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Chine : la marche vers un nouvel ordre mondial
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Chine : la marche vers un nouvel ordre mondial

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Initiatives diplomatiques (Ukraine, Palestine), multilatéralisme assumé, coopérations économiques internationales à marche forcée dans le cadre des Routes de la soie, soft-power influent, course à la technologie, regroupement du « Sud Global » sont autant d’initiatives avec lesquelles la Chine avance ses pions dans un jeu de go où elle tente de dominer l’économie planétaire (objectif 2049) et de promouvoir un nouvel ordre du monde sécuritaire.

Depuis la nuit des temps la Chine échange avec le reste du monde

De l’Antiquité au XIXe siècle, la Chine est un pays agricole prospère dont l’activité commerciale dépasse ses propres frontières. Du XIXe siècle à 1949 les colonisateurs occidentaux font de la Chine une économie de comptoir en grande partie asservie par le commerce de l’opium. La guerre contre le Japon, la guerre du Pacifique et la guerre civile affaiblissent un peu plus l’économie Chinoise qui s’enfonce au plus profond dans les classements internationaux De 1949-1976 la République Populaire de Chine de Mao Zedong mène une politique communiste et une économie dirigiste isolé au plan international. .

Depuis 1976 La Chine développe une « économie socialiste de marché » mise en œuvre par Deng Xiaoping dont les faits les plus marquants sont : a) l’Adhésion à l’Organisation mondiale du commerce en 2001, b) une très forte croissance depuis les années 2000, c) la présentation en 2013 de la politique de la « Nouvelle route de la soie » qui prend le nom de Belt and Road Initiative (BRI) en 2017 pour tenir en compte l’ensemble des liaisons déployées dans ce programme avec lequel des coopérations ont été développés, au profit de Pékin, avec plus 150 nations.

En résumé on est passé de « la Chine dans le monde » à « la Chine et le monde » et, peut-être,, à « la Chine est le monde » si elle atteint les objectifs ambitieux que s’est fixés son actuel timonier : Xi Jinping

Objectif 2049

Les Chinois ne cachent pas leur objectif : atteindre la position de première puissance mondiale d’ici le centenaire de la Révolution en 2049. Pour ce faire l’empire du milieu s’active sur tous les fronts : activité économique conquérante avec le déploiement du projet des nouvelles routes de la soie, course effrénée aux technologies stratégiques (en particulier l’Intelligence artificielle), déploiement d’une diplomatie omniprésente et d’un soft-power hyperactif.

Stratégie économique et… arrières pensées militaires

La politique des nouvelles routes de la Soie a été présentée en septembre 2013, peu après l’arrivée de Xi Jinping à la tête de l’état chinois. Conçue comme une “ceinture ” économique » le projet des nouvelles routes de la soie appelé Silk Road Economic Belt vise à relier la Chine à l’Europe par voie terrestre via l’Asie centrale et par voie maritime via l’Océan Indien avec des prolongements vers l’Afrique et l’Amérique du Sud. C’est un programme de développement pharaonique constitué d’un ensemble de projets de construction d’infrastructures dont le coût total se chiffre en milliers de milliards de dollars. Il comprend aussi une composante « numérique » qui est montée en puissance à partir de 2017.

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Dans le discours des dirigeants chinois l’objectif de la BRI est de «favoriser les liens entre les peuples et le développement économique» en facilitant les échanges de marchandises, les mouvements de population et les transferts monétaires. Dans les faits, il apparaît que c’est une tentative d’organiser un ordre mondial parallèle qui concerne maintenant 154 pays d’Asie, d’Afrique, d’Europe et d’Amérique latine. Elle permet à la Chine d’amadouer le Sud global en se plaçant rivale des États-Unis, avec succès car malgré la répression des Ouighours, Pékin a conservé ses partenariats avec des pays musulmans.

Le nombre de pays partenaires et la diversité des projets autant que le montant (colossal) des financement et leurs modalités montre que la BRI n’est pas qu’une affaire de coopérations économiques car elle donne à la Chine les moyens d’assurer son influence à moyen terme, tout en écoulant sa production industrielle et en exportant de méga prestations de service par le pilotage chinois des « chantiers » dont la grande majorité fournisseurs et de la main d’œuvre sont chinois tout comme le financement accordé à crédit. Avec une telle organisation, le déséquilibre des échanges entre la Chine et ses « partenaires » peut les pousser vers le piège d’une dette insoutenable pouvant pousser à la cession des ouvrages.

De plus, l’impact d’investissements qui portent sur des secteurs comme l’énergie les télécommunications, le tourisme, etc., va au-delà de simples considérations technique, commerciales ou financières comme c’est particulièrement visible avec l’activisme chinois dans les transmissions numériques et dans les infrastructures portuaires qui pourraient être autant de points d’appui pour la marine de guerre chinoise pour sa stratégie du collier de perle. Pour mémoire : la Chine a la première armée du monde en effectifs (2.500.000 personnes), la 2ème marine de combat en tonnage (1.200.000 T) -et 1ère en nombre de navires (1570) – et elle a 2ème budget miliaire du monde avec 230 milliards de dollars en 2024.

La guerre des monnaies aura-t-elle lieu ?

Corollaire financier de sa croissance au cours des trois décennies la Chine dispose des premières réserves de change au monde de 3.232 milliards de dollars à la fin mai 24.

Depuis une dizaine d’années la Chine effectue un nombre croissant de transactions commerciales en Wuan parallèlement à la croissance de son économie, d’une part, et pour des raisons géopolitiques d’autre part, comme, la récente interdiction des paiements de l’énergie russe en euros et en dollars ou dans le cadre de l’accord Chine-Brésil où les parties conviennent d’effectuer leurs transactions financières et commerciales directement en réaux brésiliens ou en yuans pour s’affranchir d’une conversion en dollars.

Par ailleurs, lors de la dernière réunion BRICS d’août 2023 le projet de projet mise en place de monnaie alternative au dollar a été relancé. De là à voir une volonté de détrôner le dollar américain, il n’y a qu’un pas…

Compétition technologique

Sur 44 technologies critiques examinées en 2023 par le think tank « Australian Strategic Policy Institute »,(ASPI) la Chine est en tête pour 37 d’entre elles notamment la robotique, l’énergie, l’environnement, les biotechnologies, la défense, l’espace, les télécommunications …

La volonté de sortir de l’emprise des États-Unis sur les technologies essentielles est assumée. Outre les crédits publics accordés à la recherche et aux investissement des entreprises, la Chine bénéficie d’un « “reverse brain-drain” : la grande majorité de ses étudiants reviennent après une formation américaine ou européenne. Ces « tortues de mer » (près de 4 millions depuis la réforme d’ouverture de 1978) en sont incitées/encouragées à participer au défi collectif national en créant leur propre entreprise par exemple.

Dans le cas particulier du numérique la Chine développe partout dans le monde des infrastructures de communication en grande partie indépendantes du réseau mondial. Ces routes de la soie numériques s’appuient sur la pose de milliers de kilomètres de câbles sous-marins et sur l’exportation de la technologie 5G ou de ses systèmes de télécommunications satellitaires, ainsi :

  • La Chine a passé des accords de coopération avec de nombreux pays comme l’Indonésie, le Japon, la Nouvelle-Zélande, le Chili, le Brésil…pour déployer de câbles transpacifiques et transatlantiques.
  • la Chine ne cesse de promouvoir sa technologie 5G hors de ses frontières. Parmi les pays qui coopèrent avec elle dans ce domaine on peut citer le Qatar, l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unis, l’Égypte, l’Afrique du Sud, le Brésil. Notons que Ia 5G est devenue le fondement de l’internet des objets qui maille les smartcities (villes hyperconnectées) que la Chine a bâti en grand nombre sur son territoire et qu’elle promeut résolument hors de ses frontières avec ses technologies qui couvrent autant la mesure des consommations d’énergie que la surveillance des populations.
  • La Chine a déjà exporté son système de navigation Beidou (BDS), concurrent du GPS, vers plusieurs dizaines de pays parmi lesquels on trouve la Thaïlande, le Laos, le Pakistan, Éthiopie, Venezuela, Algérie, Nigeria, Thaïlande, Cambodge, Indonésie, Brésil…
  • Dans le secteur de L’IA dont elle a massivement décliné les applications au service de la surveillance des population la Chine coopère de nombreux pays comme le Zimbawe qui lui fournit les données biométriques de ses citoyens en échange de technologies et de gouvernance numérique ou l’Iran avec un transfert de technologies de surveillance dont le déploiement s’est accéléré en septembre 2022 depuis la mort de Mahsa Amini et le soulèvement populaire qui l’ont suivi.

On voit là que la politique d’exportation frénétique de la technologie chinoise tente de répandre un modèle de société structuré par un autoritarisme numérique.

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La diplomatie du sourire ne doit pas nous tromper

De discours pacificateurs en positions modératrices, la Chine avance ses pions. Les propositions de médiation de ses dirigeants dans les conflits en Ukraine et en Palestine visent à la présenter en artisan de la paix aux yeux des pays émergents. En coulisse c’est une autre affaire : en utilisant sa position de force économique et démographique la Chine cherche à subordonner la Russie en guerre contre l’Ukraine tout en prenant garde de ne pas trop l’affaiblir ; en négociant la détente entre l’Iran et l’Arabie saoudite en mars 2023 Pékin veut montrer la perte d’influence de l’Occident au Moyen-Orient vingt ans après ma désastreuse guerre d’Irak pour les Américains.

Des moyens d’actions multiples et puissants

Les Chinois se sont constitué le 1er réseau diplomatique dépassant la France et les États-Unis en 2019 avec 276 représentations, trois fois plus que les États-Unis et neuf fois plus que la France.

Le soft power est aussi à la manœuvre. Il relaye l’influence chinoise en s’appuyant sur 525 instituts Confucius (dont 173 sont établis dans 41 pays européens), sur les membres d’une active diaspora de plus de 50 millions de personnes et la diffusion incessantes de communiqués de l’agence Xinhu.

La Chine est de plus en plus active dans les instances internationales : ONU, OMC, G20, Interpol, BRICS. À l’ONU au Conseil de Sécurité, dans 4 de ses agences spécialisées qu’elle dirige ou qu’elle contrôle (l’Union internationale des télécommunications, l’Organisation de l’aviation civile internationale, l’Onudi (développement industriel) et la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture) ainsi qu’à la commission des Droits de l’Homme de l’ONU qu’elle dirige avec l’Arabie Saoudite (2015) et dont elle profite profite pour imposer ses valeurs, avançant, par exemple, qu’il faut d’abord réussir un développement économique avant de jouir pleinement « des droits humains ».(Cafés Géo)

À l’OMC, un des quatre directeurs adjoints est chinois. Au G20, la Chine est tellement écrasante qu’on requalifie le groupe « G2 » ou encore « Chinamérique ». La banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (BAII) est présidée par un chinois. Si c’est un Sud-coréen qui dirige Interpol, l’organisation reste sous le contrôle de Pékin qui y a placé un haut-gradé de sa sécurité publique au comité exécutif. Enfin, face au durcissement des relations avec les États-Unis et l’Union Européenne, la Chine a pris l’initiative vers les pays du Sud en ouvrant le club des BRICS en 2023 à l’Argentine, à l’Éthiopie, à l’Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis et à l’Iran.

Associée au soft-power l’intelligence artificielle est devenue une arme redoutable pour régenter le monde. La Chine l’a bien compris et, à coup de de commandes d’état aux laboratoires, aux centres de recherche et aux entreprises notamment Huawei qui est une émanation de l’armée populaire de libération. La Chine est actuellement le deuxième plus grand marché dans le secteur de l’Intelligence Artificielle (IA) : il s’est élevé à 34 milliards de dollars en 2022. Dans ce domaine c’est l’État chinois qui est à la manœuvre pour le développer dans des applications qui vont de la finance à la santé en passant par les transports et la surveillance. Parallèlement, la Chine est très active dans les instances de coopérations internationales sur l’intelligence artificielle afin de peser sur sa réglementation et, plus prosaïquement pour vendre son savoir-faire dans des applications industrielles, militaires, environnementales ou sécuritaires.

L’ordre « made in China »

Depuis plus de dix ans la Chine a investi massivement dans la reconnaissance faciale au point que la surveillance est devenue omniprésente. Aujourd’hui, que ce soit dans la rue, dans les transports, dans les commerces ou dans les bâtiments publics, les Chinois sont filmés avec un réseau de caméra de surveillance très dense (1 caméra pour 2 habitants). Présenté comme un service au citoyen pour ses achats en présentant visage et aux autorités pour identifier un délinquant dans la foule, c’est aussi un outil de contrôle très efficace utilisé pour calcul du crédit social des personnes, la surveillance de minorités ethniques ou de dissidents.

Outre la gestion de l’ordre à la “Big Brother”, la politique de « défense de la sécurité nationale » est restrictive : Interdiction financements étrangers des ONG depuis 2016, rafle des avocats défenseurs des droits civils en juillet 2015, rideau numérique sur Google et les réseaux sociaux non-chinois, Le chinois en mal d’information indépendant n’a plus que la darknet pour consulter des sources d’information indépendantes comme The Gardian, Deusche Welle, The New York Times…

Plus dur encore, l’amendement à la loi contre l’espionnage adopté en avril 2023 a aggravé la situation : toute personne qui fournit à un étranger des informations non officielles peut être soupçonnée pour espionnage (avec de possible contrôle du smartphone personnel sans mandat depuis juin 2024). Par ailleurs, les citoyens chinois sont encouragés à la délation d’étrangers “suspects”.

Hors des frontières le Parti Communiste Chinois (PCC) étend sa volonté de contrôle à la planète entière. Installation de policiers à l’étranger, contrôle des principaux médias en chinois… tout est prétexte pour bâillonner l’opposition en exil et prévenir la contestation du PCC, par les étudiants notamment.

Bref, depuis que Xi Jinping a été élu pour la troisième fois au sommet de l’État, le PCC a renforcé sa politique d’opposition aux Occidentaux et la politique ce nouveau timonier se caractérise par sa volonté d’annihiler toute contestation tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, au nom de la sécurité nationale.

Quels contours pour le nouvel ordre mondial chinois ?

Ainsi, la Chine installe petit à petit les bases d’un ordre mondial à sa main grâce à des relations multilatérales où les échanges prétendument « gagnant-gagnant » ne font que traduire le rapport de force dans des partenariats économiques, technologiques ou diplomatiques où tout se négocie sans se soucier des droits de l’Homme.

Outre la promotion frénétique du système techno-économique chinois Xi Jinping et ses relais diplomatiques accusent l’Occident de tous les maux pour promouvoir le modèle de société structuré par un autoritarisme numérique. On discerne aussi une volonté de désagréger le réseau d’alliances des États-Unis et de l’Union Européenne et de débarrasser les organismes internationaux de leurs références aux “valeurs occidentales”. Ce faisant la Chine se présente comme le porteur d’une mutation bienvenue face à une Amérique qui camperait sur un statu quo diversement apprécié, notamment chez les pays du Sud

Dit autrement, dans le nouvel ordre qu’elle veut façonner, la Chine recherche à garantir son leadership multipolaire avec des institutions et des normes mondiales sous-tendues par les conceptions chinoises de sécurité commune et de développement économique déconnectées des valeurs universelles.

Xavier Drouet, chroniqueur invité UP’ Magazine

L’original de cet article a été publié sur le blog de l’auteur Hommes et sciences. Avec nos remerciements à l’auteur.

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