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Économie : à quoi faut-il s’attendre en 2023 ?

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Le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) livre son décryptage annuel des grandes tendances à venir dans son ouvrage collectif « L’économie mondiale 2023 » publié aux Éditions La Découverte (collection Repères), à paraître le 8 septembre. Tour d’horizon des grandes questions de l’année à venir avec Isabelle Bensidoun et Jézabel Couppey-Soubeyran, coordinatrices de l’ouvrage.


Il y a un an, on pouvait espérer que l’économie mondiale allait se relever de la crise sanitaire sans trop de séquelles. L’inflation qui pointait ne devait être que transitoire et les chaînes d’approvisionnement devaient se remettre des confinements. Des espoirs qui ont été balayés par l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Dès lors, quelles perspectives ?

Des perspectives sombres. Car, effectivement, les crises, même si elles sont de natures très différentes, s’enchaînent, et la guerre en Ukraine vient conforter ceux qui pensaient que l’inflation était là pour durer, accentuer les pressions sur les prix des matières premières, créer de nouveaux dysfonctionnements dans les chaînes de valeur mondiales et confronter l’Europe à une crise énergétique sans précédent.

De quoi mettre l’économie mondiale au bord du précipice, selon Thomas Grjebine, avec des risques de crises alimentaire, financière et de la dette. Un scénario bien différent de celui qui prévalait l’an dernier. Résultat, la reprise n’est plus au rendez-vous. Les prévisions de croissance sont régulièrement revues à la baisse et les resserrements monétaires pour lutter contre l’inflation, qui atteignait 9,1 % aux États-Unis et 8,6 % dans la zone euro en juin 2022, risquent de plonger l’économie mondiale dans la stagnation, sinon la récession, sans pour autant parvenir à juguler une inflation dont les causes structurelles s’amoncellent (mondialisation moins dynamique, transition écologique et rattrapage salarial).

À cela s’ajoute un moteur chinois qui se grippe. Pas seulement à cause de la politique zéro-Covid, mais là aussi pour des raisons plus structurelles, liées au vieillissement de la population chinoise et au ralentissement de la productivité que le développement économique du pays occasionne.

Ne risque-t-on pas, à devoir gérer les urgences provoquées par les conséquences de la guerre, d’avoir à reléguer au second plan l’urgence ultime qu’est la transition écologique ?

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À court terme, les décideurs sont confrontés à des choix délicats car, en voulant juguler l’inflation, c’est la croissance qu’ils pourraient plomber ; en voulant faire face à la crise énergétique, c’est la transition écologique qu’ils menacent ; sans compter un cadre international qui s’effrite avec des tensions géopolitiques qui prennent le pas sur les questions économiques. Sur la transition écologique, le risque de ralentir le pas quand il faudrait l’accélérer est au plus haut.

La guerre en Ukraine contraint en effet les Européens, mais aussi les Américains, à prendre des décisions qui vont à l’encontre des priorités qu’ils s’étaient fixés. L’Allemagne va recourir davantage au charbon pour faire face aux pénuries de gaz. Les États-Unis relancent leur production de pétrole et de gaz. En outre, le retour de l’inflation menace lui aussi la transition écologique car les tensions sociales risquent de s’exacerber avec pour conséquences des difficultés plus grandes à mettre en œuvre des mesures comme les taxes sur les émissions de CO2 dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat.

Ces perspectives sombres remettent-elles en cause les plans de relance décidés pour lutter contre la pandémie ? A-t-on été trop loin ?

Après coup, il est toujours facile de se dire que c’était trop et que l’inflation en fait les frais. Mais, au moment où ces plans ont été décidés, la Russie n’avait pas envahi l’Ukraine et il faut se rappeler que les réponses à la crise financière avaient été jugées insuffisantes. Au moment de la crise sanitaire, les autorités ont tiré les leçons de ces insuffisances et force est de constater que, face à un choc d’une telle brutalité, elles n’ont pas démérité. Pour Jérôme Héricourt, leur effort budgétaire a été bien plus important qu’au moment de la crise financière et bien mieux combiné à l’action des banques centrales.

Même les pays de l’Union européenne ont su, le temps de la crise, s’affranchir de leur dogmatisme budgétaire. Certes, il y aurait à redire sur la destination des aides, qui sont allées bien plus aux entreprises qu’aux ménages, et à l’urgence plus qu’à la préparation de l’avenir. Mais, globalement, ces plans de soutien ont réussi à préserver l’emploi et, même s’ils se sont évidemment traduits par une forte hausse des dépenses publiques, sans eux, les finances publiques se seraient bien plus dégradées. Ce qu’ils n’ont pas évité en revanche, c’est la hausse des inégalités sur laquelle la crise sanitaire semble bien avoir débouché.

Mais, tout de même, ces plans ne sont-ils pas à l’origine de la résurgence de l’inflation ?

Pour les pays qui ont très fortement soutenu la demande, comme les États-Unis, peut-être, mais comme on l’a souligné juste avant, c’est en priorité à l’offre que sont allées les aides. Quant au soutien monétaire des banques centrales, c’est au secteur bancaire et financier qu’il a surtout profité. Le surcroît de monnaie a bien plus inondé la sphère financière que la sphère réelle. Alors, l’inflation actuelle a peut-être une composante monétaire, mais ce n’est assurément pas la seule ni la principale.

D’après Thomas Grjebine, il y a des facteurs plus profonds, plus structurels et plus inquiétants aussi car ce sont eux qui pourraient rendre l’inflation durable et récalcitrante au tour de vis monétaire des banques centrales. C’en est ainsi peut-être fini du régime de basse inflation dans lequel les pays occidentaux s’étaient installés depuis une trentaine d’années.

Il faut s’attendre à plus de conflits de répartition et à de sacrés dilemmes macroéconomiques pour nos gouvernants. Il leur faut sauvegarder le pouvoir d’achat sans réduire la compétitivité ni nourrir l’inflation. Il leur faut aussi limiter les hausses des prix des matières premières et de l’énergie mais ne pas freiner les incitations à la transition écologique. Quant à la remontée des taux d’intérêt décidée par les banques centrales pour lutter contre l’inflation, il ne faudrait pas qu’elle débouche sur une crise de la dette, en particulier dans la zone euro. Car ce sont à n’en pas douter les investissements dans la transition écologique qui en pâtiraient.

La transition écologique peut-elle malgré tout accélérer ?

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À ce stade, c’est difficile à dire. Le risque est grand que la transition continue de patiner. Ce serait dramatique, car il y a tant à faire. Les éclairages ne manquent d’ailleurs pas pour guider l’action publique et privée en ce domaine. Car, pour Michel Aglietta et Renaud du Tertre, il faut impérativement articuler les deux. Faire interagir une action publique volontariste et cohérente pilotée par une planification stratégique avec l’action des entreprises qui, à leur niveau, peuvent limiter les inégalités, l’exclusion sociale et les injustices, et participer à la lutte contre le changement climatique, la dégradation de l’environnement et de la biodiversité.

Mais, pour cela, elles vont devoir faire évoluer leur gouvernance en profondeur, ne plus être gérées dans le seul intérêt de leurs actionnaires et s’ouvrir à celui de l’ensemble de leurs parties prenantes en tenant compte des objectifs d’un développement durable. La double valorisation du carbone, consistant à donner un prix au carbone « incorporé » aux biens polluants, mais aussi au carbone « évité », constitue à cet égard une proposition intéressante pour inciter les entreprises à se détourner des investissements les plus émissifs en gaz à effet de serre et à s’aligner sur les objectifs bas carbone.

Et les politiques commerciales qui n’ont longtemps fait aucun cas du climat, commencent-elles à s’en soucier ?

Assurément, car même s’il est encore impossible, faute de données suffisamment détaillées, de savoir si les effets négatifs du commerce sur le changement climatique (comme les transports internationaux ou l’augmentation de la production) l’emportent sur ses effets positifs (comme les transferts technologiques ou le développement de productions moins polluantes que le jeu des avantages comparatifs peut stimuler), il serait irresponsable, pour Cecilia Bellora, de continuer de mener des politiques commerciales déconnectées des préoccupations climatiques.

Pourtant, aujourd’hui, nous n’en sommes parfois qu’au stade des pistes. C’est le cas de celle qui consisterait à relever les droits de douane sur les biens les plus polluants et à les baisser sur ceux qui le sont moins. Un peu moins de celle d’utiliser le commerce comme levier pour inciter nos partenaires commerciaux à être plus ambitieux dans leurs politiques climatiques, comme en témoigne l’accord de libre-échange récemment signé par l’UE avec la Nouvelle-Zélande.

Une troisième piste, la plus avancée, est d’agir sur les flux commerciaux pour mettre sur un pied d’égalité, en matière de droits à émettre des gaz à effet de serre, les producteurs des pays vertueux en matière climatique et leurs concurrents étrangers sur leur marché national. Cette dernière option est celle que l’Europe cherche à mettre en place avec son mécanisme d’ajustement carbone aux frontières qui, si elle se concrétisait, serait une première au niveau mondial.

L’Europe avance un peu sur le climat, mais qu’en est-il de son ambition de bâtir sa souveraineté vis-à-vis de pays dont elle dépend trop aujourd’hui ?

En la matière, l’Europe avance aussi. Il faut dire que la crise sanitaire et maintenant la guerre en Ukraine ont jeté une lumière crue sur les vulnérabilités que nos interdépendances occasionnent. Pour Vincent Vicard et Pauline Wibaux, c’est autour du concept d’autonomie stratégique ouverte que s’articule la mise en cohérence des instruments de politique économique, tant internes qu’externes, que l’UE mobilise pour bâtir sa souveraineté économique, tout en préservant l’ouverture économique.

Processus en cours, il est déjà relativement avancé sur certains dossiers, comme les projets importants d’intérêt européen commun qui autorisent les aides d’État à des investissements privés dans des domaines stratégiques (microélectronique, batteries électriques, hydrogène ou semi-conducteurs). Mais il est encore au stade des négociations sur d’autres, comme le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières ou l’instrument antisubvention. Quoi qu’il en soit, le processus est engagé pour redessiner les contours de l’insertion internationale de l’UE, qui ne peut plus désormais être accusée de naïveté.

L’opinion publique s’empare-t-elle désormais de tous ces sujets ?

Pas assez et, de ce point de vue là, on espère utiles à toutes et tous des ouvrages comme L’Économie mondiale. Car, dans le climat d’incertitude et face à la souffrance économique et sociale que cet enchaînement incessant de crises engendre, c’est le repli sur soi et la recherche de boucs émissaires qui pourraient l’emporter. Pour sûr alors, c’est de l’immigration bien plus que du changement climatique que l’on entendra parler. Les médias ont une responsabilité majeure, un rôle crucial à jouer pour faire en sorte que le débat sur l’immigration soit bien informé. Et il nous faut collectivement prendre garde à ce que cette mission d’information ne soit pas dévoyée. Quand on rassemble les résultats des recherches en sciences sociales consacrées à l’immigration, comme le montre Anthony Edo, on se rend compte du décalage entre les représentations du phénomène et la réalité. Décalage dont il est clairement démontré qu’il influence les opinions politiques et le vote. Donc, sur l’immigration comme sur tous les autres sujets, faisons œuvre de pédagogie !

Isabelle Bensidoun, Adjointe au directeur, CEPII et Jézabel Couppey-Soubeyran, Maîtresse de conférences en économie, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Cet article est republié à partir de The Conversation partenaire éditorial de UP’ Magazine. Lire l’article original.

The Conversation

 

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