Initié en 2010, le Programme d’investissements d’avenir (PIA) a pour objectif d’accroître la compétitivité française en encourageant l’innovation. Doté de 47 milliards d’euros, il est piloté par le Commissariat général à l’investissement (CGI). Ce dernier a demandé à France Stratégie de constituer un comité d’experts indépendants chargé d’effectuer un examen des effets « à mi-parcours » du PIA. L’objectif est d’en tirer des enseignements pour les modes d’intervention et domaines d’application futurs.
France Stratégie a organisé cet examen, qui a été confié à un comité présidé par Philippe Maystadt, ancien ministre des Finances de la Belgique et ancien président de la Banque européenne d’investissement. Ce comité d’examen souligne que les caractéristiques originales du Programme d’investissement d’avenir (PIA) doivent être confortées afin que les objectifs intialement visés soient pleinement atteints, et notamments le soutien aux entreprises innovantes.
Le PIA se traduit par des appels à projets nationaux autour de thématiques d’avenir destinées à sélectionner des équipes d’excellence (biotechnologies, recherche fondamentale, réseaux électriques intelligents, etc.). Les projets sont évalués par un jury international ou des experts indépendants réunissant des compétences de haut niveau chargé de sélectionner les projets innovants, à fort potentiel de croissance.
« À mi-parcours », cela signifie que le PIA court toujours. Or, tenu par la date butoir du 31 mars 2016, le comité s’est efforcé de modifier jusqu’à la dernière minute son rapport, mais certaines de ses observations peuvent être dépassées par l’évolution récente du PIA. Sous cette réserve, le comité estime pouvoir attirer l’attention sur dix points qui constituent une synthèse.
La création en 2009 du PIA – qu’on appelait à l’époque « grand emprunt » – a été une triple innovation : par sa finalité, qui était d’investir dans la connaissance pour stimuler la croissance, par le recours à un instrument inusité, la dotation non consommable, et par ses méthodes, qui reposaient sur des appels à projets d’excellence et la sélection par des jurys internationaux. Lorsque le commissaire général à l’investissement Louis Schweitzer a indiqué son souhait que la mise en place des PIA 1 et 2 soit soumise à une scrutation indépendante, en vue d’en tirer des leçons pour le PIA 3, France Stratégie a immédiatement convenu d’y procéder.
• Le principe d’excellence a généralement prévalu. Le recours à des jurys indépendants a permis l’émergence de projets ignorés dans les procédures traditionnelles. La culture de l’évaluation a progressé. Le PIA a bousculé des structures trop confortablement installées dans leurs certitudes.
• L’effort d’investissement dans la recherche est significatif ; le PIA monte constamment en puissance. La diversité des financements permet de s’adapter au mieux à la nature des projets. La pluriannualité budgétaire donne une vision à moyen terme et une plus grande visibilité pour les acteurs.
• Le suivi financier par le CGI est robuste ; l’allocation du budget par action est transparente, avec des mises à jour régulières des montants engagés, contractualisés et décaissés.
• Le PIA est une méthode originale de modernisation de l’action publique qui, bien pilotée, pourrait s’appliquer à d’autres domaines (éducation, santé) où la réforme par voie législative ou réglementaire se heurte à de fortes résistances mais où par incitation, elle pourrait faire bouger les lignes.
Le comité souligne que les caractéristiques originales du PIA doivent être confortées.
• Le PIA s’éloigne parfois de ses objectifs initiaux. Le comité note que certaines actions ne s’inscrivent pas dans une logique « transformante » et que d’autres ne financent pas des dépenses exceptionnelles d’investissement mais servent simplement à remplacer des crédits supprimés par ailleurs dans le budget de l’État. En effet, le comité considère que 14 % de l’enveloppe globale correspondant à 35 % des moyens décaissés en six ans constituent de la substitution budgétaire ou des projets qui n’auraient pas dû relever du PIA (financement de l’A350, refinancement d’OSEO, réacteur de 4è génération…). Le comité considère que, malgré cette évolution, le PIA a servi largement les objectifs pour lesquels il a été conçu : contribuer à augmenter la croissance potentielle du pays et préserver l’investissement de l’État en période de fortes contraintes budgétaires.
• S’il y a bien un effet de levier, qui est évalué pour chaque euro du PIA à un euro de cofinancements dont les deux-tiers sont privés, le comité note qu’il est très variable selon les actions, et pas toujours perceptible.
• Concernant l’effet d’entraînement, le comité conclut que le PIA n’a pas conduit à un accroissement de l’effort d’investissement public du pays, mais plus probablement à un moindre fléchissement que dans les pays voisins. Sur une enveloppe globale de 45 milliards d’euros et 6 ans après son lancement, seuls 14 milliards ont été décaissés. Ce sont donc en moyenne 2,3 milliards d’euros par an d’investissement attribuables au PIA sur la période, soit environ 2% de l’investissement public en France. L’accélération est cependant indéniable puisque les décaissements se montent à 4 milliards en 2014 et 2015 contre 900 millions en 2010 et 2011.
• Dans le domaine de l’enseignement supérieur, le PIA a suscité un dynamisme universitaire en région (Bordeaux, Strasbourg et Aix-Marseille) mais il n’a pas encore réussi à faire émerger des universités de recherche de rang mondial en région parisienne.
• Il a conduit, dans certains domaines, à complexifier le paysage institutionnel. C’est notamment le cas pour le transfert de technologie, les aides à l’innovation, l’enseignement supérieur ou certains fonds de participation qui viennent en concurrence de ceux de Bpifrance. Ce constat s’explique notamment par une inflation des actions (79 contre 17 prévues dans le rapport Juppé-Rocard).
• Le PIA a permis de faire progresser la culture de l’évaluation des investissements publics, mais des progrès restent cependant à faire sur ce point.
Le président de la République a annoncé un PIA 3 d’un montant de 10 milliards d’euros. Aussi, le comité recommande, dans un contexte économique qui a changé et dans une contrainte budgétaire forte, de :
• ne pas disperser les moyens dans de nouvelles actions de court terme, notamment en refusant désormais toute opération de « substitution budgétaire » et en concentrant les moyens sur les actions qui ont fait leurs preuves ;
• limiter les actions à celles qui répondent à une défaillance de marché avérée et qui entrent véritablement dans les objectifs du PIA. Les actions qui font double emploi avec d’autres financements disponibles ne doivent pas être poursuivies ;
• continuer certaines actions qui sont conformes aux objectifs du PIA mais sans y affecter de moyens nouveaux dans la mesure où l’enveloppe prévue dans les PIA 1 et 2 est loin d’être épuisée ;
• certaines actions méritent d’être redéfinies dans leurs objectifs, recalibrées dans leur ambition ou rationalisées ;
• refonder les actions qui n’ont pas encore fait leurs preuves mais dont les objectifs demeurent pertinents comme pour les Idex en Île-de-France ;
• rationaliser les structures et clarifier le rôle des ministères, des opérateurs et du CGI.
À l’aune de cet examen, l’utilité du PIA et en particulier de son troisième volet est confirmée. Son efficacité pourrait cependant être accrue en mettant à profit les leçons de l’expérience mises en lumière dans ce rapport.
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