La conférence sur le thème « l’innovation par le business model » a été organisée par les étudiants du master 2 « Management de la Technologie et de l’Innovation », master co-délivré par l’Université Paris-Dauphine, l’INSTN, l’Ecole des Mines ParisTech et l’ENS Cachan. Elle s’est tenue le 8 avril 2013 à l’Ecole des Mines ParisTech et était co-animée par deux étudiants du master, Delphine Bihin et Benjamin Le Pendeven. Compte-rendu.
Une conférence pour tenter de répondre à des questions essentielles telles que comment réér un business model pour innover, repenser le business model des innovations, quelle méthode pour changer/créer un business model (hésitation stratégique, séquentiel, portefeuille de business models, etc), mettre en lumière le décalage entre la vision du business model et les ressources humaines et financières, le Business model concerne-t-il principalement une entreprise, alors qu’une chaîne de valeur en concerne plusieurs, quelles relations avec les parties prenantes – clients, partenaires, fournisseurs – quand il faut un changement radical de business model, quelles tensions managériales internes entre business model de court et long terme,…
Les différentes composantes de l’innovation par le business model ont été mises en lumière à travers des exemples concrets et variés. Etaient réunis autour de la table :
– Alain Bénichou, Président d’IBM France ;
– Mickaël Oualid, porteur du Free Car Project ;
– Jacques-Etienne de T’Serclaes, Président de l’Agence pour le Don en Nature ;
– Et Yves Pigneur, enseignant-chercheur à HEC Lausanne et co-auteur du best-seller Business Model Nouvelle Génération.
Un rappel des principales problématiques de l’innovation par le business model a été réalisé. Ainsi ont été mis en lumières les axes suivants :
– la question de la création d’un business model par tâtonnement stratégique (séquentiel, prototypage rapide, etc.) ;
– la problématique de l’innovation par le changement de business model ;
– les implications opérationnelles et organisationnelles induites par la mutation du business model, et notamment la question de l’inadéquation entre le business model pensé et les ressources disponibles (humaines et financières notamment) ;
– la mutation de l’attitude du consommateur permise par la modification du business model ;
– le fait que le business model est propre à chaque firme mais néanmoins dépendant de la chaîne de valeur dans laquelle celle-ci est impliquée (rôle des parties prenantes, etc.).
Pour amorcer le débat, les huit freins internes à l’innovation par le business model (identifié par Saul Kaplan) ont été présentés :
1. « Le produit est roi, seul lui est roi »
2. « Nos responsables IT jugent le changement de système inadapté »
3. « Mais nous allons cannibaliser nos autres business lines ?! »
4. « Pas de mise en relation avec de nouveaux partenaires au profil inattendu »
5. « Travaillez sur un service révolutionnaire, mais vous serez évalué par votre boss actuel »
6. « L’idée magnifique, mais nous ne percevons pas le retour sur investissement »
7. « Les rebelles, nous les disciplinons ! »
8. « Pas d’expérimentation en situation réelle sans être certain que le prototype est parfait »
A partir de différentes expériences, qu’ilmlique l’innovation par le business model ?
Alain Bénichou, Président d’IBM France, a expliqué comment une entreprise de taille mondiale telle qu’IBM avait pu innover par son business model et continue à le faire. D’abord fabricante de tabulateurs, puis de composants informatiques et enfin de PC, IBM réalise aujourd’hui 45 % de son chiffre d’affaires grâce aux logiciels et 45% avec les services.
Monsieur Bénichou a souligné que les mutations de business model et d’organisation les plus importantes sont intervenues en période de crise profonde pour l’entreprise, comme dans les années 1990. Cette période fut critique pour IBM – quasi-faillite en 1992 – et le douloureux redressement dans les années qui suivirent (la moitié de l’effectif dû quitter IBM). Néanmoins, il a cependant été précisé que les périodes de crise ne sont pas les seules à favoriser la mutation du business model.
Monsieur Bénichou a ensuite évoqué les changements opérationnels et organisationnels induits par les mutations successives du business model. Ceux-ci ont été permis par la forte culture d’entreprise présente au sein de la structure. Enfin, il a démontré la place centrale du client dans la chaîne de valeur, tout en relativisant son impact en termes de capacité d’imagination d’un nouveau business model.
Nous avons ensuite quitté l’entreprise de taille mondiale pour nous concentrer sur un projet disruptif pour le secteur conservateur qu’est celui de l’automobile.
Mickaël Oualida ainsi présenté son projet visant à proposer une voiture épurée et quasiment gratuite pour le consommateur, grâce à des partenariats avec de grandes enseignes de consommation. A travers sa présentation, la question des espoirs et des freins à l’innovation sur un marché conservateur a été abordée. Monsieur Oualid a expliqué que la stagnation de son projet est principalement due à la difficulté pour certaines industries automobiles de changer de mode de raisonnement.
Il a précisé que « Tout le monde a besoin d’une « petite » voiture et pour tous, le premier critère d’achat est le PRIX ! », sachant que à 6000€, le prix d’une automobile ne représente que 5% du chiffre d’affaires généré par son usage et que 3.700 € annuels sont nécessaires pour ses frais de fonctionnement (2.900 € est le montant du panier moyen annuel dans les centres commerciaux). 1.000 € C.A potentiel si la voiture est conçue comme une MARKET PLACE ouvertes aux nouveaux services d’usages. En quinze années de vie en moyenne, une « petite » voiture va générer près de 114 K€ par son usage.
Il propose donc un nouveau concept de « Free car project », basé sur une NOUVELLE ÉCONOMIE : » celui qui paye est celui qui gagne de l’argent avec. » accompagné de l’importance de l’importance d’un DESIGN OUVERT :
* conception robuste et ouverte = design iconique
* voiture simple = baisse des coûts
* business model durable = écologie
* voiture gratuite = pouvoir d’achat en hausse
* nouvel outil marketing = relance de la consommation
* nouvel écosystème = nouveaux emplois
* production allégée = Made in France
Il a par ailleurs noté que même si cette dernière mutation s’opère, il sera difficile de faire changer les habitudes de consommation du propriétaire vis-à-vis de sa voiture. Ainsi, le client a un rôle déterminant dans la réussite ou la stagnation d’un projet.
Le monde de l’entreprise a ensuite laissé place au mode associatif, afin de démontrer que l’innovation par le business model concerne tous les types d’organisation.
Car Jacques-Etienne de T’Serclaes a créé son association, l’Agence pour le Don en Nature, sur un business model disruptif. Alors que la majorité des associations en France sont largement supportées par des subventions publiques, l’ADN n’en reçoit aucune. Son activité de redistribution de produits invendus et non alimentaires à destination des plus démunis a été bâtie à partir de partenariats privés en associant une triple finalité : économique, sociale et environnementale. En s’inscrivant comme intermédiaire entre les industries – qui détruisent des millions de produits par an – et les associations caritatives – qui viennent en aide aux plus démunis -, l’ADN rapproche des mondes éloignés tout en répondant aux problématiques actuelles (crise conjoncturelle et structurelle, appauvrissement de la population, entraide, etc.).
Les interventions se sont clôturées sur les rappels théoriques du Professeur Yves Pigneur.
En s’appuyant en partie sur les exemples cités lors des précédentes interventions, il a décrit les étapes de création d’un business model, et comme celui-ci pouvait être une variable forte d’innovation. Monsieur Pigneur a par ailleurs insisté sur l’importance de la prise en compte du client dans le processus de création du business model et sa réalisation quotidienne : c’est en proposant le produit ou le service au client que l’on voit si le projet est rentable et viable. A travers la définition donnée du business model, il a également expliqué l’importance de la prise en compte des différentes parties prenantes dans la chaîne de valeur et la construction du business model.
(Source : MTI Master. Merci pour cette collaboration éditoriale.)