Actuellement en France, les startups sont créatrices d’emplois. Ce n’est plus le cas des multinationales. Mais pour survivre, les startups doivent avoir une gestion et un comportement différents des multinationales : elles doivent grossir rapidement pour occuper complètement leurs marchés, écraser la concurrence potentielle et tant pis pour les bénéfices !
Pour cela il leur faut mobiliser au plus vite les ressources financières, emprunter, investir et créer des emplois. Avec cette façon de gérer, les startups ne distribuent pas de dividendes. Elles doivent faire appel à des investisseurs patients sur le retour sur investissement pour aborder avec sérénité leurs crises de croissances inévitables. Les startups ne sont pas favorisées en France. Malgré la BPI, les prêts à long terme sont difficiles à obtenir et le « maquis de l’administration » est complexe. Nous allons regarder ces points bloquants et suggérer des solutions dans différents domaines.
Quel mode de gestion caractérise les startups ? (l’exemple d’Amazon qui est une multinationale avec un comportement de startup).
Les startups sont des entreprises de créations récentes et de petites tailles. Outre ces caractéristiques évidentes, il est utile de différencier leur comportement par rapport aux multinationales car elle créent plus vite des emplois, mais ne distribuent pas beaucoup de dividendes. Elles doivent les réinvestir. Lorsqu’une startup démarre, elle est en général dans une concurrence ouverte et elle doit empêcher ses concurrents de prendre ses marchés… Amazon est ainsi devenue en 20 ans une énorme société : 74 Milliards de CA en 2013, 132 000 personnes dans le monde. Mais, contrairement aux multinationales habituelles qui cherchent à dégager des bénéfices et à se concentrer sur leurs métiers en gagnant en productivité… Amazon a encore un vrai comportement de startup. La société a investi 5 milliards de $ en 2013 et réalise toujours aussi peu de bénéfices imposables.
Cela est conforme à la manière dont il faudrait gérer les startups, mais aussi sans doute les entreprises en général si on veut créer des emplois : presque tout est réinvesti dans l’entreprise !
Amazon a plus de dix ans d’existence et toujours beaucoup de créativité !
Le graphique, ci-dessous, montre le chiffre d’affaires semestre par semestre avec le pic des fêtes de fin d’année (courbe noire). On voit aussi le bénéfice qui ne décolle pas (courbe jaune) montrant ce comportement de startup !
(Source Amazon)
Jeff Bezos, le PDG d’Amazon, demande à ses cadres de réinvestir tout ce qui est gagné… car sa stratégie est bien d’écraser la concurrence. Romain Voog, le PDG France, relaie le principe édicté par son patron américain, pour proposer l’offre la plus large et la plus innovante, en anticipant les besoins du client au plus bas prix. Amazon a un comportement de conquérant, elle recrute à tour de bras (18 personnes en moyenne dans le monde par jour), élargit ses métiers de base et ne recule devant aucun investissement.
La logistique d’Amazon est, le plus souvent, entièrement automatisée, les livraisons rapides, le service client intelligent et attentif…tout est fait pour écraser tous les concurrents dans l’œuf ! Tous les employés d’Amazon, PDG compris, passent deux jours par an sur les plateformes d’appels pour comprendre, en les vivant, les vrais problèmes des clients… Les cadres et patrons français ne savent pas souvent le faire ! En France, dans les grandes entreprises, tous les cadres restent à leur place et ne comprennent pas forcément le « vrai monde ».
Pour écraser ses concurrents, l’expansion d’Amazon se fait verticalement et horizontalement. Par exemple, Amazon a racheté la société Kiva System qui la fournissait en robots et fournissait aussi ses concurrents. Il faut reconnaître que le système est bien pensé pour tout verrouiller et ne pas fournir la dernière technologie aux concurrents.
Amazon, en bonne multinationale américaine, ne paye pas d’impôts en France, elle n’en a pas l’intention. Romain Voog estime que 150 millions d’euros de TVA en 2012, sont suffisants ! De plus, il rappelle que l’impôt sur les sociétés est lié aux bénéfices et non pas au chiffre d’affaires. Et Amazon ne fait pas de bénéfice.
En Europe, le siège a été placé au Luxembourg, donc même si un jour la société fait des bénéfices, la France n’en verra pas la couleur ! L’impôt est de 21% au Luxembourg contre 33 % en France. Il n’y a pas de hasard. De plus, comme beaucoup de multinationales placées au Luxembourg, Amazon pourra toujours facturer à l’établissement français des opérations « conçues et réalisées » au siège qui viendront réduire le bénéfice en France.
Pendant les trente glorieuses et avant la financiarisation des entreprises en France, toutes les sociétés étaient un peu comme Amazon, elles réinvestissaient beaucoup sur leurs fonds propres et elles se plaçaient dans le long terme.
En France, les startups sont souvent pénalisées par trois handicaps majeurs : le faible nombre de “vrais“ business angels compétents et patients, les aides et prêts difficiles à obtenir lorsque les sociétés grossissent et la jungle de l’administration.
La France et les business angels : Les startups, contrairement aux multinationales installées, cherchent à croître rapidement et à embaucher sans contraintes. Leur seul objectif est de croître. Et cet objectif est pénalisant pour les banques et business angels français, car les retours sur investissements viendront très lentement… et dix ans d’attente, pour un investisseur français, c’est énorme ! Les business angels français demandent le plus souvent, un business plan avec rentabilité sur trois ans…Cette durée est très insuffisante pour les startups.
L’objectif des créateurs de startups doit être avant tout de donner à leur société une place incontournable sur le nouveau marché qui démarre et de ce fait, la période de croissance dure longtemps. Ce n’est pas dans les habitudes françaises d’immobiliser ainsi de l’argent sur dix ans, même si l’exemple d’Amazon montre que la valeur à dix ans de la société peut ainsi être maximisée.
Les crises de croissance des startups pour devenir des ETI en France : Les difficultés des startups pour grossir sont plus grandes en France qu’aux USA, on va tenter de comprendre pour quelles raisons. La culture française du patrimoine géré, en ”bon père de famille”, sans prise de risque, comme dans beaucoup de vieux pays, pénalise sans doute nos startups.
Les français sont très créatifs, il y a actuellement entre 4 000 et 10 000 startups innovantes sur les 165 700 entreprises créées en 2014. 120 entreprises innovantes étaient présentes au salon CES (Consumer, Electronics Show) de Las Végas. Pourtant la France pourrait faire beaucoup mieux car beaucoup de startups arrêtent leur activité bien trop vite.
Certains jeunes français s’installent à l’étranger, surtout aux USA, où les « business angels » sont beaucoup plus ouverts qu’en France. En France, la BPI (Banque Publique d’Investissement) est insuffisante par rapport aux besoins de toutes les startups… et les banques ne prêtent pas beaucoup aux petites et moyennes entreprises (PME) et ne prêtent pas du tout aux créateurs d’entreprises. De plus, lorsqu’une startup est devenue une PME installée en France, c’est difficile pour elle de grossir pour devenir un ETI (Etablissement de Taille Intermédiaire).
Les PME butent sur le financement au-delà de 10 M€ par les fonds de capital risques et de capital développement et sur l’accès aux commandes publiques… un espèce de plafond de verre.
L’investissement français devrait être plus orienté vers le secteur productif en expansion. A ce jour, aucune mesure gouvernementale n’a permis de réorienter les investissements… et la BPI et les nouveaux sites de crowdfunding assurent une partie des financements, mais surtout sur la partie création…plus difficilement sur la partie croissance…
Lorsqu’une entreprise se crée sur un seul nouveau produit ou une nouvelle idée, il lui faut se développer rapidement dans le monde entier pour éviter que le marché ne soit comblé par d’autres concurrents potentiels.
Peu de financeurs français l’ont compris, car l’exportation n’est pas un point fort des français et le décalage est frappant entre les entreprises exportatrices en France (80 000) et en Allemagne (750 000). La langue anglaise reste sans doute encore un problème majeur pour beaucoup de créateurs français !
La jungle administrative en France : Le plus souvent, les dirigeants de startups passent beaucoup de temps pour apprendre la jungle administrative française : le fisc, les relations avec l’administration, les impôts, les réunions institutionnalisées avec les représentants du personnel, puis les Comités d’Entreprises (CE)… Dès qu’elles grossissent, les startups sont étranglées par le fisc et les centrales d’achats qui, en France, savent bien écraser tout ce qui bouge sur leur passage…
Les startups et le fisc : Les taxes et impôts sont à déclarer et à payer à dates fixes avec des exonérations si l’entreprise s’implante dans un territoire à revitaliser…Comme si la France n’était pas dans sa totalité à revitaliser !
En France, toutes les contraintes ne devraient pas être obligatoires pendant les années de croissance rapide, sans doute pas avant cinq ans. Il faudrait laisser un temps d’adaptation à une société innovante avant de lui imposer les charges sur les salaires, ne parlons pas de l’impôt sur les bénéfices qui est inexistant pour les startups mais surtout les contrôles de l’URSSAF ou les contrôles fiscaux qui font perdre un temps fou aux dirigeants.
Les startups et les centrales d’achat : Les centrales d’achats sont capables d’imposer des conditions de paiement aux PME (à 90 jours par exemple), très dures, car les PME n’ont jamais une trésorerie énorme. J’ai vu au jury de l’institut Français du Design, une startup à qui nous avions donné un Janus (label de bon design) contrainte de vendre sa société de confection de vêtements de travail à un groupe français qui a ainsi complété sa gamme. La créatrice de la société était étranglée, par les centrales d’achat de la distribution qui commercialisait ses vêtements de protection. Les paiements à 90 jours et les rétro-commissions qu’elles imposent écrasent les trésoreries des PME et devraient être interdits par la loi…
Le déréférencement ne devrait pas être instantané, mais faire l’objet d’une procédure avec préavis et explications contradictoires…et possibilité d’attaquer devant les tribunaux. J’ai vu une usine qui fabriquait des crèmes glacées délicieuses sous la marque de Leclerc perdre le marché et se retrouver en dépôt de bilan du jour au lendemain.
Il n’est pas normal que la trésorerie des grands distributeurs Auchan, Carrefour, Leclerc soit assurée par les PME.
L’état et l’Europe peuvent légiférer pour rendre illégaux les paiements à 90 jours, les rétro-commissions et avantages réclamées par les centrales d’achats…qui étranglent la trésorerie des PME et ETI… Cela contribuerait à la concurrence libre et non faussée (qui fait partie des principes affichés par l’Europe).
D’ailleurs, un chômeur embauché ne coûte plus rien à la collectivité ; alors il faudrait bien que l’Etat ait une vraie reconnaissance envers les startups !
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