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Les assureurs américains excluent le risque climatique. A quand les Français ?
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Les assureurs américains excluent le risque climatique. A quand les Français ?

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Certaines des plus grandes compagnies d’assurance américaines viennent d’annoncer que les conditions météorologiques extrêmes les amènent à mettre fin à plusieurs de leurs garanties, à exclure les protections contre les catastrophes naturelles et à augmenter les primes. Les habitants de maisons situées dans des zones vulnérables aux catastrophes climatiques comme les feux ou les tempêtes, et il y en a beaucoup, ne sont plus couverts alors que les risques augmentent. Les assureurs français ne sont pas encore parvenus à cette extrémité, mais ils y pensent.

Au moins cinq grands assureurs de biens américains – dont Allstate, American Family, Nationwide, Erie Insurance Group et Berkshire Hathaway – ont déclaré aux autorités de régulation que les phénomènes météorologiques extrêmes causés par le changement climatique les avaient conduits à cesser de souscrire des garanties dans certaines régions, à exclure les protections contre divers phénomènes météorologiques et à augmenter les primes mensuelles et les franchises.

Les principaux assureurs affirment qu’ils excluront les dommages causés par les ouragans, le vent et la grêle des polices couvrant les biens situés le long des côtes et dans les régions touchées par les incendies de forêt. Les assureurs sont également plus enclins à abandonner les polices existantes dans certaines régions qui deviennent plus vulnérables aux catastrophes naturelles. Aux États-Unis, la plupart des couvertures d’assurance habitation sont annuelles, ce qui signifie que les assureurs ne sont pas liés à elles pour plus d’un an.

Perte de protection

Ainsi, les personnes et les familles vivant dans des endroits autrefois considérés comme à l’abri des catastrophes naturelles pourraient perdre des protections d’assurance cruciales alors que leur exposition aux catastrophes naturelles s’étend ou s’intensifie à mesure que les températures mondiales augmentent. « Les mêmes risques qui rendent l’assurance plus importante la rendent plus difficile à obtenir« , déclare au Washington Post Carolyn Kousky, vice-présidente associée de l’Environmental Defense Fund et chercheuse à l’Insurance Information Institute.

Les compagnies d’assurance ayant mentionné ces changements de politique représentent 80 % du marché américain de l’assurance. La compagnie Allastate, important assureur sur le territoire américain, a annoncé que sa stratégie d’atténuation des risques climatiques inclurait « la limitation des nouvelles affaires [automobiles et immobilières] … dans les zones les plus exposées aux ouragans » et « la mise en œuvre de franchises ou d’exclusions liées aux cyclones tropicaux et/ou au vent/à la grêle, le cas échéant ». Une autre compagnie, Nationwide, avait été précurseur de ce mouvement de retrait en annonçant en 2020, « réduire les niveaux d’exposition dans certaines des zones d’interface urbaine les plus dangereuses de Californie ». Elle ajoute aujourd’hui refuser de souscrire des couvertures pour les « propriétés situées à une certaine distance du littoral » en raison du risque d’ouragans.

D’autres changements sont à venir. « Des actions plus ciblées d’atténuation du risque d’ouragan sont en cours de finalisation et commenceront d’ici la fin de l’année 2023« , a déclaré Nationwide aux régulateurs.

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Berkshire Hathaway, qui propose également des réassurances – des polices d’assurance pour les fournisseurs d’assurance – a écrit que l’augmentation des catastrophes climatiques signifie « qu’il est possible que les termes et conditions des polices soient mis à jour ou révisés pour refléter les changements de ce risque. »

Des coûts inédits

Ces dernières semaines, les Américains ont été confrontés à des catastrophes sans précédent qui ont mis en évidence les nouveaux défis auxquels sont confrontés les marchés de l’assurance. L’ouragan Idalia a ainsi provoqué de graves inondations en Géorgie et dans les Carolines, et a déchiré des régions de Floride qui n’avaient jamais été frappées de plein fouet par une tempête majeure. La tempête tropicale Hilary a causé 600 millions de dollars de dégâts sur la côte ouest, selon Karen Clark & Co, une importante société de modélisation des catastrophes. Les incendies sur l’île hawaïenne de Maui, dont la cause fait toujours l’objet d’une enquête, ont causé 3,2 milliards de dollars de dégâts matériels, selon le cabinet.

Selon la société internationale de gestion des risques Aon, les assureurs américains ont versé 295,8 milliards de dollars en indemnités pour des catastrophes naturelles au cours des trois dernières années. Il s’agit d’un record pour une période de trois ans, selon l’American Property Casualty Insurance Association. Déjà, les catastrophes naturelles survenues au cours des six premiers mois de l’année 2023 aux États-Unis ont causé 40 milliards de dollars de pertes assurées, soit le troisième semestre le plus coûteux jamais enregistré, selon Aon.

« Il n’y a pas d’endroit où se cacher de ces graves catastrophes naturelles« , prévient David Sampson, président de l’American Property Casualty Insurance Association. Elles se produisent dans tout le pays et les assureurs doivent donc revoir leur concentration de risques. Cette tendance est trop coûteuse, affirment les assureurs, et nécessite la réécriture des polices ou l’élimination des garanties dans des zones géographiques de plus en plus étendues.

Selon les changements de politique que de nombreux grands assureurs signalent aux autorités de réglementation, les compagnies continueront à proposer des polices de base à leurs clients dans les régions sujettes aux catastrophes, mais sans protection pour les dommages causés par ces mêmes catastrophes. Par exemple, une police d’assurance dans une région touchée par des ouragans peut exclure la couverture des dommages causés par le vent ou la grêle, ou dans une région touchée par des incendies de forêt, proposer une police sans protection contre les incendies et la fumée. Les consommateurs qui souhaitent bénéficier de ces garanties devront souscrire une police complémentaire ou s’adresser à un autre assureur.

Une situation qui va s’aggraver

Selon Paulo Ceppi, climatologue à l’Imperial College de Londres, interrogé par le Washington Post, les grands ouragans sont de plus en plus fréquents et les pluies de plus en plus intenses. Parallèlement, l' »allée des tornades » – une zone envahie par les tornades qui s’étend du Texas et de l’Oklahoma au Kansas et au Nebraska – se déplace vers l’est, selon des recherches menées en 2018 et en 2022 et publiées dans les revues Nature et Environmental Research Communications. La variabilité des conditions météorologiques signifie que les compagnies d’assurance ne peuvent plus s’appuyer sur les anciennes projections de risques qui les aidaient à prendre des décisions. « Les changements potentiels de la fréquence et/ou de la gravité des sinistres catastrophiques liés aux conditions météorologiques constituent un risque à court et à long terme« , fait observer la compagnie Nationwide. « Au cours des dernières années, on a observé une activité différente des normes historiques ou des prévisions modélisées ».

Alors que les assureurs quittent certains marchés ou excluent certains risques de leurs polices, certains propriétaires se retrouvent sans assurance. Les gouvernements des États ont mis en place des polices d’assurance de dernier recours. Mais même les polices garanties par l’État doivent faire face aux risques climatiques. « Quand on voit les compagnies d’assurance se retirer en masse parce que le coût de la reconstruction des maisons en Floride les met en faillite« , déclare Ben Jealous, un spécialiste du secteur, « c’est soit de l’orgueil, soit de la folie de penser que l’État ne serait pas mis en faillite s’il intervenait pour aider« .

Une France inassurable ?

La « menace d’une France inassurable » comme le titrait cet été Le Monde, est des plus sérieuses. Le président de la compagnie Axa, Henri de Castries avait déjà prévenu en 2015 : « Une augmentation de 2 degrés de la température moyenne dans le monde peut encore être assurable, mais ce qui est certain, c’est qu’une hausse de 4 degrés ne l’est pas. Or, selon les dernières projections des climatologues, compte-tenu de la faiblesse de nos efforts pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre, nous nous dirigeons tout droit vers ce chiffre. »

En 2022, les catastrophes naturelles dues au dérèglement climatique ont coûté 10.6 milliards d’euros. Seuls les épisodes de grêle qui se sont multipliés cette année-là ont endommagé 200 000 voitures pour une facture totale de de plus de 5 milliards d’euros. Et ce qui vient n’est pas très rassurant. Les compagnies d’assurance sont inquiètes du risque sécheresse qui va s’amplifier, et avec lui, les dégradations graves dues au « retrait gonflement des argiles » sur les habitations. Dix millions de maisons individuelles seraient ainsi directement menacées.

La nature et l’accumulation des risques, conjuguées avec la concentration des habitats dans des zones surexposées comme les cours d’eau ou les littoraux, fait craindre une déstabilisation du modèle même de l’assurance. En effet, le principe fondamental de l’assurance est la capacité à estimer la probabilité de survenue d’un sinistre et à compter sur le fait que les risques couverts ne se produisent pas tous en même temps. « S’il n’y a plus d’aléa et que le risque devient certain, l’assurance disparaîtra« , déclarait ainsi au Monde Denis Kessler, président du réassureur Scor, quelques jours avant son décès, le 9 juin.

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Or c’est exactement ce qui est en train de se profiler.

Rien d’étonnant donc à ce que les factures d’assurance s’alourdissent pour les Français après les étés climatiques extrêmes de 2022 et 2023. Une mission d’experts doit présenter au gouvernement avant la fin de l’année des propositions sur « les évolutions du système assurantiel français face aux risques climatiques ». Au sommaire de leur mission figurent la fiabilité des modèles utilisés par les assureurs, les besoins de réassurance, ou encore le risque de discrimination par l’accès à l’assurance.

En cas de déclaration de catastrophe naturelle, c’est à l’Etat de prendre le relais des assureurs par le régime « cat’nat' », dont l’Etat est garant, financé par une surprime de l’ordre de 25 euros par foyer et par an, calculée sur la totalité des contrats d’assurance dommages. Mais ce régime est en déficit depuis 2015. Pour garantir sa pérennité, l’issue ne semble être autre qu’une augmentation de la contribution des assurés.

La réassurance en péril ?

D’autant que la situation est mondiale, avec une multiplication des risques et dommages planétaires. Il devient plus compliqué et plus coûteux pour les assureurs de se réassurer, c’est-à-dire se protéger eux-mêmes, en raison de la hausse des coûts et de la fréquence des événements climatiques dans le monde.  Selon le réassureur Swiss Re cité par Challenges, les catastrophes naturelles ont engendré 72 milliards de dollars de pertes économiques au premier semestre 2022 dans le monde, dont 35 milliards pour les assureurs et réassureurs. Le changement climatique oblige ainsi les réassureurs à indemniser dans toutes les régions en une même année, ce qui pèse sur leur rentabilité, résume l’Association des professionnels de la réassurance en France (Apref). Le prix de la réassurance pour la couverture des risques de catastrophes naturelles a augmenté de 37% à 45% en Europe occidentale. Avec le risque que les réassureurs ne veuillent plus renouveler leur couverture de risques appartenant maintenant à « une sinistralité courante ».

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