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Le rapport que vient de publier l’INSEE sur les investissements consacrés par les entreprises françaises à l’environnement est désarmant. Rien n’y fait. Tous les voyants de la planète sont au rouge, aussi bien pour les niveaux de pollution, les émissions de gaz à effet de serre, l’effondrement de la biodiversité… Et malgré ces alertes qui sonnent le tocsin de l’urgence, nos entreprises rechignent encore à investir dans l’environnement. Pire encore, leurs investissements ne sont, non seulement pas à la hauteur des enjeux mais encore, ils ne cessent de baisser. La science établit comme un fait la probabilité d’un prochain effondrement. Mais malgré les avertissements, l’inertie semble la règle, comme s’il fallait attendre que nous recevions un choc irréparable pour nous apercevoir enfin de l’état réel de la situation.
L’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a publié ce 10 juillet son rapport annuel sur les investissements des entreprises industrielles françaises de plus de vingt salariés en faveur de l’environnement. Le verdict est celui de la désillusion : les investissements ont baissé de 2% en 2018 par rapport à l’année précédente. Ceux-ci avaient chuté de -13 % entre 2016 et 2017. Depuis 2012, la tendance est à la baisse alors que les besoins en matière de protection de l’environnement deviennent plus qu’oppressants (Figure 1).
Figure 1 : Évolution des investissements
Le détail des chiffres n’est pas fait pour nous réconforter. 38 % des établissements industriels employant 20 salariés ou plus ont réalisé des investissements ou des études pour protéger l’environnement. Ils y ont consacré 1,4 milliard d’euros. Cela veut dire que quasiment les deux-tiers des entreprises françaises n’ont pas investi un centime dans des mesures appropriées pour la planète.
Les dépenses sont les plus fréquentes dans les grands établissements : 84 % des établissements de 500 salariés ou plus ont engagé de telles dépenses contre 27 % des établissements de 20 à 49 salariés. Ces derniers représentent 55 % des établissements étudiés et 11 % des dépenses réalisées.
Sur les 1.4 milliards d’euros dépensés, la plus grosse partie est allée aux investissements (79 %, soit 1,1 milliard d’euros) ; cette part est en diminution de 3% par rapport à l’année précédente. En revanche, les montants consacrés aux études augmentent de 4 % par rapport à 2016 ; ils atteignent 289 millions d’euros, après 279 millions en 2016.
Quand on regarde (Figure 2) l’attribution des investissements, on observe qu’il s’agit essentiellement de dépenses liées à la dépollution. Les grandes entreprises industrielles concernées sont celles qui ont le plus grand impact sur leur environnement ; elles s’attachent donc –c’est la moindre des choses– à nettoyer leurs dégâts. Ainsi, 40 % des investissements visent à éviter ou à limiter les effets de l’activité sur la qualité de l’air (307 millions d’euros) ou, via les émissions de gaz à effet de serre, sur l’équilibre du climat (119 millions d’euros). Les autres dépenses importantes concernent les eaux usées (208 millions d’euros), les sols (143 millions d’euros) et les déchets (108 millions d’euros).
Figure 2 : Investissements par domaine
Les « investissements spécifiques », c’est-à-dire l’achat de matériels entièrement dédiés à la protection de l’environnement, représentent 85 % des montants investis, loin devant les « investissements intégrés » (15 %). Ces derniers correspondent aux surcoûts liés à l’intégration dans l’outil de production de produits ou procédés moins polluants que ceux disponibles de manière standard sur le marché.
En 2017, 50 % des investissements spécifiques sont destinés au prétraitement, au traitement ou à l’élimination de la pollution : ils ont pour objectif de réduire l’impact négatif de l’activité des établissements sur l’environnement. Par ailleurs, 37 % de ces investissements ont pour objet la prévention des pollutions, ce qui traduit une volonté des établissements d’agir en amont du processus de production.
Ainsi, la logique prévalente est celle de traiter les pollutions. La prévention ne vient qu’après.
Quand on se penche sur la nature des entreprises ayant investi, on observe qu’il s’agit, pour une large part, de sociétés ayant des activités dans le domaine de l’énergie (423 millions d’euros), la chimie (210 millions d’euros), les industries agroalimentaires (186 millions d’euros) et la métallurgie-produits métalliques (98 millions d’euros). À lui seul, le secteur de l’énergie regroupe un quart des investissements et la moitié des dépenses d’études réalisés dans les établissements industriels pour protéger l’environnement.
Si l’on s’en tient aux chiffres stricto sensu, on observe qu’en additionnant les investissements et dépenses d’études de toutes les entreprises en faveur de l’environnement, on arrive péniblement à la somme de 1.4 milliards d’euros. Si on veut être plus précis, sur cette masse, seul 1.1 milliard concerne des investissements proprement dits. Cette somme est portée pour plus de 80 % par des grandes entreprises de plus de 500 salariés, et pour un gros tiers d’entre elles par des firmes du secteur de l’énergie. On ne peut manquer de rapprocher ces montants d’autres chiffres : les quarante plus grandes entreprises françaises ont dégagé, en 2018, 88.5 milliards de profits dont une importante partie est allée aux actionnaires sous forme de dividendes. Total, la plus grande entreprise française du secteur de l’énergie a cumulé, pendant la même période que celle de l’étude de l’INSEE, un bénéfice de 8.6 milliards d’euros.
Des chiffres qui donnent le vertige quand on les compare, même si comparaison n’est pas raison, avec ceux consacrés aux investissements pour protéger l’environnement. Un indice de plus de l’inconscience qui caractérise notre époque face à la machine infernale environnementale que nous avons-nous-mêmes enclenchée. Ni culturellement, ni économiquement, ni politiquement, les dirigeants des entreprises françaises, malgré leurs beaux discours verts et leurs manœuvres de greenwashing, ne sont réellement prêts et engagés face aux défis qui viennent.
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