles car l’enjeu de la guerre en Ukraine dépasse largement le sort de ce pays ; c’est un enjeu de vie et de mort, total. Celui de l’histoire du monde entier, bouleversée par le fanatisme nihiliste d’un homme seul, confiné dans un palais de marbre blanc.

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christian.campiche@bluewin.ch
2 années

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