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Ukraine : Beaucoup de (gros) perdants, peu de (vrais) gagnants

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Plus de deux mois après le début de la guerre en Ukraine, les perspectives d’une résolution rapide semblent de plus en plus improbables. Alors que les sanctions contre la Russie continuent de s’accumuler, un retour à la situation d’avant-guerre semble illusoire, même en cas de fin anticipée du conflit. D’après la dernière étude Coface sur l’économie mondiale de ce 3 mai 2022, les hausses des produits alimentaires et énergétiques n’épargneront personne.

La Direction des Etudes Economiques Coface, en collaboration avec l’Institut français des relations internationales (IFRI), a revu à la hausse son estimation du coût pour l’économie mondiale à environ un point de pourcentage en 2022. Cependant, les conséquences du conflit se feront surtout sentir à partir du deuxième semestre, et se matérialiseront encore davantage en 2023 et au-delà. Le risque politique, qui avait considérablement augmenté au niveau global avec la pandémie, est exacerbé par la hausse des prix des produits alimentaires et énergétiques. Aucune région ne sera véritablement épargnée des retombées économiques de cette guerre. 

L’Europe en pleine tourmente

L’importance des belligérants dans la production de nombreuses matières premières et les craintes de ruptures d’approvisionnement ont entraîné une flambée des prix, entraînant une baisse du revenu disponible des ménages et donc de la consommation. La volatilité et l’incertitude pèseront aussi lourdement sur les décisions d’investissement des entreprises dont la situation financière risque de se dégrader sensiblement, les coûts de production continuant à augmenter ou restant élevés.

Au-delà des économies d’Europe centrale et orientale, qui ont des liens économiques importants avec la Russie, les pays d’Europe occidentale sont les plus exposés en raison de leur forte dépendance aux combustibles fossiles russes. L’Allemagne et l’Italie dont les économies sont les plus dépendantes du gaz russe devraient être fortement impactés (1,6 point de PIB en moins). L’impact serait plus faible mais toujours significatif dans le reste de l’Europe.

Les effets inflationnistes poussent la Fed à agir plus rapidement que prévu

Outre-Atlantique, l’impact sur la croissance devrait être plus modeste en raison d’une exposition commerciale et financière limitée à la Russie et à l’Ukraine. Néanmoins, aux USA, le taux d’inflation global a atteint son plus haut niveau en 41 ans, porté par les prix des denrées alimentaires et de l’énergie. Abstraction faite de ces éléments, la croissance des prix sur une base mensuelle s’est atténuée, mais reste nettement supérieure à l’objectif de 2 % de la Fed, et l’incite à agir plus rapidement que prévu.

Après une première augmentation de taux des fonds fédéraux en mars, la plupart des membres du comité de politique monétaire se sont déclarés favorables à ce que celui-ci atteigne un niveau « neutre » d’ici fin 2022, soit un taux estimé entre 2 et 3 %. Il s’agirait d’un des cycles de resserrement les plus agressifs depuis les années 1990 et contribuera à modérer la croissance américaine, d’où la révision à la baisse de la prévision de croissance du PIB américain pour 2022, à 2,7 %.

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Aucune région ne sera épargnée par l’inflation importée et les perturbations de chaînes d’approvisionnement

Selon le communiqué de presse de l’OCDE de ce jour, les prix à la consommation dans la zone OCDE ont augmenté de 8,8% en glissement annuel en mars 2022, après 7,8% en février 2022 et seulement 2,4% en mars 2021. Il s’agit de leur plus forte augmentation depuis octobre 1988. Près d’un cinquième des pays de l’OCDE ont atteint une inflation à deux chiffres, le plus fort taux ayant été enregistré en Turquie (61,1%).
L’inflation des prix de l’énergie a augmenté très fortement pour atteindre 33,7% en glissement annuel en mars, après 26,6% en février. Il s’agit du plus fort taux d’inflation des prix de l’énergie depuis mai 1980. Hors alimentation et énergie, l’inflation en glissement annuel de la zone OCDE a augmenté pour atteindre 5,9% en mars, après 5,6% en février 2022.
L’inflation en glissement annuel dans les pays du G20 a également augmenté en mars 2022, atteignant 7,9%, après 6,8% en février 2022. 

Dans la zone euro, l’inflation totale mesurée par l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) a augmenté pour atteindre 7,4% en mars 2022, après 5,9% en février 2022. Hors alimentation et énergie, l’inflation a augmenté dans la zone euro pour atteindre 2,9% en mars, après 2,7% en février. L’estimation rapide d’Eurostat pour la zone euro indique une nouvelle hausse de l’inflation totale et de l’inflation hors alimentation et énergie en avril 2022, qui atteignent respectivement 7,5% et 3,5%.

Le continent africain, où est estimé un effet négatif net global de 0,5 point, est un parfait exemple de la manière dont la situation actuelle affecte les économies émergentes avec l’intensification des pressions inflationnistes, le début du resserrement de la politique de la Fed et son impact sur les flux de capitaux.

L’Asie ne sera pas épargnée par les conséquences de la guerre, auxquelles s’ajoute le ralentissement en Chine lié au variant Omicron. Un conflit prolongé en Europe ou une nouvelle escalade aura un impact négatif net estimé à 0,5 point sur la croissance du PIB en 2022.

L’Amérique latine est une autre région vulnérable à un resserrement de la politique de la Fed, mais devrait bénéficier de la hausse des prix des matières premières. L’effet net de la guerre dans la région – estimé à -0,1 point– est encore incertain et pourrait ne pas se faire pleinement sentir dans un avenir proche.

L’analyse de l’IFRI

Après l’échec de la guerre éclair lancée le 24 février contre l’Ukraine, le Kremlin semble confus quant à ses objectifs et s’efforce d’adapter sa stratégie aux moyens disponibles. Dans ces conditions, la dynamique militaire sur le terrain sera décisive pour déterminer la durée et l’issue de la guerre. Cette dernière dépendra de la capacité de résistance de l’armée ukrainienne et, donc, de la livraison d’armes par l’Occident, qui s’est rapidement adapté en la matière et fournit désormais à l’Ukraine des systèmes offensifs.

Moscou doit afficher une réussite convaincante avant le 9 mai, jour de la célébration de la victoire soviétique sur l’Allemagne nazie. Le scénario le plus approprié aurait été la « libération » du Donbass dans ses frontières administratives et la signature d’un accord de cessez-le-feu aux conditions russes. Cependant, ce scénario est entravé par, à la fois la difficulté pour les troupes russes d’avancer rapidement (notamment pour vaincre la résistance à Marioupol), et l’arrêt de facto des pourparlers, chaque partie accusant l’autre de ne pas être disposée à négocier, de ne pas vouloir faire de compromis. Il existe un risque d’impasse dans le Donbass, une situation comparable à celle qui existait entre 2014 et le début de 2022, mais à une autre échelle et dans des frontières plus larges.

Cet état de fait insatisfaisant pourrait conduire la Russie à une escalade pour une percée avec, par exemple, l’utilisation tactique d’armes de destruction massive sur le champ de bataille.
La réaction de l’Occident serait cruciale : une escalade pourrait alors se produire, ce qui pourrait inciter la Russie à frapper une cible de l’OTAN, comme un dépôt d’armes ou un convoi en Pologne, engageant ainsi la crédibilité de l’OTAN.

La situation est donc aussi incertaine que lors de la première phase du conflit. Son évolution dépendra également du rythme auquel deux autres dynamiques – économique et sociale – pèseront sur l’effort de guerre russe. Jusqu’à présent, l’économie russe a été résiliente et la Banque centrale a stabilisé le rouble.

Cependant, le cœur du modèle économique russe, basé sur les rentes énergétiques, n’a pas été affecté jusqu’à présent. Alors que l’Occident est divisé sur l’embargo sur les hydrocarbures russes, calculant le coût pour leurs économies, la Russie elle-même semble accélérer le processus en coupant le gaz à la Pologne et à la Bulgarie. Cela indique que les considérations économiques sont secondaires par rapport à ce que la Russie perçoit comme une menace pour ses intérêts vitaux.

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Du côté occidental, à en juger par les dernières déclarations des États-Unis, les sanctions ne seront pas levées tant que Vladimir Poutine restera au pouvoir et que la Russie sera une menace pour les pays voisins. Pour desserrer l’étau des sanctions, l’aide de la Chine sera cruciale pour Moscou, mais augmentera progressivement la dépendance envers Pékin et la rendra critique.

Enfin, la dynamique politique et sociale au sein de la Russie sont, pour l’instant, contenues par la propagande et la répression, y compris à l’encontre de la population et contre les élites. Une révolution de palais ou de rue n’aura probablement pas lieu, mais une érosion du système de Poutine est déjà en cours car le coût de ses actions pèse lourdement sur l’avenir du pays.
Si le 9 mai, au lieu d’annoncer une victoire (même partielle), Vladimir Poutine déclarait officiellement la guerre et la mobilisation générale, les conséquences risquent d’accélérer cette érosion.

Les cicatrices risquent d’être profondes et, au-delà des pertes humaines, les conséquences économiques se feront sentir pendant des années après cette nouvelle crise sur le sol européen. S’il est encore trop tôt pour prédire comment l’économie mondiale se redessinera après les chocs successifs du début des années 2020, la perception que révèle cette étude est la même qu’au début de la pandémie et est toujours d’actualité : le monde a changé, et rien ne sera plus jamais comme avant.

Lire l’étude complète (en anglais)

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