MOVE, manifestation annuelle lancée en 2017 s’inscrit à l’intersection de la danse, de la performance et de l’image en mouvement en imaginant un espace et un temps de réflexion autour des corporéités contemporaines et sur les différents modes d’exposition de la performance : dans la durée, dans des espaces traditionnellement non dévolus à la danse, dans des lieux et avec des points de vue différents. En exposant la performance dans ces nouveaux lieux, MOVE questionne la chorégraphie sociale de l’institution muséale, ses codes, ses mouvements, ses usages ainsi que les nouvelles modalités de présentation de la performance. Du 24 mai au 8 juin 2019 au Centre Pompidou, Paris IVe.
Pour cette troisième édition, MOVE propose des œuvres qui abordent la question des identités, des diasporas et des mémoires inscrites dans le corps, parfois à un niveau inconscient et leur résurgence à travers le geste. La mémoire est habituellement associée au passé comme une image-souvenir, portant en elle une notion de marque ou d’empreinte.
Il a souvent été entendu que le XXIe siècle était fasciné par le passé et notamment l’héritage de la violence et des désastres où mémoires collectives et individuelles se mêlent. Récemment, les recherches en épigénétique ont supposé l’hypothèse que notre ADN ne se reproduisait pas mathématiquement mais était influencé par nos modes de vie, nos émotions, notre vie sociale ou amoureuse, tout comme les événements traumatiques de l’existence. Ces mémoires corporelles, qui ne sont pas forcément conscientes peuvent être explorées à travers le geste.
Parmi les temps forts de l’édition 2019, l’artiste Tarik Kiswanson présente une nouvelle installation pensée spécifiquement pour le Forum -1 du Centre Pompidou, dans la lignée de son travail d’écriture et de performance. Une exposition regroupe une installation conçue par Emilie Pitoiset autour des marathons de danse organisés pendant la Grande Dépression aux Etats-Unis, mis en regard avec l’époque cold wave, ainsi que deux films d’Evan Ifekoya mêlant mémoires corporelles et identification.
Vidéodanse propose une sélection de films de danse questionnant le corps comme dépositaire des mémoires et un programme de performances en salles regroupe divers artistes dont Daisuke Kosugi, Lenio Kaklea ou Than Hussein Clark.
Tarik Kiswanson, « Flowers for my fathers », 2018, courtesy de l’artiste, Carlier I Gebauer et Almine Rech Gallery, ©Gunter Lepkowski.
Tarik Kiswanson est né en 1986 en Suède. Il est diplômé de Central Saint Martins à Londres et des Beaux-Arts de Paris. Il a récemment montré son travail à la Fondation d’entreprise Ricard à Paris (2018), au MRAC à Sérignan, au Mudam à Luxembourg (2017) et à Anticipations – Fondation d’entreprise des Galeries Lafayette (2018).
En 2019, il participera à la 5eme Biennale de l’Oural à Ekaterineburg en septembre et présentera une nouvelle commande à la biennale Performa 19 de New York.
L’installation de Tarik Kiswanson réunit sculpture, création sonore et performance dans la lignée de son travail d’écriture de poésie. A partir de recherches sur la préadolescence, cet âge empreint de fragilité et d’une forme de lucidité sur le monde, l’artiste a composé un recueil de poésies en plusieurs chapitres qui sera joué par de jeunes garçons.
Les textes sont une plongée dans une réflexion sur la condition humaine évoquant à la fois les corporéités contemporaines et les frontières tant entre pays qu’entre les êtres ou plus généralement, la porosité entre deux états que tout semble opposer au départ. Les pensées du mélange, la poétique du métissage tout comme les écrits d’Edouard Glissant sont au centre du travail de Tarik Kiswanson.
De culture hybride, son héritage se construit à la croisée d’une vie familiale au Moyen-Orient (sa famille a émigré de Palestine dans les années 80) et de son évolution ultérieure en Suède et dans les pays occidentaux. Sculpteur, écrivain, performeur, Tarik Kiswanson manipule plusieurs matériaux à la fois : le texte et les mots dans une œuvre imprégnée de poésie, de fragments et de rythmes ; le son à travers des polyphonies mixant voix et sons variés enregistrés au cours de ses voyages ; le métal, enfin, dans des sculptures qui fonctionnent comme des tissages, entremêlant diverses références, littéralement infusées de l’héritage familial.
L’installation prend en compte l’architecture de l’espace du Forum-1, tout comme son caractère propre de lieu de passage au cœur du Centre Pompidou qui s’appréhende de différents points de vue. Elle se compose d’une création sonore enregistrée notamment avec les voix des enfants se diffusant dans tout l’espace et d’une sculpture suspendue en lames de métal, matériau récurrent chez l’artiste qui utilise ses propriétés diffractantes et réfléchissantes.
Des performances réalisées par les jeunes garçons viendront animer l’installation à certains temps. Le texte évoquera des thématiques comme le déplacement, le soi multiple et le désir. Il abordera l’expérience que peut avoir un enfant issu de la première génération de l’immigration, dont la croissance et le devenir-adulte accompagnent un processus similaire à l’échelle de sa communauté, de mélange et de fusion de différents langages et idiomes en pleine transformation.
Un nouveau film « I tried as hard as I could », prélude à « Out of Place » qui reprend le titre des mémoires d’Edward Saïd suivra la transformation d’un jeune garçon et ses questionnements autour du déracinement.
Performances les lundi, mercredi, jeudi et vendredi à 18h. Tarik Kiswanson proposera deux lectures dans l’espace les dimanche 26 mai et samedi 8 juin à 17h.
Une rencontre avec l’artiste sera organisée le 26 mai à 18h.
Emilie Pitoiset est née en 1980, elle vit et travaille à Paris. Son travail met en jeu la résistance des corps à travers la danse, les rituels, la sexualité, l’argent. Elle déploie une grammaire visuelle qui emprunte librement au cinéma noir, au nouveau roman, aux sociétés secrètes et aux idéaux et fantasmes de la culture populaire à partir des années 1920. Elle a exposé au FRAC Champagne Ardenne, Reims, au Palais de Tokyo ou au Schirn Museum de Francfort. Elle a présenté des performances au CND ou à Tai Kwun Contemporary, Hong Kong.
La pratique d’Emilie Pitoiset, empreinte d’une expérience précoce de gymnaste, se tourne dès ses débuts vers des problématiques liées au vocabulaire de la danse, aux liens poreux entre arts visuels et chorégraphie et l’appréhension du medium exposition comme celui d’un spectacle de danse. En 2017, elle conçoit une exposition au Confort Moderne inspirée d’un thème qui la fascine depuis longtemps : les marathons de danse organisés aux Etats-Unis pendant la Grande Dépression qu’elle relie avec les années 80 et la cold wave, époque de découverte du sida et de l’avènement de gouvernements conservateurs aux Etats-Unis et en Grande Bretagne qui témoignent d’un durcissement des rapports sociaux et intimes, annonciateur de notre époque néolibérale.
Evan Ifekoya est née en 1988 au Nigeria et vit et travaille à Londres. Ses expositions récentes comprennent De Appel, Amsterdam (2019), Gasworks, Londres (2018), le Centre d’art contemporain de la NouvelleOrléans dans le cadre de Prospect 4 ; Serpentine Gallery, Londres ; Wysing Arts Centre, Cambridgeshire (2017). Les performances récentes incluent : Block Universe (en collaboration avec Victoria Sin) et Camden Arts Centre, Londres (2018); ICA, Londres et KW Institute, Berlin (2017).
L’artiste travaille différents médiums, l’installation, le son et la performance. Ses recherches explorent la possibilité d’une occupation érotique et poétique utilisant comme médium le film, l’écriture performative et le son, centrée sur la co-création, les formes intimes de production de connaissances et le potentiel radical du spectacle. Son projet en cours « A Score, A Groove, A Phantom » explore les archives de la « blackness », de la socialité et de l’héritage et sa dissémination dans la vie nocturne queer et les traumatismes contemporains.
BBall Curriculum, 2012, Vidéo, 4’53 Le film BBall Curriculum est une investigation du corps masculin en relation avec celui de l’artiste à travers des scènes de liens homosociaux où les hommes dansent, jouent au ballon et maraudent. Chacune de ces représentations expose des hommes se déplaçant à l’unisson dans une boucle continue, tandis que le corps de l’artiste est présenté isolé et obscurci. Bien que fondées sur les domaines typiquement masculins que sont l’économie, la philosophie, le sport et la technologie, ces répétitions de mouvement forment une méditation étrangement hypnotique.
Nature/Nurture sketch, 2013, Vidéo, 6’ Cette vidéo fait partie d’une série de 4 clips où vidéos musicales qui tentent de “queeriser” le format du clip vidéo. La double projection présente l’artiste sur la gauche essayant de reproduire une danse traditionnelle d’Afrique de l’ouest (dont est originaire sa mère) et d’improviser sur l’écran de droite.
Une rencontre avec l’artiste sera proposée le 1er juin à 17h.
Videodanse ponctue le festival MOVE en interrogeant le corps en tant que site dépositaire des mémoires. Le programme présente une sélection de films autour du Butô danse des ténèbres, née au Japon dans les tourments de l’après Hiroshima avec des films présentant les créations des chorégraphes Tatsumi Hijikata, Carlotta Ikeda et Kazuo Ohno.
Le programme en boucle propose également une sélection de films de Babette Mangolte autour des pièces emblématiques de Trisha Brown « Roof Piece on the High Line » et « Lateral Pass » que la chorégraphe a recréé à travers le temps, ainsi qu’un film sur la danse contact improvisation inventée par Steve Paxton qui se base sur les masses corporelles et les appuis des danseurs entre eux.
Les questions de migrations et d’histoires familiales seront abordées à travers « Le Cargo » du chorégraphe congolais Faustin Linyekula et « Noir Blue » de l’artiste brésilienne Ana Pi.
CeciliaBENGOLEA, « FAVORITE POSITIONS » 26 MAI, 19H, Petite salle
Cecilia Bengolea est née en 1979 à Buenos Aires. Elle se forme aux danses urbaines et poursuit des études de danse anthropologique. Elle collabore régulièrement avec François Chaignaud. Depuis quelques années, elle se tourne vers les arts visuels en créant des films et des performances.
Son travail a été montré dans de nombreux festivals tels que Tanz im August Berlin, le Kunsten Festival des Arts, Bruxelles ou Block Universe à Londres. Récemment, elle a fait partie de la biennale Desert X en Californie.
Favorite Positions est une série de sculptures animées inspirées de l’esprit de la pieuvre qui suggère un corps sans frontières – un être totalement liquide, né d’un état de répétition constant. L’esprit et les rythmes qui infusent ce corps se déplacent dans plusieurs directions à la fois. La sueur et les pluies tropicales dissolvent davantage les frontières entre intérieur et extérieur, rappelant que le fluide corporel interne est un conducteur électrique qui fonctionne pour le corps de la même manière que les synapses du cerveau – créant de nouvelles voies et autorisant des communications redéfinissant la sensibilité.
Les mouvements qui intéressent l’artiste sont ceux dans lesquels le corps est entraîné par une intelligence physique qui lui est propre. À travers les rituels et les répétitions, les bras, les jambes et le torse semblent développer une mémoire indépendante. Cette nouvelle proposition utilise la figure de la pieuvre – de l’intelligence océanique liquide – comme pont entre les cultures Yoruba et le Dancehall et les idées contemporaines de sacré et profane. Le corps est présenté à la fois sous sa forme sculpturale immobile et comme un être chorégraphique actif – l’un immobile et évanescent, l’autre une succession d’éternités.
Daisuke KOSUGI, PART (IE) 31 MAI, 20H, Petite salle
Daisuke Kosugi est un artiste né au Japon en 1984 qui vit à Oslo. Il a pris la nationalité norvégienne il y a quelques années en abandonnant sa nationalité japonaise. Ses œuvres (installation, films, performances) questionnent les questions de nationalités, de genre et de mémoires. Il a exposé à la Gwangju Biennale en 2016 ou à la Charlottenborg Kunsthal de Copenhague. Il montrera prochainement son travail au Jeu de Paume.
« Part (ie) 1 » s’articule autour d’une comparaison des différences entre les scripts français et anglais de la séquence d’ouverture du film « Hiroshima Mon Amour » (1959) d’Alain Resnais. Deux interprètes récitent le script, l’un en français et l’autre en anglais, ligne par ligne sur une scène. Un rythme se créé par les intervalles de son et de silence causé par les différences entre les scripts, permettant aux auditeurs de détecter physiquement les zones où l’information est absente.
La séquence d’ouverture du film sera projetée sur la scène, mais modifiée pour suivre la vitesse des récitations par les interprètes. La fugacité de la mémoire est un thème clé du film original. Avec cette performance, l’artiste évoque la subversion de la mémoire qui s’effectue dans le processus de transfert d’un contexte culturel à un autre.
Manuel PELMUS, « BORDERLINES » 31 MAI, 20H30, Petite salle
Né à Bucarest en 1974, Manuel Pelmus vit et travaille entre Oslo et la capitale roumaine. Chorégraphe de formation, son travail tend vers les arts visuels qu’il a présenté notamment à la Tate Modern de Londres, la Tate Liverpool, au Ludwig Museum de Cologne, à la OFF-Biennale de Budapest, à la Biennale de Kiev, au Van Abbemuseum d’Eindhoven, au Musée d’art moderne de Varsovie, à Para Site Hong Kong et à la Biennale de Venise.
Dans Borderlines, l’artiste revisite performances passées et histoires personnelles et agrège les notions de visibilité et d’invisibilité en relation avec l’histoire et les politiques de représentation. Ces histoires se déplacent de manière ludique dans le temps et l’espace, actualisant et réfléchissant sur la notion de frontière, qu’il s’agisse de frontières politiques ou celles entre disciplines artistiques. L’artiste y évoque ses propres souvenirs de passage de frontières, antérieurs à la chute du mur de Berlin.
Joao PEDRO VALE & Nuno Alexandre FERREIRA, « THOSE WHO MAKE THE REVOLUTION HALFWAY ONLY DIG THEIR OWN GRAVES » 5 JUIN, 20H, Petite salle
João Pedro Vale (Lisbonne, 1976) et Nuno Alexandre Ferreira (Torres Vedras, 1973) vivent et travaillent à Lisbonne, où ils collaborent depuis 2004 à des projets de sculpture, de photographie, de performance, d’exposition et de film.
Les thèmes de leur travail tournent autour des identités queers, de la construction de la communauté, de la migration et du capitalisme mondial.
João Pedro Vale est diplômé en sculpture de la faculté des beaux-arts de l’université de Lisbonne et a étudié à l’école Maumaus. Nuno Alexandre Ferreira a étudié la sociologie à l’Universidade Nova de Lisbonne. Ils préparent actuellement des expositions personnelles pour la Galeria da Avenida da India et le MAAT de Lisbonne, et un projet pour le LIAF2019, à Lofoten, en Norvège. Cette lecture performance a pour intention de restaurer les souvenirs dissidents du processus d’intégration et d’assimilation à une juste place, ce qui selon Albano Cordeiro, originaire de Luso et sociologue, aurait amené la communauté portugaise à devenir « une communauté invisible qui a effacé sa propre mémoire ».
Le projet s’inspire de la lettre publiée dans Le Monde le 9 janvier 2018 par Victor Pereira et Hugo dos Santos, qui exprimait son opposition à la manipulation de l’histoire et de la mémoire de l’immigration portugaise. Cette lettre citait l’émigration portugaise comme un exemple de bonne intégration par opposition au mauvais exemple des nouveaux immigrants, originaires du Maghreb.
Des histoires individuelles sont explorées, comme celle de Lorette de Jesus Fonseca, une immigrante portugaise qui, à la fin des années 1960, était une activiste communautaire et leader du mouvement de protestation qui luttait contre la démolition du bidonville de Massy ; les Ducky Boys, groupe multiracial pro-violence fondé en 1983 par le portugais João Cordeiro pour lutter contre les attaques xénophobes et racistes perpétrées par des gangs skinheads contre des communautés d’immigrés; Mário Cesariny, écrivain homosexuel portugais qui a été emprisonné à Fresnes en 1964 pour attentat à la pudeur, ainsi que Jérôme Rodrigues, originaire de Luso et membre des gilets jaunes, célèbre pour la balle en caoutchouc qui l’a laissé aveugle d’un œil dans l’une des nombreuses opérations du mouvement.
Avec le soutien de la Fondation Calouste Gulbenkian.
PROGRAMMATION EN CONTINU DU 24 MAI AU 9 JUIN AU FORUM -1
11h-22h : Installation Tarik Kiswanson
11h-22h : Installation Emilie Pitoiset
11h-22h : Projection Evan Ifekoya
11h-22h : Vidéodanse
AGENDA
VENDREDI 24 MAI 18h : Vernissage MOVE (F-1)
DIMANCHE 26 MAI
17h : Lecture de Tarik Kiswanson (F-1)
18h : Rencontre avec Tarik Kiswanson (PS)
19h : Performance Cecilia Bengolea (PS)
LUNDI 27 MAI 18h : Performance Tarik Kiswanson (F-1)
MERCREDI 29 MAI
18h : Performance Tarik Kiswanson (F-1)
20h : Performance d’Hannah Quinlan & Rosie Hastings (PS)
VENDREDI 31 MAI
18h : Performance de Tarik Kiswanson (F-1)
20h : Performance de Daisuke Kosugi (PS)
20h30 : Performance de Manuel Pelmus (PS)
SAMEDI 1er JUIN 17h : Rencontre avec Evan Ifekoya (PS)
LUNDI 3 JUIN 18h : Performance de Tarik Kiswanson (F-1)
MERCREDI 5 JUIN
18h : Performance de Tarik Kiswanson (F-1)
20h : Performance Joao Pedro Vale & Nuno Alexandre Ferreira (PS)
20h30 : Performance de Lenio Kaklea (PS)
JEUDI 6 JUIN
18h : Performance de Tarik Kiswanson (F-1)
20h : Performance de Than Hussein Clark (PS)
VENDREDI 7 JUIN
18h : Performance de Tarik Kiswanson (F-1)
20h : Performance d’Emilie Pitoiset (PS)
SAMEDI 8 JUIN 17h : Lecture de Tarik Kiswanson (F-1)
Photo d’entête : Videodanse Staging -Lateral ©Babette Mangolte
S’abonner
Connexion
0 Commentaires
Les plus anciens
Les plus récents
Le plus de votes
Inline Feedbacks
View all comments