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Le bitcoin, une bulle archétypale prête à exploser ?

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Alors que le bitcoin (ou BTC), créé en 2009, bat toutes les semaines de nouveaux records et tutoie désormais les 10 000 dollars (contre 1 000 dollars début 2017 et… 1 dollar en 2011), les économistes sont partagés : s’agit-il vraiment d’une nouvelle monnaie décentralisée et libre de toute banque centrale ou d’un instrument purement spéculatif ?

Les causes du succès inédit d’une cryptomonnaie

L’utilisation du bitcoin comme moyen de paiement ne cesse de s’étendre depuis l’annonce de WordPress (le 16 novembre 2012) de l’accepter pour ses services payants. L’intérêt est d’autant plus grand que le paiement s’effectue sans intermédiation bancaire et sans le moindre frais et avec l’accord tacite des autorités : ainsi des pays qui avaient dans un premier temps proscrit son usage comme la Thaïlande (en 2013) ou la Russie (en 2014) sont revenus sur cette interdiction (en 2016).

Dernier indice du succès, on recense en novembre 2017 près de 1 700 distributeurs- échangeurs automatiques de bitcoins dans le monde. On doit à son créateur, le mythique et fantomatique Satoshi Nakamoto l’idée de génie d’un système d’émission fondé sur les nouvelles technologies, totalement décentralisé et, pour le moment, parfaitement sécurisé par les utilisateurs de la blockchain.

L’algorithme informatique limitant le nombre de bitcoins à 21 millions à terme (18 millions en circulation à ce jour, les bitcoins perdus n’étant jamais remplacés), la rareté relative du produit virtuel explique en grande partie sa hausse puisque seulement 0,01 % de la population mondiale en détient. On peut donc imaginer l’effet sur les cours si la principale cause des bulles spéculatives à savoir l’effet FOMO (fear of missing out ou la peur de rater une opportunité) se généralisait à ne serait-ce qu’1 % de la population mondiale soit 100 fois plus de détenteurs…

La vraie nature du bitcoin

Le bitcoin est une monnaie digitale ou cryptomonnaie qui possède certains attributs d’une véritable monnaie acéphale. Immatérielle et stockée sur un support électronique, elle bénéficie d’un mécanisme d’échange propre permettant le transfert des bitcoins d’un compte à un autre sans intermédiaire via la technologie dite du registre distribué (la blockchain), la cryptographie assurant une grande fiabilité à ce système ouvert. Les transactions s’effectuant sous pseudonyme elles sont donc moins coûteuses et plus discrètes que les virements bancaires.

Le bitcoin créé ainsi un nouvel espace de transactions financières entre les transactions officielles et le cash totalement anonyme et sans frais mais non sécurisé.

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Comme toutes les cryptomonnaies, le bitcoin n’a aucune valeur intrinsèque (pas même comme objet de collection car il est immatériel) et à la différence des monnaies officielles il n’est le passif d’aucune banque centrale ou institution monétaire. Ce n’est pas non plus un actif financier comme une action ou une obligation puisqu’il ne rapporte rien. Sa seule valeur de placement réside dans les perspectives de plus-values que lui accordent ses détenteurs : c’est donc un actif sans le moindre sous-jacent, les investisseurs ne pouvant récupérer leurs fonds en devises que si d’autres utilisateurs désirent acquérir des bitcoins.

Comme le souligne à juste titre la Banque de France, le bitcoin, comme les autres monnaies virtuelles, ne constitue pas un instrument de paiement au sens de la législation européenne, et n’offre donc à ce titre aucune protection à ses utilisateurs, pas de garantie de remboursement et aucun recours en cas de transaction frauduleuse. En France, l’activité de conversion de monnaie virtuelle en euros ou en devises étrangères est assimilée à la fourniture de services de paiements, et soumise à agrément de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution.

Une bulle archétypale

On a pu lire que le cours du bitcoin avait dépassé celui de l’or en comparant les 10 000 dollars au cours de l’once d’or de 31 grammes qui se situe autour de 1 300 dollars mais cette comparaison n’a guère de sens car la valorisation totale de l’ensemble des bitcoins émis, de 180 milliards de dollars, reste sans commune mesure avec la capitalisation totale du stock d’or mondial d’environ 8 000 milliards de dollars pour ne rien dire des 150 000 milliards dollars de l’ensemble des actifs financiers et des 240 000 milliards dollars de l’immobilier mondial.

Reste qu’à 10 000 dollars l’unité on pourrait considérer que la bulle du bitcoin n’est qu’un nouvel avatar de la longue série de folies spéculatives qui secouent régulièrement la monde de la finance depuis la « Tulipomanie » de 1637 en passant par le système de Law en 1720 ou la bulle Internet de 2000.

Cette bulle a toutefois des singularités qui en font un phénomène unique dans les annales (ce qui bien entendu donne des arguments supplémentaires au camp de ceux qui estiment le phénomène pérenne sur le thème mainte fois repris dans l’histoire « cette fois, c’est différent »).

C’est même probablement, plus encore que la bulle Internet de 2000, la première bulle de l’hypermodernité car à la différence de la précédente l’instrument spéculatif est ici totalement immatériel. Le réseau étant mondialisé, les acheteurs sont potentiellement 7 milliards (d’autant que le bitcoin est divisible 8 chiffres après la virgule…) ce qui explique largement le phénomène d’entonnoir auquel on assiste.

Qui tuera le bitcoin ?

Dans ces conditions quel type d’aiguilles pourrait faire éclater la bulle ? Le premier serait la casse du siècle (le vol par subtilisation de mot de passe ayant toujours existé) ou une effraction dans le système de blockchain qui entraînerait une inondation de faux bitcoins et donc un effondrement des cours.

Paradoxalement, ce risque longtemps considéré comme marginal, devient de plus en plus plausible car la hausse des cours en augmente d’autant le profit potentiel et donc l’incitation.

Le second serait une prise de position commune de l’ensemble des États et des banques centrales qui décideraient d’interdire ce moyen de paiement au nom de la lutte contre la fraude (rappelons qu’en 2013 les autorités américaines ont fermé la société Silk Road qui utilisait le bitcoin comme moyen d’échange de drogues). Quand on constate la volonté toujours croissante des grands pays à coordonner la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme on ne peut écarter une initiative commune contre le bitcoin.

Que faire ?

Malheureusement pour les esprits lucides, à supposer même qu’il existe un moyen de vendre à découvert le bitcoin, cette stratégie est à proscrire et pourrait s’avérer désastreuse. En effet nul ne peut prédire ni la durée ni le sommet de la vague spéculative et comme nous l’a enseigné Keynes, « le marché peut rester irrationnel plus longtemps que vous ne pouvez rester solvable ».

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Il ne reste donc qu’une seule chose à faire : s’asseoir au bord de la rivière pour voir passer, un jour futur, le cadavre du bitcoin.

Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business School

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation, partenaire éditorial de UP’ Magazine

The ConversationPour aller plus loin :
 

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