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« Happy Rain », le film d’une géographe guerrière

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J’ai beaucoup hésité avant de classer le film dont je vais vous parler dans une de nos rubriques : climat et ressources, arts et cultures ou nouvelles solidarités ? Les trois à la fois sans aucun doute méritaient de lui offrir une jolie place. Actualité aidant, « Happy Rain » ayant été séléctionné et projeté samedi 5 décembre à la COP21 et visible ce soir à 22h35 sur France Ô,  j’ai tranché et viens vous présenter ici l’histoire d’une réalisation documentaire de 52 minutes sur l’ incroyable renversement de situation d’un pays grâce à l’inventivité, la créativité de ses habitants, le Bangladesh : de bonnes nouvelles sur un pays rarement montré sur les écrans français. 
 
Il y a eu multitude de films montrant la pauvreté et les catastrophes naturelles et surtout humaines de ce pays, coincé entre l’Inde et la Birmanie, dans le delta plat et bas formé par la confluence du Gange et du Brahmapoutre. Il est vrai que le pays a connu des inondations dévastatrices et que chaque année près des 3/4 du pays sont quatre à cinq mois sous les eaux. Durant la mousson, une immense plaine inondée découvre ici et là des villages tels des îlots au milieu de la mer.
 
 
Pendant cinq mois de l’année, de juin à octobre, les paysans ne peuvent pas cultiver leurs terres. Ils attendent impuissants, regardant les jacinthes d’eau recouvrir l’horizon. En novembre, lorsque l’eau baisse, ils ramassent à la main le lourd manteau vert piqué de mauve afin de préparer la terre et semer le riz. Un travail laborieux qui prend du temps et coûte de l’argent.
 
Partir de ce que l’on a et s’en sortir
 
Un jour, des propriétaires terriens de cette région ont arrêté de regarder la pluie tomber et pris des mesures pour surmonter les obstacles. 5000 paysans musulmans et hindous qui, accompagnés de Morshed, un visionnaire-entrepreneur persévérant, ont choisi de faire de la pluie une ressource bénie, en mettant en commun leurs maigres économies et en ouvrant leur capital aux familles sans terre.
 
 
En construisant des infrastructures qui relient les villages entre eux, ils ont pu capturer de vastes étendues d’eau. Leurs rizières sont devenues lieux d’élevage de poissons !
En 15 ans, ils ont développé une véritable entreprise de pêche reconnue et profitable, créé des emplois, réduit la pénibilité et le temps de travail pour préparer le sol, augmenté le rendement en riz et développé des affaires dans la glace, l’aliment pour le poisson et le transport. En plus avec le poisson ils ont eu des protéines alors qu’ils en manquaient.

 
 
« Ici, l’environnement n’est pas une réalité indépendante de l’être humain, une espèce de divinité à vénérer ou une fatalité. La vraie façon de concevoir l’environnement est d’admettre que nous en faisons partie, qu’il est notre cadre de vie, d’observer pour comprendre, réfléchir et déceler les opportunités, puis prendre le temps de bâtir des solutions respectueuses tournées vers l’avenir qui continuent de nous en apprendre sur nous. » déclare le Docteur Isabelle Antunès, la réalisatrice du film. « Happy Rain montre que l’on peut créer des ressurces et des richesses à partir de ce que l’on a et s’en sortir, que le développement n’est pas figé mais constamment en évolution, qu’un bel avenir dépend de l’intelligence humaine, de la coopération, d’une volonté collective et d’un peu de sagesse. »
 
Si le film nous montre une magnifique 100% initiative locale où la création d’une entreprise par les propriétaires terriens et une ONG a transformé leur vie de manière extraordinaire, il révèle aussi la vigilance dont doivent faire preuve les actionnaires: 15 ans plus tard, comment ne pas se retrouver au service d’une entreprise dont la finalité est désormais la maximisation des profits ? Un film avec plusieurs niveaux de lecture et … d’actualité !

 
 
Isabelle Antunès, la géographe guerrière
 
Façonnée par son parcours atypique nourri de voyages, son immigration en Australie, par ses origines,  et son sport favori, la voile, Isabelle Antunès se rêvait journaliste reporter. Jusqu’au jour où elle rencontre le célèbre géographe, spécialiste de l’Océanie, Joël Bonnemaison. Elle soutient alors une thèse à Paris IV en géographie culturelle, en collaboration avec l’IRD, sur une étude comparative de deux communautés de pêcheurs situées à l’est et à l’ouest de l’archipel indonésien. Découvrir ce qu’est d’apprendre sur le terrain et être en contact d’une situation et de gens pour tenter de les comprendre l’a enthousiasmée.  Elle comprend que la géographie est la science qui révèle les opportunités et l’appréhension des environnements.
 
Isabelle développe alors une approche vers la diversité qui pemet l’échange, le partage : « Il faut envisager le durable via le social et le culturel, l’économie n’étant qu’un résultat et non un objectif. »
Happy Rain est son 4ème film. Après avoir doublé sa thèse d’un 52′ grand public intitulé « Rèves de pêche en Indonésie » en 2001 diffusé sur France 2, France 3, La Cinq, RFO et TV5 Monde, elle signe en 2006 « La tomate au Sénégal, celle qu’on s’arrache », un 52′ sur la formidable histoire de la filière tomate au Sénégal, un partenariat réussi entre 14 000 producteurs et un industriel français diffusé sur tout le réseau télévisé français et ouest-africain et sélectionné au Festival Vues d’Afrique à Montréal.  
En parallèle, Isabelle Antunès développe un autre projet : « La fabrique du géographe »pour montrer et partager de manière positive et constructive des initiatives tant novatrices qu’originales, qui mettent en lumière une facette méconnue d’un pays ou d’une communauté, comme autant de moyens permettant de soutenir, motiver, encourager, faire exister, inspirer : de contribuer au changement. Pour elle, l’énergie humaine est une énergie renouvelable et inépuisable, véritable moteur de tout ce que nous faisons et décidons. C’est une source de développement, d’expression et donc de possible évolution.
 
Sophie Goupil – Les poissons volants
 
La productrice Sophie Goupil fonde Les Poissons volants en 1989 avec un positionnement sur le développement, la production, l’édition et la distribution de documentaires de création, de long-métrages, court-métrages et de vidéos d’artistes en France et à l’étranger.
Elle cherche toujours à dépasser les genres, les conventions et les attentes en multipliant les chemins de traverses à la recherche de sujets singuliers. A l’écoute du monde et de ses évolutions, la mosaïque éditoriale de cette maison de production se dessine ainsi, au fil des films.
Son actualité : Emission « Les petits secrets des grands tableaux » chaque dimanche à 12h sur ARTE-Creative jusqu’au 3 janvier 2016, une collection documentaire en motion design, écrite par Carlos Franklin et Clément Cogitore. 
 
(1) Né en 1940, docteur d’État, Joël Bonnemaison était directeur de recherche à l’Orstom (délégué pour le Pacifique Ouest, puis chef du département « Société, urbanisme, développement »), il enseignait la géographie culturelle à l’université de Paris IV. Il a séjourné dans plusieurs pays d’Océanie et publié une thèse sur Vanuatu (L’Arbre et la pirogue, Les Hommes lieux et les hommes flottants) et La dernière île. Il est décédé le 6 juillet 1997 à Nouméa.
 
Fabienne Marion, Rédactrice en chef
 
 

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