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Quand les réseaux sociaux menacent la vie démocratique

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Dans l’ombre des écrans lumineux de nos appareils, se cachent des manipulations numériques redoutables. « Trop linéaire pour être naturelle » est une exploration profonde de l’influence clandestine exercée sur les réseaux sociaux, focalisant sur la croissance suspecte du compte Tic-toc de Jordan Bardella. L’auteur, Thomas Huchon, expert en détection de fausses nouvelles, révèle les techniques sournoises utilisées pour façonner l’opinion publique, nous entraînant dans les méandres tortueux de la manipulation numérique des masses. À travers ce texte, il nous alerte sur la nécessité de rester vigilant face aux « ingénieurs du chaos » qui menacent les fondements de nos démocraties, tout en proposant des solutions pour contrer ces tactiques de désinformation. Mais il nous ouvre les portes d’une réalité où les courbes de croissance des réseaux sociaux ne sont que la partie émergée d’un iceberg beaucoup plus sombre et complexe. Ancré dans l’actualité brûlante des manipulations électorales, ce texte plonge dans l’analyse de la propagation virale de fausses informations, mettant en lumière comment des figures comme Jordan Bardella, Donald Trump, et d’autres acteurs politiques ont pu sculpter leur image publique à coups de millions de dollars et de fausses nouvelles.

Trop linéaire pour être naturelle. La courbe de croissance du compte Tic-toc de Jordan Bardella est manipulée par des opérateurs invisibles. Un constat que connait trop bien Thomas Huchon, auteur de « Trumping démocracy » (1), un documentaire décoiffant sur l’organisation de la propagande en ligne pour faire élire l’ancien président. « Le problème des phénomènes numériques, c’est qu’on ne décèle que les effets de surface sans pouvoir remonter aux donneurs d’ordre ». Le journaliste d’investigation a découvert – seulement après l’élection de Trump – comment une énorme machine de guerre numérique (et un investissement de l’ordre de 20 millions de dollars) a abusé des électeurs américains. Avec son financier privé, Robert Mercer qui a réussi à faire déplafonner le financement des campagnes électorales (par l’ajout de soutiens annexes), et Steve Bannon, communicateur près à toutes les manipulations pour faire gagner ses visions réactionnaires, Donald Trump a organisé son succès en piétinant toutes les règles du combat démocratique. Il a mobilisé la firme anglaise Cambridge Analytica et a utilisé les services du Psychometrics Centre de Michal Kosinski à Cambridge pour gagner absolument.

Entrepreneurs de haine

Cette « techno-démocratie » traite les individus comme des « nœuds » dont on module les réactions par fake news, ciblages et émoticônes. Et elle poursuit ses œuvres délétères. Une image de Kamala Harris avec le rappeur P.Diddy accusé de viols a été fabriquée par IA : au départ, il s’agit d’une photo où Kamala Harris est avec Montel Williams. Celui-ci a été remplacé par Diddy, et a été ensuite diffusée sur TruthSocial, le réseau social fondé par Donald Trump avec pour légende « Kamala Harris se tape Diddy ? Madame la vice- présidente, avez-vous déjà été impliquée dans l’une des orgies sexuelles de Puff Daddy ? » (2).
« Cette photo a été vue 6 milliards de fois » signale Thomas Huchon qui utilise le  social listening qui permet de mesurer les niveaux d’audience sur internet. Il estime que deux autres fake news de ce type contre la candidate démocrate ont été déployées par les service
de Trump depuis l’été.
Ces mêmes armes numériques contre les règles des instances démocratiques ont aussi été dénoncées par David Chavalarias en France lors des dernières élections législatives en France. Le directeur de l’Institut des sciences systémiques (CNRS) a publié un travail approfondi (3) montrant l’ingérence de la Russie. « Moscou est bien à l’origine de tentatives de déstabilisation du scrutin et nous avons observé une convergence d’intérêts entre le régime de Poutine et l’extrême droite française pour « déstabiliser la société française », explique le
mathématicien qui a analysé des millions de publications sur Internet et sur les réseaux sociaux en remontant sur plusieurs années.

Dans son livre-enquête, Les ingénieurs du chaos (Éditions JC Lattès, 2019), le politiste Guiliano da Empoli met au jour comment les réseaux sociaux ont permis de faire émerger les sujets populistes en captant les publics mécontents et fragiles. Leur méthode : la transgression. Leur but assumé : « casser les codes de la gauche et du politiquement correct ». Leur bras armé, c’est Steve Bannon, « l’homme-orchestre du populisme américain » mais aussi italien.

La destruction massive de nos systèmes politiques

Les personnes happées par ces stratégies délétères acquièrent un sentiment d’appartenir à un corps collectif nouveau, qui agit. Or cette conviction n’est qu’une tromperie poussée par des trolls ; « une illusion dont la seule légitimité est de s’accorder sur du sensationnel et
des fake news, dans le but de servir des plans de destruction massive de nos systèmes politiques régis par des mécanismes démocratiques » estime Giuliano da Empoli qui affirme que ce ne sont pas des hommes politiques qui ont engagé des techniciens pour favoriser le
populisme, mais bien l’inverse : « En Italie, sans l’algorithme post-idéologique du Mouvement 5 étoiles, qui a récolté un tiers des voix des Italiens grâce à une plateforme sans aucun contenu politique et donc prête à être utilisée par n’importe qui pour arriver au pouvoir, Salvini n’aurait pas aujourd’hui le rôle qu’il a… Ce sont des techniciens qui prennent directement les rênes du mouvement en fondant un parti, en choisissant les candidats les plus aptes à incarner leur vision, jusqu’à assumer le contrôle du gouvernement et de la nation entière ».

Alors que jadis jadis, l’Église et les partis de gauche constituaient les « banques de la colère», les ingénieurs du chaos ont pu récupérer et catalyser ce sentiment de colère et de frustration qui innerve désormais ouvertement toutes les sociétés,

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Raconter l’envers des écrans

Pour Thomas Huchon, il y a trois piliers pour éviter l’effondrement de nos démocraties : tout d’abord l’éducation pour créer des capacités de détection, de vigilance, de résistance ; ensuite, la régulation de l’espace numérique en rendant les réseaux sociaux responsables de ce qu’ils diffusent (ce sont des médias et pas de simples tuyaux) ; enfin il faut organiser la riposte pour générer des contre-discours.
Il est essentiel de montrer l’envers des écrans, insiste le journaliste d’investigation qui intervient à SciencesPo, dans de nombreuses écoles et lycées, et publie des nouvelles sur AntFakenewsAI. « Tout le monde peut être victime de campagnes de désinformation » souligne-t-il évoquant les entreprises comme RTE ou des industriels de la pharma qui en ont été victimes.
Il craint deux nouveaux phénomènes qui ne vont faire qu’amplifier les risques : « le développement technologique de l’intelligence artificielle et l’entrée d’acteurs mafieux dans la danse comme les cartels colombiens qui peuvent voir là des activités plus rentables ».

Pour en savoir plus :

  • Expert du complotisme, le site Conspiracy Watch fondé par le politologue Rudy Reichstadt et l’historienne Valérie Igounet réalise en France un travail de veille exemplaire et délicat.
  • VigieNum est le service technique et opérationnel de l’Etat chargé de la vigilance et de la protection contre les ingérences numériques étrangères

Dorothée Browaeys, Chroniqueuse invitée de UP’ – Journaliste et auteure, spécialisée dans l’analyse des enjeux économiques et politiques de l’écologie. Elle enseigne la « Culture du vivant » à CY Ecole de design.

(1) Comment Trump a manipulé les élections américaines, documentaire de Thomas Huchon, septembre 2018
(2) Voir Le Monde : Comment les accusations de trafic sexuel contre P. Diddy sont instrumentalisées dans l’élection présidentielle américaine.
(3) Minuit moins dix à l’horloge de Poutine dans le Politoscope

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