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Climat : l'inaction est un très mauvais calcul économique
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Climat : l’inaction est un très mauvais calcul économique

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Les scientifiques, les écologistes, les jeunes soucieux de leur avenir, tous les observateurs de l’évolution du climat le crient depuis des années. L’inaction politique et la pusillanimité en matière de lutte contre le changement climatique nous dirigent tout droit vers un monde invivable. Ce que l’on mesure moins, et qui est régulièrement souligné par des études allant toutes dans le même sens, c’est que l’inaction climatique entraîne un impact économique colossal. Les chercheurs estiment que son coût est comparable à celui de l’actuelle pandémie, qui se reproduirait tous les ans jusqu’en 2100. Autant dire que la catastrophe climatique annoncée se doublerait d’une catastrophe économique irrémédiable. De quoi faire réfléchir tous les dirigeants tentés par la politique de Gribouille.

En avril 2020, une équipe de chercheurs chinois, américains et suédois avaient réuni leurs efforts pour effectuer un calcul titanesque : que représente le coût des mesures que l’on devrait prendre pour ramener le réchauffement climatique en dessous de la barre des 1.5°C établie par l’Accord de Paris ? Une question assortie d’une autre, en miroir : quel serait le coût si l’on ne met pas en œuvre ces mesures, et si on laisse le climat poursuivre sa route, as usual ? Les résultats de leurs calculs avaient été publiés dans la revue Nature, et ils ont fait l’effet d’une bombe.

Leur équation est simple mais abyssale : le coût des mesures prises pour contraindre le réchauffement climatique se situe dans une fourchette allant de 16.000 à 103.000 milliards de dollars pour l’ensemble des pays du G20, d’ici la fin du siècle. Donner un coup d’arrêt au réchauffement nécessiterait ainsi, pour les vingt pays les plus riches de la planète — qui sont à l’origine de 80% des émissions mondiales de gaz à effet de serre — de consacrer 200 à 1.287 milliards de dollars par an à l’atténuation et à l’adaptation. Soit l’équivalent de 0,2 à 2% de leur produit national brut annuel conjugué. Ne rien faire, leur coûterait environ dix fois plus : entre 1.900 et 10.000 milliards de dollars par an, soit l’équivalent de 2 à 12% du PNB mondial actuel.

Ce chiffre représenterait le coût de l’actuelle pandémie de coronavirus, qui a sérieusement menacé l’économie du monde, mais un coût déboursé chaque année par les pays du G20. Une pandémie, c’est déjà beaucoup ; une pandémie comme celle du Covid-19 qui frapperait tous les ans, c’est intenable, même en faisant tourner jour et nuit toutes les planches à billets du monde.

Jusqu’à présent, nombre d’États font la sourde oreille aux injonctions du climat, et privilégient leurs intérêts et accointances économiques. Peut-être écouteront-ils différemment les augures qui, cette fois-ci, ne leur parlent pas de biodiversité, de montée des eaux, de sécheresse et autre canicules — bref de la vie— mais de dollars, de monnaie, d’argent, de marché —bref, de pouvoir. Et leurs oreilles doivent siffler tant les alertes des économistes se multiplient avec des études se succédant pour établir un consensus scientifique de plus en plus solide. Trois grandes études ont été publiées ces dernières semaines.

Un coût dévastateur

La transition écologique coûte cher, c’est un lieu commun de le dire. Mais ce coût n’est rien par rapport à celui des dommages causés par l’inaction face aux dérèglements climatiques. Selon un sondage réalisé cet été par l’Institute for Policy Integrity de l’université de New York auprès d’économistes internationaux spécialistes du changement climatique, deux tiers des 738 économistes interrogés s’accordent à dire que les avantages d’une réduction nette des émissions d’ici à 2050 l’emporteraient sur les coûts. Les trois quarts (74 %) affirment par ailleurs qu’une action « immédiate et draconienne » est nécessaire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

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Lors d’une précédente étude publiée en 2015, ils n’étaient que la moitié d’entre eux à être convaincus par cette nécessité d’agir. « Des gens qui ont passé leur carrière à étudier l’économie sont largement d’accord pour dire que le changement climatique coûtera cher et sera potentiellement dévastateur », commente Peter Howard, directeur de l’institut ayant mené le sondage. Au rythme actuel du réchauffement climatique, les économistes interrogés estiment à 1.700 milliards de dollars par an d’ici à 2025 le coût des dommages économiques selon la médiane de leurs projections. Elle atteint même 30.000 milliards de dollars par an à l’horizon 2075.

Une projection qui s’accompagne d’une prévision dramatique sur le plan social : 9 chercheurs sur 10 (89 %) affirment que les conséquences économiques de l’inaction climatique viendraient exacerber les inégalités de revenus entre les pays riches et les pays pauvres. Et au sein même des pays, environ 70 % de ces économistes estiment que le changement climatique viendrait accroître les inégalités entre les classes populaires et les plus aisées.

Le caractère aggravant des « points de bascule »

Publiée en août dernier dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), une autre étude présente les résultats d’une méta-analyse de la littérature scientifique réalisée par un quatuor de chercheurs américano-britanniques. Leur modèle prospectif s’appuie sur des données concernant les effets du changement climatique et leur impact économique dans 180 pays. Les chercheurs se sont plus particulièrement focalisés sur les analyses relatives aux huit points de basculement (ou « tipping points ») suivants : le dégel du pergélisol et les émissions de méthane qu’il entraînerait ; la dissolution des hydrates de méthane dans l’océan ; la fonte de la banquise arctique entraînant une réduction de l’effet albedo et par conséquence, un réchauffement de l’eau des océans ; la déstabilisation de l’écosystème de la forêt amazonienne empêchant celle-ci de stocker suffisamment le CO2 ; la désintégration de la calotte glaciaire du Groenland ainsi que celle de l’Antarctique, causant une hausse du niveau de la mer ; l’affaiblissement de la circulation océanique méridienne dans l’Atlantique (Amoc) entraînant une déstabilisation de la température globale, surtout en Europe ;  les dérèglements de la mousson d’été en Inde impactant le secteur agricole à vaste échelle.

« Les climatologues soulignent depuis longtemps l’importance des points de basculement du climat, explique le professeur Simon Dietz, de l’Institut Graham de recherche sur le changement climatique et l’environnement à Londres, dans un communiqué. Pour la première fois, nos analyses chiffrent les impacts économiques des huit points de basculement du climat de manière plus systématique. »

D’après les estimations du modèle, le franchissement de ces points de basculement, notamment du fait de l’inaction climatique, causerait une augmentation de 25 % du « coût social du carbone » (SCC) – c’est-à-dire, l’ensemble des coûts économiques et sociaux dus à l’émission d’au moins une tonne supplémentaire de gaz à effet de serre.

Le président des États-Unis, Joe Biden, avait justement mis en garde contre « le coût de l’inaction climatique » lors de l’annonce de ses engagements de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, en avril dernier. Les chercheurs notent cependant que leurs chiffres « représentent probablement des sous-estimations », compte-tenu du fait que certains « tipping points » et leurs interactions n’ont pas encore été étudiés.

Chute du PIB mondial

Enfin la dernière étude en date publiée le 6 septembre dernier dans la revue scientifique Environmental Research Letters enfonce le clou : d’ici la fin du siècle le coût économique du changement climatique pourrait atteindre une valeur six fois supérieure à celle anticipée jusqu’à présent. Le coût climatique équivaudrait à une chute de 37 % du PIB mondial d’ici la fin du siècle. Une baisse six fois plus importante que les estimations précédentes qui anticipaient une diminution d’environ 6 % seulement. En outre, si les sociétés humaines peinent à s’adapter, la chute pourrait même être encore plus brutale. « Nous ne savons pas encore exactement quel effet le changement climatique aura sur la croissance à long terme, mais il est peu probable qu’il soit nul, comme la plupart des modèles économiques l’ont supposé », souligne Chris Brierley, un des coauteurs de l’étude.

« Les émissions par personne pourraient très bien entraîner un coût pour l’humanité de plus de 1.300 dollars par an, atteignant plus de 15.000 dollars par an une fois que les impacts du changement climatique sur la croissance économique sont inclus », indique Chris Brierley. Les valeurs centrales avancées par les auteurs sont systématiquement plus élevées que celles calculées par le passé. Or, les politiques et les acteurs économiques fonctionnent actuellement avec ces bases très sous-estimées. Ainsi, les calculs coûts/bénéfices sont fortement biaisés. En Amérique du Nord, les décisions et les arbitrage fonctionnent par exemple avec un coût du CO2 porté à 51 dollars la tonne.

« Les résultats confirment qu’il est moins coûteux de réduire les émissions de gaz à effet de serre que de faire face aux impacts du changement climatique, et les dommages économiques dus à la poursuite du réchauffement l’emporteraient largement sur la plupart des coûts qui pourraient être impliqués dans la prévention des émissions aujourd’hui », fait valoir Paul Waidelich, coauteur du papier.

« Le risque que les coûts soient encore plus élevés qu’on ne le supposait auparavant réaffirme l’urgence d’une atténuation rapide et forte. Cela montre que choisir de ne pas réduire les émissions de gaz à effet de serre est une stratégie économique extrêmement risquée », ajoute-t-il.

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