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Renouer avec le vivant : le défi de notre mutation en cours ?

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La modernité a voulu dompter la nature et a inventé le progrès. Ce dernier nous a apporté le confort et aussi l’exploitation intensive de nos ressources terrestres avec les conséquences de pollution et de modifications climatiques que nous connaissons. Et si le défi du XXIeme siècle consistait à renouer avec le vivant ?

La majorité de l’humanité vit dans les villes

Nous sommes contemporains d’une révolution discrète, passée sous silence, qui a eu un large impact sur nos sociétés modernes et qui pourrait se résumer par le constat suivant. Avant le conflit de 1914-18, nos arrières grands parents, vivaient à 80% en zone rurale pour 20% en zone urbaine. Aujourd’hui, c’est l’inverse.
En Europe, et dans l’essentiel des pays dits « développés », la population vit à 80% en zone urbaine et à 20% en zone rurale, souvent en mode urbain.

Une évolution qui représente un bouleversement radical, dans l’organisation de nos sociétés, mais aussi et surtout, dans notre rapport au monde et à la vie. Matérialisée par la disparition d’une simple lettre, qui nous a fait passer de l’homme EST la nature à l’homme ET la nature ; la relation fragile, de l’homme avec la nature, est rompue. Une rupture qui amène nos sociétés modernes, et les humains qui l’animent, à se développer hors sol, hors du vivant, voir contre lui, capable d’anthropogenèse, c’est-à-dire, en position d’influer sur les conditions et le cadre de sa survie.

Nous vivons au rythme des machines

Une des conséquences est que nous sommes coupés des rythmes de la vie que nous connaissions avec la proximité de la nature. Dans un environnement bétonné, l’asphalte a remplacé la terre pour éviter que nous marchions dans la boue. Et les herbes abondantes, comme au printemps dernier avec les fortes pluies, sont bien vite coupées des bordures des arbres sur les trottoirs. Rien ne doit dépasser.

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La ville c’est le monde du « gris » et le rythme des machines : métros, voitures, bus, trams, les écrans, les tablettes, les wifis sont omniprésents. Et nous n’avons pas pris la mesure du fait que nous sommes absorbés par le rythme des bits informatiques. Les accélérations perçues dans notre quotidien et si difficiles à vivre dans les entreprises (entre les réductions constantes de personnel et les machines qui remplacent les êtres humains pour réaliser des gains de productivité et réduire les coûts) sont dues au fait que nous sommes absorbés par la vitesse des bandes passantes. Nous ne prenons pas conscience que nous allons nous aussi vivre sur le tempo de la 4G qui elle, tout comme Matrix l’avait illustré, est composée de « 0 » et de « 1 ».

Mais, nous ne sommes pas faits de matière numérique. Et comme précisément notre nature organique vit sur d’autres modalités c’est la raison pour laquelle, une bonne partie des départements de R&D rêve d’apporter des compléments à notre nature humaine qui ne peut plus suivre la vitesse digitale.

Le regain d’intérêt pour le vivant

Pourtant, le vivant inspire la technologie. Le « vert » inspire le « gris ». Ainsi, le biomimétisme permet-il notamment de développer l‘économie circulaire, de contribuer à réduire les consommations d’énergie, d’optimiser les matériaux, de maximiser la conductivité des matériaux, de réduire les pertes d’énergie, d’intégrer la nature dans les villes et bien d’autres choses encore.
La réduction des réserves de matières premières et notamment d’énergies fossiles, nous ont conduits vers les énergies renouvelables et la recherche d’optimisation de l’utilisation de l’énergie. Ce qui a amené les biologistes a mettre en exergue les trésors de durabilité du vivant. La vie a fait la démonstration de sa capacité à survivre et à s’adapter depuis plus de 3,8 milliards d’années sur la terre. Après l’avoir domptée, voici que nous la regardons avec un intérêt renouvelé : elle pourrait nous donner des leçons nous permettant de survivre à nos excès et aux conséquences climatiques dévastatrices pour tous les règnes du vivant.

Comment renouer avec le vivant pour nous autres citadins ?

Comment renouer une alliance avec ce vivant qui nous porte et nous fait vivre ? Comprendre qu’il est notre avenir est une chose, mais comment recréer le lien avec cette essence que nous avons perdue ? Nos sociétés modernes sont démunies et c’est la raison pour laquelle il existe un véritable engouement pour la rencontre avec les peuples racines, ayant l »intuition, parfois exotique, qu’ils détiennent les clés que nous avons perdues avec la civilisation.
En effet, ces sociétés premières, autochtones, n’ont jamais rompu leurs relations d’alliance à la nature, et cette reliance maintenue au fil des millénaires peut aujourd’hui nous aider aussi bien à retrouver un sens à la vie, que de nombreux citadins ont le sentiment d’avoir perdu, qu’en nous indiquant comment composer avec le vivant pour rester pérenne.

C’est dans la nature que les sociétés racines puisent leurs valeurs, leurs principes de fonctionnement et d’organisation. Dans leurs diversités, elles représentent les ultimes contrepoints à nos civilisations modernes. Elles nous offrent la possibilité d’élargir notre regard, pour tenter de distinguer dans l’horizon, d’autres formes de compréhension de la vie et du monde.

« Il y a tant de maisons, de voitures, de routes et de bruits chez vous. Qui peut encore entendre quelque chose ? » Mamu Miguel DINGULA (chamane colombien Kogi).

Rêver d’une éco-modernité

Retrouver les chemins du vivant, puis faire le choix de travailler ensemble, afin de tenter d’explorer de nouvelles voies, c’est avoir l’audace du possible, rêver ensemble à une « éco-modernité » à savoir une modernité qui se laisserait réinvestir par les forces de vie. Comme ces brins d’herbe qui percent le béton le plus dur, c’est (re)trouver une juste place « avec » la vie, et non plus « contre ».

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La mutation consisterait alors à recréer une relation, une connexion à soi-même, à l’autre et au vivant pour rechercher des voies de vie dans un contexte tendu de crises en cascade éclairant un paradigme finissant. Se réconcilier avec le vivant c’est retrouver une harmonie qui nous invitera à repenser le projet de notre humanité à la fois urbaine et humaine. C’est ouvrir la porte aux innovations grises ET vertes, technologiques ET organiques. Rappelons-nous la phrase d’Antoine de Saint-Exupéry : « Le futur, tu n’as pas à le prévoir mais à le permettre. » Concevons-le avec tous les règnes du vivant !

Christine Marsan et Eric Julien

Livre « Fabriquer le vivant ? »de Pierre-Henri Gouyon et Miguel Benasayag – Ed. La découverte. 2012. Ce que nous apprennent les sciences de la vie pour penser les défis de notre époque.

 – Livre « De l’engagement dans une époque obscure » de Miguel Benasayag et Angélique Del Rey – Ed. Le passager clandestin – 2011

Conférences « Les Assises du vivant » – UNESCO, Déc 2013

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