La ‘maîtrise des coûts’ … et de la rentabilité : ‘tarte à la crème’, Graal… mais toujours un enjeu majeur, rarement abordé de manière holistique et méthodique malgré les enjeux en termes de gouvernance, compétitivité et risques.
Le pilotage est plus curatif que préventif, ce qui ne fait souvent qu’aggraver les choses. Comment expliquer sinon la vague de ‘plans sociaux’ , ‘restructurations’ et autres actions d’ingénierie sociale ? Beaucoup de managers s’appuient sur la méthode Coué ou tentent un freinage d’urgence en lançant une chasse effrénée aux ‘gaspis’, elle-même stimulée par une communication incantatoire (du style ‘les petits ruisseaux font les grandes rivières’) qui ambitionne de déclencher les réflexes pavloviens salvateurs.
Certains font appel à des ‘costs killers’ qui obtiennent souvent des résultats probants mais parfois au prix de dégâts collatéraux mal maîtrisés (e.g : perte de talents) : le « freinage d’urgence » peut vous faire déraper… Même si une embellie économique semble se dessiner, la pression sur les coûts n’est pas prête de se relâcher, avec, en première ligne, les fonctions de support et les fournisseurs.
La maîtrise des coûts passe souvent par leur transformation : les ‘business model’ doivent être revisités vers plus de transparence, de simplicité et d’ « agilité ». Vu la complexification des processus, l’imbrication des systèmes, les organisations ‘matricielles’, le rôle polymorphe de l’IT…, appréhender le prix de revient reste un exercice délicat avec en corollaire, des difficultés pour piloter la stratégie, apprécier la rentabilité ou simplement élaborer une offre de prix ! Le modèle des coûts n’est pas statique mais se préparer au pire ne peut que vous exposer… à de bonnes surprises !
Comment maîtriser les coûts ?
En réconciliant la technologie avec le contrôle de gestion, la comptabilité et les méthodes de modélisation, mesures et reengineering de processus : unification des méthodes, du modèle, du vocabulaire… Comment maîtriser les coûts s’il n’est pas possible de déterminer la relation avec les activités qui les consomment ou les génèrent ? Combien ? Pourquoi ? Pour qui ?
Les objectifs du pilotage des coûts : la performance ! (*)
La maîtrise des coûts n’a évidemment pas pour seule vocation de recalculer périodiquement un prix de revient. Les solutions doivent également permettre d’améliorer les processus, de statuer sur des options d’externalisation… en offrant les services suivants à tous les niveaux décisionnels :
• Piloter la stratégie : les objectifs de performance, le budget… La flexibilité, la réactivité. Réagir par rapport au gonflement anormal, non-linéaire ou décorrélés de certains frais.
• Orienter la politique commerciale en privilégiant les segments les plus rentables. Donner aux commerciaux une compréhension suffisante des coûts liés à chaque segment et activité (facturée ou non !), soit un gage de rentabilité et un argumentaire lors de négociations tarifaires.
• Le benchmarking (mesure de compétitivité), qui devrait s’appuyer sur un modèle normalisé, à l’exemple de celui développé par le CIGREF en France pour l’IT.
• Apprécier les charges et la valeur créée par toutes les activités: opérations, supports, projets (de tout type).
• « Comprendre » et améliorer sans cesse le fonctionnement de l’entreprise : corriger des anomalies structurelles dans le poids des fonctions de support ou le coût de certains segments, constater que certains coûts indirects doivent être ‘directifiés’… Détecter des effets de ‘subventionnement’ entre produits ou clients.
Le discours de la méthode … ABC reloaded
Dans beaucoup de secteurs économiques, la complexité croissante des processus a comme conséquence que la structure des coûts est largement dominée par les coûts indirects. Une approche de type « Activity Based Costing » semble incontournable :
• Pour déterminer et chiffrer les ‘vrais’ inducteurs de coûts.
• Pour mesurer les différents axes de revenus (produits, segments de clientèle, métier…).
• Pour analyser la performance opérationnelle et détecter les dysfonctionnements.
• Pour piloter l’entreprise selon une vue ‘métier’ plutôt qu’inspirée par l’organigramme.
Les fondements de cette méthode datent des années 80 mais l’Informatique lui a offert une seconde jeunesse. Sa mise en œuvre, avec l’architecture IT (DB, ERP, mesures de processus) qui la soutient, n’est pas un travail simple ; la prudence recommande le prototypage et le rodage par un déploiement progressif, sans oublier la loi de Pareto (le 80/20).
Les outils de pilotage des coûts
Pour piloter les coûts, plusieurs types d’outils doivent être mis en place :
• Les outils de modélisation pour fournir l’indispensable ‘cartographie des processus’ et le diagramme des flux. La boîte à outils de Lean Six Sigma.
• La mise en place systématique, dans tous les processus critiques, de sondes automatisées (sortes de ‘tachygraphes’) permettant la mesure de la consommation des ressources en même temps que la production des statistiques indispensables (« Big Data ») pour l’analyse comportementale (p.ex.: détection d’anomalies de variabilité) de ces mêmes processus.
• La comptabilité analytique. Les défis de granularité et stabilité.
• Les méthodes de mesures de coûts. Coûts standards, coût marginal, ABC.
• Les outils de management : ERP, ABM , ABB, le « Management cockpit ».
• Les outils prédictifs intégrant des courbes d’évolution des paramètres macro-économiques.
• Un ‘framework’ permettant de pérenniser et fructifier ce savoir-faire: gouvernance, méthodes, automatisation, outils de management opérationnel, appropriation et greffe génétique dans la culture de l’entreprise…
La mise en place d’un ERP et de l’ABx sont des projets stratégiques qui peuvent s’étaler sur 12 à 24 mois. Ils doivent faire l’objet d’une vision claire et d’une forte implication des clients internes, afin de faciliter l’appropriation.
Réduire les coûts – Quelques pistes
Les frais généraux recouvrent habituellement entre 200 et 300 postes répartis en cinq grandes familles (investissements, fiscalité, opérations, consommables, services) et de multiples gisements qui sont souvent interdépendants. Traiter chaque source demande d’engager des moyens spécifiques. Une simplification du business model peut être nécessaire pour le débarrasser de clients et/ou de produits ‘toxiques’.
La réduction des coûts opérationnels s’obtient par l’efficience des processus, la simplification, le pilotage des ressources, le ‘flux tendu’… Les grands leviers :
• « Lean Six Sigma » pour supprimer les activités ne créant pas de valeur, réduire la variabilité, améliorer la performance et la qualité.
• Les économies d’échelles, en retenant qu’elles ne sont pas la panacée universelle puisqu’elles se paient parfois par une perte de flexibilité.
• Le « Cloud computing » pour éviter la sur- ou sous-capacité et transformer des charges fixes IT (CAPEX) en dépenses d’exploitation (OPEX).
La réduction des coûts de structure impose l’aplatissement de ladite structure et donc le décapage de certaines couches de l’organigramme. Il faut parfois du courage politique pour supprimer des postes honorifiques ou fusionner des équipes exerçant des activités semblables mais rattachées à des directions différentes.
La réduction des coûts de coordination. La réunionite est symptomatique de déficiences organisationnelles. Un organigramme flou, des responsabilités diluées, des procédures mal définies… vont augmenter les besoins de coordination et concertation. Les responsables n’ont d’autre choix que de se réunir très souvent pour clarifier qui-fait-quoi-quand-comment-où!
Information is power … provided it is accurate & standardized & digitalized!
« You can’t manage what you can’t measure ».
Les ‘Big data’ sont une arme fatale mais encore faut-il savoir les modéliser, uniformiser, agréger, exploiter (BI)… ‘Big data could be a big investment’ : il ne sert à rien de louer des petabytes (millions de Gigas) chez un prestataire offrant des services de « cloud comouting », si c’est pour y entasser des strates de données aux contours imprécis et parfois redondants.
Différents chantiers informatiques devront être lancés pour assainir progressivement le S.I., standardiser, numériser les « intangibles » (le référentiel de compétences, les contrats…), mesurer la qualité, les activités… Réfléchir avant d’agir : avant de développer une telle architecture, il est indispensable d’en définir les objectifs business ainsi que les moyens informatiques et organisationnels à engager. On ne peut pas gérer ce qu’on ne peut mesurer mais on ne peut pas tout mesurer…
Pérenniser – La gouvernance des coûts
Comme pour la qualité, le pilotage des coûts passe par une conscientisation et une greffe dans l’ADN de l’entreprise, sans sombrer dans des débauches administratives ou une inflation de rapports chronophages. Le ‘management cockpit’ doit fournir des informations réellement décisionnelles, sans saturer la ‘bande passante’ des décideurs par des overdoses.
Le succès de la démarche repose également sur une évolution du rôle du Contrôle de Gestion qui ne peut plus se cantonner dans un rôle d’orchestration budgétaire mais devrait ‘surveiller’ tous les vecteurs (pas seulement les vecteurs comptables) qui créent la performance et maîtriser leurs dépendances croisées. Le CG doit être le ‘propriétaire’, le gardien de toutes les méthodes de calcul de coûts, y compris celles portant sur le chiffrage des ressources et projets IT : le CG occupe un poste de sentinelle et d’animateur pour définir les seuils d’alerte, centraliser, consolider, homogénéiser le reporting … pour le redistribuer aux Managers à tous les niveaux requis.
A voir s’il dispose de la marge de manœuvre, des outils et ressources pour mener de front toutes ces missions et déclencher les actions d’optimisation.
« Banks ability to prepare cost model for tomorrow will differentiate winners from losers ». Roland Berger.
Bernard Timmermans, dirigeant de strategic-pilot.com
www.strategic-pilot.com