Le numérique introduit partout des échanges et des modes de fonctionnement collaboratifs : l’innovation ouverte s’impose de plus en plus comme le modèle général de l’innovation pour les entreprises. « Ce doit donc être la priorité absolue des dispositifs d’aide publics ou privés que de soutenir l’innovation ouverte dans les petites et moyennes entreprises (PME), pour favoriser leur croissance et leur transformation en entreprises de taille intermédiaires (ETI) créatrices d’emplois nouveaux », conclut le rapport de l’Académie des technologies « Innovation ouverte et PME » qui vient de sortir.
Il est aujourd’hui reconnu par nombre d’études économiques (OCDE, Banque de France…) que les emplois nouveaux en France viendront pour l’essentiel de la création et du développement de PME et d’ETI, et, plus précisément, de la transformation des PME (de 11 à 250 personnes) en ETI (de 250 à 5000 personnes). L’innovation ouverte, source majeure de création et de développement d’entreprises, consiste à faire participer des acteurs extérieurs à l’entreprise à son processus d’innovation pour affronter les défis actuels ou à venir. Largement répandue dans les stratégies des grandes entreprises, elle apparaît aujourd’hui nécessaire à la croissance des PME et à leur transformation en ETI. C’est ce processus de transformation qui pose problème en France, où les ETI font cruellement défaut au tissu économique et à l’emploi.
En effet, de nombreuses enquêtes d’opinion indiquent une réelle évolution en faveur de la création d’entreprises et de l’innovation, en particulier chez les jeunes. Néanmoins, l’innovation se heurte encore en France à de réelles réticences culturelles devant le changement et une tendance à attendre que les problèmes soient résolus de façon globale et centralisée, d’où la multiplicité, déjà mentionnée, des structures nationales de soutien à l’innovation. L’innovation est par ailleurs souvent ressentie comme un risque de perdre son emploi. Cette attitude est un frein aux initiatives d’ouverture aux autres et à ce qui est nouveau.
De façon plus générale, cet état d’esprit d’ouverture vers les autres devra se développer dans toute la société car l’innovation ouverte dépend de tous les acteurs de l’entreprise. Cette question touche en particulier à la formation : comment préparer les jeunes aux évolutions rapides et souvent
imprévisibles des métiers de demain et faire passer la notion d’innovation ?
Quelques expériences sont menées aux niveaux lycée et BTS comme à Rouen, ou encore dans la nouvelle région Occitanie, mais la difficulté est à la fois de convaincre les enseignants et de donner un espace de liberté à ceux qui sont motivés.
Le groupe de travail de l’Académie des Technologies (1) livre aujourd’hui les conclusions et recommandations d’une étude menée pendant un an. S’appuyant sur l’audition d’une quinzaine de responsables de processus d’innovation, le groupe d’experts a réalisé un état des lieux des pratiques des PME et du système d’innovation en France. Les changements profonds de l’environnement économique, culturel et social entraîneront une mutation rapide des modèles économiques vers plus d’initiatives individuelles et locales fondées sur l’innovation au sens large (technologique, commerciale, financière, sociale etc.). Un grand nombre d’initiatives de ce type existent déjà à tous les niveaux. Il faut les encourager, les faire mieux connaître et tirer le maximum de profit de ces expériences.
Le rapport conclut à l’absolue nécessité d’intégrer un processus d’innovation ouverte dans les PME et ETI et émet cinq grandes recommandations :
1. Continuer à privilégier les aides indirectes à l’innovation – comme le Crédit impôt recherche – mais en les ciblant davantage vers les PME, en incluant dans l’évaluation de ces entreprises l’ensemble du processus d’innovation, ce qui favorisera à la fois leur développement et leur ouverture vers de nouveaux partenariats.
2. Réorienter les aides directes – aujourd’hui principalement tournées vers la création de start-up – vers le développement des PME, en donnant la priorité à la croissance des PME existantes pour les amener au stade ETI. Cela suppose de disposer de contrôleurs compétents dans ces processus et pas seulement dans le domaine de la recherche.
3. Lancer un examen critique global du système français de soutien public à l’innovation pour simplifier et harmoniser les structures de transfert technologique, en associant des représentants de PME. La profusion de structures mise en place par l’Etat depuis 2004 (71 pôles de compétitivité, une cinquantaine de CRITT, 14 SATT, 34 instituts Carnot, 16 IRT/ITE, 8 plateformes mutualisées d’innovation, France Brevet) entraine une très grande complexité administrative qui décourage les PME et leurs dirigeants. L’Académie recommande de simplifier ce dispositif et de donner à ces entités des missions claires et prioritaires d’assistance à l’innovation des entreprises, à l’image des Instituts Fraunhofer en Allemagne.
4. Mener, dans le cadre de cette réflexion, un travail d’analyse sur les innovations non technologiques (commerciale, organisationnelle, design, sociale etc…). Peu prises en compte par les dispositifs actuels de soutien à l’innovation, pour la plupart orientés vers la technologie, ces innovations, plus souvent issues de recherche en sciences humaines et sociales, jouent un rôle essentiel, y compris pour transformer une avancée technologique en innovation.
5. Favoriser les échanges de chercheurs entre organismes publics et entreprises, en assouplissant les barrières administratives et statutaires qui cloisonnent recherche publique et entreprise, comme les statuts et rémunérations des personnels. La création de postes de « Référent innovation en entreprise », proposée dans un précédent rapport de l’Académie des technologies, favoriserait la mise en relation des PME avec la recherche publique.
(1) L’Académie des technologies a pour mission d’émettre des propositions et des recommandations auprès des pouvoirs publics et des acteurs socio-économiques pour une meilleure exploitation des technologies au service de l’homme.
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